[CHAPITRE RÉÉCRIT]
Cela faisait trois jours et quelques heures que Raven et moi cohabitations, et, étonnamment, aucun d'entre nous n'avait tenté d'assassiner l'autre. Pourtant, Raven en aurait eu l'occasion au moins un millier de fois. Mais elle n'en avait rien fait. Elle était même restée plutôt distante, pour des raisons que je ne connaissais pas. Ou que je m'interdisais d'imaginer.
Aujourd'hui, elle et moi avions décidé de visiter de lycée. Pour elle, visiter était égal à regarder des tableaux dans un musée. Ne rien toucher, surtout. Moi, je voulais plutôt m'amuser, car ça commençait vraiment à craindre, ici. Je n'aurais jamais imaginé qu'un lycée puisse être excitant, mais ce niveau d'ennui devrait être interdit pas la loi. Je n'avais pas de réseau pour parler avec Deborah – ou n'importe qui, du moment que ce n'importe qui m'appréciait un minimum – et je n'avais même pas de cigarettes sur moi pour passer le temps. Jamais je ne l'aurais admis devant Raven, mais je commençais à regretter très légèrement de l'avoir retenue, le vendredi précédent, après le sport. Si je n'avais pas fait cela, nous n'aurions pas été ici à l'heure qu'il était.
Le pire, c'est quand je me rappelais pour quelle raison j'étais venu lui parler, ce jour-là. Une raison beaucoup trop stupide pour que l'on reste enfermés pendant deux semaines.
Après avoir mangé quelques biscuits – Miss On-Mange-Sain avait refusé que j'en ingurgite plus –, nous avons donc déambulé dans le couloir.
J'avais trouvé un moyen de la faire céder, et je n'en étais pas peu fier, d'ailleurs. Elle était si facile à comprendre, pas vraiment complexe, tellement prévisible. En fait, elle me ressemblait un peu trop. Si on voulait lui faire faire quelque chose, il fallait la défier. Elle ne pouvait pas refuser un défi, et encore moins le perdre, j'avais bien vu qu'elle voulait me le montrer, quelques jours plus tôt, en salle des profs.
Nous sommes passés devant plusieurs salles pas très intéressantes, avant de nous arrêter d'un accord tacite devant la classe d'arts plastiques.
Je n'ai jamais aimé les arts plastiques. Pour moi, c'était plus une excuse pour nous ridiculiser en enfilant des tabliers lilas – une idée de cette chère Miss James – et en faisant de la peinture digne de maternelles. Seuls certains avaient la chance de s'en sortir, ceux qui arrivaient à maintenir leur honneur en ayant plus de 75/100 à l'évaluation finale. Pas moi, en somme. Par chance, si les arts plastiques étaient obligatoires à Blue Springs en première année, ils ne l'étaient plus à partir de la deuxième année et constituaient une option.
Cette salle était donc la scène de beaucoup de moment embarrassants, mais aussi de mes plus grands délires avec mes potes. Malgré le ridicule, voir mes amis d'enfance en tablier mauve me faisait toujours exploser de rire. J'avais d'ailleurs quelques photos compromettantes d'eux sur mon téléphone, dont je n'hésitais pas à me servir pour les menacer.
Quand elle s'est retrouvée en face de la salle, Raven n'a eu aucune réaction. Pas un petit sourire, ni une moue gênée au souvenir de ces moments honteux. Elle s'est contentée de regarder la porte où traînait une citation, écrite sur un post-it jaune délavé.
« You don't know what you got 'till it's gone »
On ne sait pas ce que l'on a jusqu'au moment où on le perd.
Je n'avais jamais été sensible à l'écriture, et ces quelques mots ne faisaient pas exception. Je les trouvais affreusement plats. Parce que les mots, c'est magnifique, mais cela ne pardonne pas les actes. Les mots mentent, les mots frappent, les mots hurlent. Les mots peuvent en cacher d'autres, bien plus durs. Mais une main qui en touche une autre sera toujours une main qui en touche une autre, un bras qui enlace un corps sera toujours un bras qui enlace un corps. Les mots sont des traîtres. Ils disent « elle est seulement tombée dans les escaliers » pour justifier des ecchymoses dues à une main humaine. Ils disent « je vais bien » pour dissimuler le mal-être.
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Seulement deux Semaines [EN RÉÉCRITURE]
RomanceEn dix-sept ans d'existence, Lena n'a connu que les études, une situation familiale compliquée et le petit village perdu au milieu du Mississippi dans lequel elle habite. Chaque jour est plus ennuyeux que le précédent et les mois s'écoulent dans une...