Chapitre 19

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Cela faisait plus d'une dizaine de jours que Maple et Ylena se voyaient quasiment tous les jours. Le plus souvent, la première débarquait chez la seconde avec de quoi manger, un repas différent selon l'heure. De la brioche ou des croissants quand elle passait tôt avant de se rendre à son travail. Des sandwich ou une salade à déguster sur le pouce quand elle venait entre midi et deux. Un repas complet pour le diner quand elle la rejoignait après son travail.

— Tu me nourris trop bien, avait dit Ylena une fois, je vais finir par prendre cinq kilos au moins.

— Tant mieux, j'aime tes formes généreuses, avait complimenté Maple.

Elles chérissaient ses moments où elles se retrouvaient seules dans leur petite bulle, où rien d'autre n'avait d'importance. Elles prenaient le temps d'apprendre à se connaitre, Maple ayant exprimé le souhait que les choses aillent lentement entre elles. Elle voulait s'assurer ne pas être qu'une passade pour Ylena, parce qu'elle ne l'était pas pour elle, comme lui avait fait remarquer ses frères. Cet investissement surpris et ne rassura pas cette dernière. Elle avait peur que Maple idéalise leur relation ou la mette sur un piédestal. Elle ne voulait pas d'une relation compliquée et craignait qu'elle ne prenne tout ça bien trop au sérieux. Pourtant, elle ne lui en dit rien, sous les conseils de ses amis. Après tout pourquoi leur relation ne pouvait-elle pas être sérieuse ?


— J'ai du mal à m'attacher aux gens, expliqua Maple un jour. Depuis toute petite, ils n'ont fait que me trahir.

— C'est pour ça qu'il n'y a que tes frères et ta sœur qui comptent, releva Ylena.

— J'aimerais que tu comptes aussi.

— Je ne veux pas te faire souffrir, je n'ai aucune raison de te trahir, finit-elle par dire.

Maple ne répondit rien. Ylena comprenait qu'elle ne lui faisait pas entièrement confiance. Elle se doutait qu'elle avait vécu des choses difficiles qu'elle ne pouvait pas encore confier. Mais elle était enthousiaste à la découvrir peu à peu, petit bout par petit bout. Elle savait qu'elle adorerait chacun de ces petits détails au fur et à mesure qu'elle les révélerait, même si pour l'instant elle ne disait rien de ce qui la rongeait.


Un soir, après avoir bien mangé, alors qu'elles étaient allongées tête bêche sur le tapis dans le salon de l'étudiante, Ylena osa parler du décès de sa mère :

— J'ai mis du temps à prendre conscience qu'elle était partie, que je ne la reverrai plus jamais. A la fin, elle était tout le temps à l'hôpital et je ne comprenais pas pourquoi. Quand j'allais la voir, elle avait l'air d'aller bien, elle souriait, jouait avec moi et jamais elle ne se plaignait.

— Elle faisait bonne figure pour ne pas t'inquiéter, releva Maple en prenant sa main dans la sienne.

— Oui. Je ne l'ai compris que plus tard, mais elle allait vraiment mal. Quand j'y repense, j'ai juste fermé les yeux pour ne pas accepter que j'allais perdre ma maman. Elle était très amaigrie, les yeux cernés et elle crachait du sang quand elle toussait. Et puis elle est morte, mais j'étais persuadée que je pourrais la revoir à ma prochaine visite à l'hôpital. Tu vois, avec le cancer, continua-t-elle la voix tremblante, tu as le temps de te préparer à perdre la personne, mais malgré tout, ça reste si soudain. On n'arrive jamais à se préparer à perdre quelqu'un.

— Surtout quand on a huit ans, précisa la métisse.


Même si Ylena se confiait sincèrement sur les blessures de son enfance, Maple ne révélait rien de la sienne. Tout ce que l'étudiante savait c'est qu'elle avait été particulièrement difficile. Le seul élément qu'avoua la jeune femme un soir déconcerta Ylena :

Le Fou de la ReineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant