Chapitre 2

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Encore une minute…une seule minute, soixante secondes et je pourrai enfin assouvir ma soif de savoir sur les lycanthropes ! La seconde où la sonnerie annonça la fin des cours, je me précipitai de ranger mes affaires, les fourrant en vrac dans mon sac sans prendre la peine de ranger soigneusement les feuilles de cours, maintenant froissées et pour certaines déchirées. Je savais qu’en rentrant chez moi et qu’en les sortant je pesterai contre mon inconsidération totale pour elles. Mais, pour l’instant, au diable ces maudites copies ! Elles pouvaient bien attendre encore quelques heures ces fichues feuilles ! Mon besoin d’approfondir mon savoir passait avant tout ; c’est pourquoi je me dirigeai vers mon professeur de mythologies et de légendes urbaines d’un pas se voulant assuré mais ressemblant en réalité à un fou furieux qui n’hésiterait pas à vous tuer à la moindre objection émise. En tout cas c’était ce que la tête que M. Spencer tirait me laissait penser. Génial… je passais pour qui maintenant ? Pas grave ! Reprends-toi bon sang ! Je me plantai devant ledit professeur et me sentant tout à coup honteux de ma démarche, baissai les yeux pour ne pas avoir à croiser son regard qui devait être en train de me juger. Je sentais ses pupilles me transpercer tellement son regard était pesant.

« -Que me vaut cette visite Ayden ? »

Sa soudaine prise de parole me fit sursauter. La honte ! Je sentis mon visage s’empourprer avant de me racler la gorge pour essayer de diminuer cette gêne qui avait élu domicile au creux de mon ventre.

« -Je venais vous voir car le cours sur les eum… lycanthropes ? m’a énormément intrigué et j’aimerais savoir si vous aviez d’autres informations sur cette légende ? »

Arrête de faire semblant de ne plus te rappeler du nom de ces créatures alors que la veille tu as passé des heures à effectuer des recherches !

-Eh bien, à la bibliothèque tu pourras trouver de nombreux ouvrages traitant ce sujet. Je peux effectuer quelques recherches si tu veux et te les envoyer par mail ? Cela ne devrait pas me prendre trop de temps. »

Mon regard s’illumina à l’entente des paroles du professeur. Je m’empressai de répondre de peur qu’il ne change d’avis si je tardais trop :

« - Oui merci ! Je ne pouvais rêver mieux ! J’espère ne pas trop vous encombrer avec cela…mais vous me rendez un grand service !

-Il n’y a pas de quoi. Je t’avoue que cette légende m’a aussi énormément intrigué donc cela me permet d’avoir une excuse pour affiner mes connaissances. Ciel ! As-tu vu l’heure ? File en cours avant d’arriver en retard. Je tacherais moi-même de te mettre en colle si j’apprends que tu as été exclu pour cause de retard trop important ! »

Un petit sourire orna ses lèvres tandis que son regard qui était autrefois dur et jugeur, s’était adoucit, laissant place à des yeux beaucoup plus accueillants et rassurants.

« -Oui j’y vais ! Encore une fois merci beaucoup ! Bonne journée Monsieur ! »

~

Combien de temps cela faisait-il que je fixais de manière insistante mon écran d’ordinateur ? Je n’en avais aucune idée. Ce que je savais en revanche était que j’aurai au mieux des courbatures au doigt à force de cliquer comme un forcené pour rafraîchir la page ou au pire une amputation de celui-ci ; à voir quel était le meilleur débouché...

Bon sang ! Pourquoi ce maudit professeur ne m’a toujours pas envoyé un mail ? Ne serait-ce qu’un tout petit, minuscule mail de confirmation sur le commencement des recherches ! Je ne lui demandais quand-même pas la Lune ! Et me voici-ci, le derrière collé à la chaise, la main droite agrippant avec force la souris, prête à réagir à la moindre notification, les yeux rouges, gorgés de sang à force de fixer l’écran sans cligner une seule fois les yeux (si mes parents savaient ça… bonjour le discours sur les effets néfastes de l’écran sur les yeux) et enfin mon cerveau attentif au moindre changement de l’affichage, témoignant d’un mail fraîchement arrivé, paré à envoyer à tout moment une information nerveuse à ma main pour pouvoir ouvrir enfin ce fichu mail !

