— J'ai été profondément impressionné par tes résultats. Je comprends désormais l'enthousiasme et le dévouement qu'Armed a mis afin de t'accueillir ici, Azazel. Je ne regrette en rien ce choix, alors qu'en penses-tu ?
Avec près de ces six siècles passés sur terre, à déambuler et découvrir plus profondément la nature humaine, j'avais plus exploré bien des choses. Chaque jour m'avait appris quelque chose de nouveau et j'avais retrouvé cet amour de la vie qui m'avait tant fait faux bond de ces derniers millénaires. Je ressentais la même satisfaction à découvrir la beauté des hommes, qu'à attendre la prochaine action de Ryaem, comme j'avais attendu celle de sa vie précédente. C'était mille fois plus attrayant que simplement entendre et écouter les histoires des hermaphrodites que j'accueillais à Megtah.
J'aimais vivre ici, sans oublier ce que j'y faisais vraiment, je m'y plaisais, sincèrement. Une part de moi appartiendrait toujours à Gehenne, à Megtah avec toutes mes autres parts de moi que j'avais laissé là-bas, mais la terre... était si belle, si grandiose ! Mon cœur palpitait comme un fou à chaque nouvelle découverte. J'avais vécu au jour le jour, devenant égoïste au point de n'avertir aucun de ceux que j'aimais de ma présence, mais je veillais sur eux. La proposition de Ryaem me faisait grandement plaisir.
Travailler pour lui, être témoin de sa grandeur et de sa beauté si proche de lui en travaillant sous « Cerbère », je trouvais cela ô combien intéressant ! Malheureusement, j'ignorais encore où me mènerait demain. J'étais conscient que je me laissais porter par le vent. Demain, quelque chose d'autre pourrait accaparer mon attention, m'intéresser et me conquérir, m'emporter sans que je ne me retourne et j'en étais plus que conscient. Alors, je ne pouvais réellement rien promettre.
— J'adore être ici, fréquenter la Légion de demain, mais je me dois d'être honnête : je ne sais pas ce que demain me réserve.
— Tu n'as pas pour but de faire partie de la Légion ? s'étonna-t-il.
— Je suis avare de connaissance et d'expérience, pas de reconnaissance et de bien matériel.
En cet instant, en entendant mes mots, son regard changea. Je n'essayais pas de cacher qui j'étais. Je ne le criais pas non plus, mais je savais que pour ceux qui me connaissaient, si je me mettais à les côtoyer tous les jours, il finirait par voir en moi... le « véritable moi ». Ce que je vis dans les yeux uniques de Ryaem fut le trouble. Son âme percevait la mienne comme celui que j'étais vraiment, mais ses yeux le trompaient. Je souris, amusé que malgré mes leçons et le temps passé, il puisse encore se faire avoir par cela.
Instinctivement, je me penchai au-dessus de son bureau et relevai son menton. Je caressai ce dernier avant de le lâcher et de le laisser dans l'incompréhension de ce moment. Je gloussai et croisai mes bras sur ma poitrine. Je vouai à Ryaem un amour que je n'offrais à personne d'autre. Lorsque je pensais à lui, une fierté telle que je n'en ressentirais peut-être plus jamais m'envahissait. Et la tendresse qui enveloppait intimement mon être était poignante aussi !
— Tu n'as pas à t'en faire pour moi. Si demain me mène à nouveau à la Légion, alors j'espère trouver une place auprès de vous tous.
Je m'inclinai respectueusement et tournai les talons. Il se remit doucement de ses émotions. Il m'interpella avant que je ne sorte de son bureau.
— Il y aura assurément une place pour un élément comme toi. Puisse Gehenne continuer à suivre tes pas et à te protéger.
Je m'immobilisai, profondément touché par ses paroles. Je tournai la tête vers lui, l'admirant jusqu'à en perdre le souffle et d'un signe respectueux, le corps presque groggy de la félicité qui l'animait, je disposai. Je laissai mes pas me porter dans les couloirs majestueux, le regard distrait par la moindre personne, la moindre paire d'yeux sur ma personne, les moindres rires, le moindre mouvement. Je ne cessai de m'émerveiller sur la moindre petite chose et j'aimais cela.
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LE CHÂTIMENT D'ER - LUCIFÉRIEN (TOME 4/EN COURS)
FantasyVingt-et-un ans avant la naissance de Zymerion, soit quarante-trois ans avant l'avènement d'Ark, Faust est nouvellement élu légionnaire et se retrouve à côtoyer un changeur de peau : Archiduc. Tandis que des enquêtes et une passion pour le nébunism...