LE CHÂTIMENT D'ER - LUCIFÉRIEN (TOME 4/EN COURS)

Chapitre 32

Faust

La Grande Cité était en deuil. Conformément aux habitudes humaines, tous s'étaient vêtus de noir. À l'origine, d'aussi grandes cérémonies d'enterrements poussaient à porter le blanc, car chez les démons et dans la société terrestre désormais, la mort n'était pas un évènement triste que nous devions pleurer. Le blanc était couleur de joie, de libération et d'acceptation pour tous, mais aujourd'hui, nous avions le droit d'éprouvé du chagrin. Ce qu'il s'était passé était injuste.

— Il y a deux jours, débuta Prena, un drame a frappé les légionnaires responsables de la protection du portail. Afin de garantir votre sécurité quant à ce qui pourrait se trouver de l'autre côté, la Légion avait convenu de déployer trois cents hommes. Nous comptons à ce jour deux-cent-six morts.

Oui, nous étions tous affligés, mais un sentiment amer rongeait nos poitrines. Le Rux avait passé ces six derniers siècles à nous protéger, à nous préserver des dangers. La faune devenait sauvage, oui, au point que des chasseurs étaient déployés, mais le danger qui s'était abattu sur les soldats venait de Gehenne. Ça en avait toujours été un et les temps fâcheux dans lesquels nous étions ne changeaient rien à cela. C'était la terre natale des démons qui avaient failli à nous protéger, car ce monstre était venu de là. Un monstre que notre Prena avait été le seul à vaincre dans sa vie.

— Ils étaient tous de braves hommes et femmes ; des légionnaires fidèles et solides dont les pas faisaient trembler la terre tant l'unisson était inébranlable. Aujourd'hui, nous les pleurons tous.

Prena était en colère. Il tenait également pour responsable les démons de Gehenne. Lui avait maintenu l'ordre ici, alors pourquoi pas eux ? Prena était capable ; il se sentait capable de tout ! Il ne pensait pas cela possible d'échouer et cette hargne qui dévorait chacun de ses mots, rendaient nos cœurs plus hardis encore. Les responsables devaient payer et ça n'était pas cette bête que tous démons craignaient. Non, c'était ceux qui avaient été incapables de nous préserver du danger.

— Nous n'étions pas ignorants. Des dangers pouvaient surgir du portail et chacun d'eux le savait, mais ce qui les a frappés était trop fort, trop soudain, trop cauchemardesque. Les vagars sont les terreurs des démons, mais avec courage, mes hommes ont maintenu leurs positions. Ils ont sauvé des vies, évacués des centaines d'entre elles.

Le vagar qui avait piétiné les légionnaires courrait toujours. La Grande Cité était en état d'alerte. Depuis le début de la chasse, des alertes avaient été mises en place. Blanche : sortir était autorisé, mais il fallait agir avec prudence ; noir : certains quartiers étaient confinés et la prudence allait jusqu'à poser un périmètre ; rouge : aucune sortie n'était autorisée. Bien sûr, les légionnaires étaient autorisés à circuler pour ce dernier ou toute autre personne ayant un permis.

Aujourd'hui, nous ne pouvions même pas enterrer proprement nos morts. L'alerte rouge était présente depuis deux jours à cause de ce vagar. Les chasseurs, composés de légionnaires et de démons, avaient ordre de veiller de loin sur le vagar. Personne ne s'attendait à ce que Prena mène un combat contre la bête, non, nous attendions tous qu'il se charge du portail. La bête ne réagissait pas à nos habitations tant que nous étions silencieux.

Alors, nous suivions tous par les actualités. Bien que pour toute notre petite... « bande », nous pouvions suivre la chose en direct. Nous étions tous à la résidence du Rux. Ça n'était pas sa maison, juste un lieu de rassemblement pour les grandes occasions, mais Zymerion y était et recevait les soins. Nous étions tous réunis pour lui.

Prena commença à énumérer les noms des morts. Deux-cent-six noms. Deux-cent-cinq noms furent sortis avec des remerciements sincères pour leurs services. Cependant, le dernier nom fut le plus dur pour Le Rux. Je fermai douloureusement les yeux à l'entente de celui-ci.