Au bout de vingt minutes qui me paraissaient être des heures, mon dos ainsi que ma main commençaient à me lancer tandis que mes yeux me brûlaient à cause de la surexposition (j’aurais dû suivre vos conseils, papa…maman…). Je laissai échapper un long soupir d’entre mes lèvres tandis que mes yeux se posèrent sur l’heure affichée par mon radio réveil fétiche. Il n’était pas vraiment spécial d’apparence, mais je l’avais depuis que j'étais tout petit donc il avait une grande importance émotionnelle. Il m’a suivi lors de mes premiers cauchemars lorsque mon regard empli d’effroi chercha son réconfort dans la découverte d’une heure annonçant le matin ; m’a suivi quand j’ai vécu ma première nuit blanche où mes yeux fatigués et explosés par les écrans s’écarquillèrent à la découverte de l’heure, ô comment tardive ! Et bien sûr m’a suivi avec ma nuit agitée précédent le brevet où seul le désespoir était présent dans mes yeux fatigués quand six heures étaient affichées.

En l’occurrence, c’était vingt-deux heures qui était affiché en ce moment-même. Il fallait vraiment que j’aille dormir mais comment faire quand toute cette histoire m’obsédait au point de m’empêcher de dormir ? Malgré mon envie d’attendre pendant des heures l’apparition du nom de mon professeur dans ma messagerie, je décidai de me lever et de me coucher. La nuit portait conseil, me disait-on.

~

A mon réveil, un pressentiment désagréable s'était niché au creux de mon ventre. Quelque chose clochait mais j'étais incapable de mettre le doigt dessus, cela m'a préoccupé toute la matinée. Malgré tous mes efforts à passer outre cette sensation, mon esprit était constamment en alerte, s’apprêtant à fuir à la moindre chose suspecte.

Ce fut en arrivant au lycée que cette sensation s'était accrue, à mon plus grand malheur ; la seule chose qui me permettait de l'oublier était mon cours de mythologie et de légendes urbaines qui allait commencer d'une minute à l'autre avec l'arrivée de M. Spencer.

Avachis sur ma chaise, la tête soutenue par ma main, je me morfondais sur ma stupidité à vouloir me coucher tard la nuit dernière, mais aussi à mon incapacité de dormir tranquillement. C'était cogitation sur cogitation jusqu'à pas d'heure. Ces agitations étaient sûrement liées à ce pressentiment comme si mon cerveau savait que quelque chose allait arrivé ou était arrivé. Mais cela était trop tard, la nuit était passée et une nouvelle journée avait commencé et je pourrai demander à M. Spencer l'avancée de ses recherches. Une angoisse me prit à la pensée de M. Spencer et à ces recherches, cet absence de mail ne présageait rien de bon. Je mis fin à cette paranoïa, mettant cela sur le compte du manque de sommeil, comme pouvait le témoigner les cernes qui avaient élu domicile sous mes yeux ; oui c'était le manque de sommeil !

Le bruit de l'ouverture d'une porte me sortit de ma torpeur, mes yeux se dirigeant naturellement sur l'encadrement de la porte, s'attendant à voir M. Spencer débarquer de celle-ci. Je me redressai rapidement quand à la place de la carrure assez imposante de M. Spencer était celle d'un homme d'assez petite taille, bedonnant et avec un début de calvitie, le classant dans le commencement de la cinquantaine : ce n'était pas M. Spencer ! L'homme s'avança au milieu de la pièce avec un sourire désolé, scanna la pièce du regard avant de s'exprimer :

« Bonjour à tous et à toutes, suite à des problèmes de santé, M. Spencer ne pourra plus assurer vos cours de mythologie et de légendes urbaines, c'est pourquoi je serai votre nouveau professeur pour cette matière pendant une durée indéterminée. »

Un halètement d'horreur s'échappa d'entre mes lèvres. C'était donc pour cela que M. Spencer ne m'avait pas envoyé de mail ! Mais après quelques secondes de réflexion, je commençai à me dire que la raison annoncée par M. Cardigan, le professeur remplaçant, n'était pas la vérité, ou alors une partie manquait. Ce fut pourquoi je me retrouvai debout devant M. Cardigan à la fin du cours, déterminé à connaître la véritable raison.                                                        M. Cardigan avait un regard fuyant :

« Je suis dans l'impossibilité de vous donner des précisions sur l'état de santé de  M. Spencer, soupira-t-il.

-Je vous en prie Monsieur ! Je m'inquiète pour lui et je vous promets que je ne le dirai à personne ! M'exclamai-je »

Il hésita un instant avant de reprendre :

« La police a appelé ce matin, déclarant que M. Spencer n'était plus à son domicile et était introuvable pour le moment »

Mon regard se perdit dans le vide, essayant d'enregistrer ce que M. Cardigan venait de m'annoncer : M. Spencer avait disparu.

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Le Loup Aux Yeux D'Or Où les histoires vivent. Découvrez maintenant