Alice
« Je te retrouverai toujours. Où que tu sois, je serai là.»
Je suffoque, assise sur le matelas, les mains tremblantes, mobilisant toute ma volonté.
- Ce n'est qu'un cauchemar... Un foutu cauchemar...
Un milliard d'aiguilles lacèrent mes muscles tétanisés. La lavande imprimée sur l'abat-jour jaune vif de ma lampe de chevet me tient compagnie. Je me laisse happer, entraîner par des ombres malgré la lumière allumée. Je ne dois pas faiblir. Une fois n'est pas coutume je m'enferme, me retranche au plus profond de mon âme. J'inspire. La boule de chaleur dans ma gorge explose tel un feu d'artifice. Je déglutis, tente d'évacuer les débris de la déflagration avec difficulté. Si je n'étais pas déjà assise, l'acide contenu dans mes veines me flanquerait à terre. J'expire. Mes poumons se contractent avant que ma poitrine se lance dans une course contre la montre. Je serre les dents quand mes extrémités s'engourdissent. Je reconnais ce symptôme si particulier. C'est le signe que je suis prête. Le vide s'étend devant moi, ne me reste plus qu'à sauter.
- Allez, Alice, lâche prise, chuchoté-je.
Mes doigts s'enfoncent dans mes paumes, emprisonnant les draps. Ton corps est en souffrance, tu dois arrêter. Je répète mon mantra en boucle sans parvenir à abdiquer. C'est plus fort que moi. Avec le temps j'ai appris à reconnaître les signaux, je sais exactement la marche à suivre dans ce cas précis, pourtant je suis terrifiée. Les larmes dévalent sur mes joues et je finis par fermer les paupières. La voix de ma meilleure amie résonne en moi. J'essaie de mettre en pratique ces directives, me force à imaginer mon endroit refuge. Ce lieu où rien ne peut plus m'atteindre et où le calme m'enveloppe. J'y crois. Durant quelques secondes, mon subconscient matérialise le paradis. Je m'accroche avant que la douleur ne me rattrape. Je n'y échapperais pas. Mes neurones semblent tous nécrosés par mes souvenirs. Même les diverses techniques de respirations glanées sur YouTube ne suffisent pas à éradiquer la crise. Rien n'y fait, reprendre le contrôle de moi-même s'avère impossible. Elle est trop forte. Le souffle saccadé, j'essuie mon front trempé de sueur, je ne peux plus rester ici. J'ai besoin de m'aérer l'esprit, de sentir le mistral fouetter mon visage. Bref, d'être vivante. Et je ne connais qu'un seul endroit pour ça.
J'écarte les draps au bout du lit et grimace à la seconde où le sommier grince sous mes gestes. Une chance que ce couinement, sorti d'outre-tombe n'a aucune incidence sur le sommeil de Clara, enroulée dans sa couette à l'autre bout de la chambre. La voir si paisible me console un peu. Je ne voudrais pas lui infliger ce piètre spectacle une fois de plus. Elle m'a retrouvé trop souvent aux quatre coins de la maison au bord de l'évanouissement, hurlant à pleins poumons sur des démons invisibles, pour pouvoir les dénombrer. C'est toujours la même rengaine. Je ne garde qu'un souvenir flou des crises précédentes, seule une fatigue chronique persiste. Moi, j'ai fini par m'y habituer. Mais qu'en est-il pour elle ? Parce qu'elle a beau clamer haut et fort combien cela lui est égal, ces cernes la trahissent. J'ai tout essayé pour l'épargner, le yoga, la méditation, les exercices de respiration, l'hypnose, sans oublier les différents traitements. Rien ne fonctionne. Je dois me rendre à l'évidence : ça ne s'arrêtera jamais.
Dans la cuisine, je retrouve ma veste abandonnée sur le dossier d'une des chaises. Je l'enfile, récupère mes clés déposées sur le meuble à chaussures de l'entrée avant de quitter mon cocon. Le vent, telle une caresse, soulève mes cheveux en les faisant danser au rythme de ses bourrasques. Je prends une grosse goulée d'air et retiens un cri de douleur. L'oxygène qui s'infiltre dans mon organisme brûle mes poumons trop sollicités. Je titube, m'appuie contre le mur de la maison afin de traverser la ruelle censée me mener jusqu'à la place du village, le tout accompagnée par les premières lueurs de l'aube.
VOUS LISEZ
Je te retrouverai toujours
Romance" Quand le passé resurgit, il faut choisir entre l'affronter ou le fuir. " Zack le savait, se rendre à Porquerolles pour l'été était une mauvaise idée. Bien que cette décision ne soit pas la sienne le voilà obligé de composer avec la dure réalité. D...