Lanterne - LOCKZIE

II

Baptiste planta sa planche de surf dans le sable, s'arrêtant un instant pour admirer la mer. Les vagues étaient belles aujourd'hui. Depuis sa conversation avec Elina cette nuit, il avait l'impression d'être plus léger. Ils n'avaient plus à faire semblant entre eux. Ils avaient manger ensemble à midi et la conversation lui paraissait plus fluide et plus sincère. C'était rassurant.

Il s'assit sur sa planche et se prépara à boucler la sangle autour de sa cheville. C'était un jour frais pour l'été. Mais il savait qu'une fois dans l'eau, il n'aurait plus autant froid.

Son téléphone vibra dans la poche de son sac à dos. Il tendit le bras pour l'attraper, sa combinaison tirant sur sa peau à cause du mouvement. Il grimaça. Le nom de Corentin apparut, avec en fond une photo de ce dernier faisant un doigt d'honneur à la caméra. Il décrocha un sourire, comme à chaque fois qu'il revoyait cette photo. Il appuya sur le bouton vert.

« Salut Coco.
- Hey Lock, ça va ? »

Il n'était pas dupe. Malgré le ton enjoué de Corentin, il y reconnaissait une pointe d'inquiétude. Il aurait dû se douter que le French Monster allait repérer le moindre petit détail de la soirée du jeudi pour ensuite venir vérifier que tout allait bien. Ce n'était pas la première fois, après tout.

« Ouais, ouais. Alors, que me vaut le plaisir de ton appel ? »

Autant jouer l'idiot.

« Ha, ha. Tu sais pourquoi je t'appelle. T'étais chelou hier soir. »

Ça ne servait à rien. Corentin savait toujours tout. Mets-toi ça dans le crâne, Baptiste. N'essaye pas de jouer au plus malin avec lui car tu vas perdre. Et tu détestes ça.

« Allez frérot, viens on parle d'autre chose ?
- Seulement si tu me dis que tout va bien.
- Alors tout va bien.
- Tu mens très mal.
- Tu m'as pas demandé de te dire la vérité, seulement si ça allait bien. »

Il l'entendit souffler au bout de la ligne, pas très fort, comme s'il avait eu la décence de s'éloigner de son téléphone pour exprimer son exaspération.

« Mon inquiétude c'est pas un mensonge, Lock.
- Je sais, je sais, désolé. »

Le silence résonna de chaque côté de l'appel. Baptiste savait ce que cela voulait dire. Corentin avait sans doute remarqué la sincérité de ses excuses, ce qui était quelque chose de rare chez lui.

Ils patientèrent. Pourquoi, Baptiste n'en savait rien.

« Ça va alors ? Pour de vrai.
- Non. Enfin, c'était juste une mauvaise semaine.
- Mmh. »

Il connaissait cette technique par coeur. C'était simple, Corentin se taisait, produisant juste assez d'onomatopées pour montrer qu'il était attentif et qu'il attendait la suite de l'histoire. La personne se sentait obligée de continuer de parler, comblant ainsi le silence par la vérité. Corentin finissait toujours par faire sortir les informations qu'il voulait, même chez les personnes les plus réticentes à partager.

Baptiste se laissa prendre au piège. Il n'avait pas l'énergie pour lutter contre Corentin.

« Et on s'est séparé, Elina et moi.
- Attends, quoi ?
- En gros, on s'est rendu compte qu'on était devenu plus des boulets qu'autre chose l'un pour l'autre et qu'il n'y avait plus de sentiments amoureux entre nous. Au lieu d'attendre qu'ils reviennent peut-être, on a préféré de ne pas se quitter fâché et d'arrêter tout pour pouvoir rester amis.
- Ouah. Je te cache pas que je suis surpris.
- Sérieux ? On a réussi à prendre de court le French Monster ? Monsieur Corentin, le gars qui sait toujours tout avant tout le monde ? »