[SEVEN] L e n a

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[CHAPITRE RÉÉCRIT]

Deux heures. 

Deux heures que je faisais semblant de lire un livre du CDI pour éviter de croiser son regard quand il passait devant moi. Deux heures que je n'arrêtais pas d'allumer mon téléphone dans l'espoir d'avoir reçu un message de Heaven me prévenant qu'elle avait averti la police. Deux heures que je maudissais le monde entier et ma chance inexistante. Deux heures que j'étais devenue polythéiste tellement j'avais prié de dieux différents de me sortir de là. Deux heures qui m'avaient paru bien plus longues que deux heures.

Il était presque vingt-et-une heures ; le soleil se couchait et baignait le hall tout entier d'une douce lumière orangée. J'étais assise sur les marches de l'immense escalier central, en face des baies vitrées pour être sûre de ne pas rater l'arrivée de la police.

Alors que je tournais une nouvelle page dont je n'avais capté que trois mots à cause de mon manque de concentration, j'ai aperçu au loin une voiture entrer dans le parking du lycée. Ce n'était pas un véhicule des forces de l'ordre, mais c'était quelqu'un. Je me suis brusquement levée, si vite que j'ai eu un vertige, et je me suis précipitée vers la porte fermée à clé de l'établissement. Un large portail en métal me séparait encore de la liberté, en plus de cette vitre.

Une silhouette a émergé de la voiture, et je l'ai reconnue au moment même où j'ai vu ses cheveux teints en brun dont les racines blondes étaient bien visibles. Heaven. Elle s'est approchée du portail jusqu'à m'apercevoir et elle m'a fait signe de me diriger vers la gauche. J'ai compris qu'elle souhaitait que l'on parle, et il nous était impossible de le faire à travers la vitre. Je suis donc entrée en hâte dans le bureau du proviseur et j'ai ouvert la fenêtre à son maximum (c'est-à-dire vingt centimètres, au cas où quelqu'un ait l'idée de mourir en sautant du rez-de-chaussée). Elle a escaladé le petit grillage et m'a rejointe, de l'autre côté du mur.

— Heaven ? ai-je murmuré quand elle est arrivée à ma hauteur. Qu'est-ce que tu fais là ? Où est la police ?

Elle s'est mordu la lèvre et a jeté un coup d'œil derrière moi pour s'assurer que Wheeler n'était pas là.

— Il est en salle des profs, je crois, ai-je répondu à sa question muette.

La brise estivale me chatouillait les joues de ses senteurs de laurier, de terre et de sel venu du vent marin de la côte, mais je ne pouvais le sentir sur mes jambes, et cette sensation commençait déjà à me manquer. Elle a hoché la tête, et j'ai senti que quelque chose n'allait pas. 

— Hav, qu'est-ce qui se passe ? Tu es bizarre, depuis tout à l'heure.

— Écoute, Len, je sais que tu vas me détester et tu auras sans doute raison. Tu vas certainement penser que je suis la pire traîtresse de l'histoire de l'humanité, et que je ne mérite pas d'être ta meilleure amie.

J'ai commencé à prendre peur. Je ne comprenais rien. J'ai rencontré son regard et elle a esquissé un petit sourire d'excuse.

— Qu'est-ce que tu as fait ?

Elle s'est raclé la gorge et a reculé de quelques pas. Son dos a rencontré le grillage derrière elle dans un bruit métallique.

— La question n'est pas de savoir ce que j'ai fait. C'est de savoir ce que je vais faire. Là, je vais partir. Je ne vais dire à personne que vous êtes là. Je servirai un mensonge à tes parents et ils me croiront.

— Quoi ? Mais pourquoi ? ai-je paniqué.

Elle a froncé les sourcils. Elle avait l'air vraiment désolé et sincère, pourtant j'avais l'impression qu'elle m'avais enfoncé un couteau dans le cœur et qu'elle s'amusait à le faire tourner sur lui-même pour me faire encore plus mal.

Seulement deux Semaines [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant