II Tourments II

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Halim qui lui n'affichait qu'une expression neutre face à Ahlam et son sourire, ne pouvait s'empêcher d'admirer la douceur qui émanait d'elle. Et il aimait son sourire. Particulièrement son sourire. Elle bougeait peu, avec lenteur comme mise au ralenti. Ahlam semblait également plus petite que les autres filles de leur âge ; Si celle-ci ne possédait pas une mine mature, Halim aurait pu penser qu'elle n'était encore que collégienne. Et ses lourdes cernes presque noires ne gâchaient en rien son apparence lumineuse.
Quant à la jeune voilée, elle regardait attentivement les iris à la belle couleur du garçon. Non par désir ou tentation, mais à la recherche du miroir de l'âme, les yeux ne pouvant mentir ou cacher notre histoire et nos états d'âmes. Et malgré le visage sombre du brun, ses yeux reflétaient l'immensité du ciel présent et les scintillements des diverses étoiles, telle une lueur d'un espoir dont il est terrifié.
— Vous semblez effrayé, Halim.
Il ne rétorqua rien. Le jeune homme avait l'impression qu'elle le sondait, l'analysait, donnant l'impression qu'elle lisait en lui sans avoir nécessairement d'informations le concernant. C'est dans les yeux que tout se passe. Pour Halim, c'est comme si elle avait su tout ce qu'il y avait en lui. En un regard. Un seul regard.
Il y a des liens impossible à expliquer. Il y a de ces personnes dont l'âme entre en collision avec le notre, fusionnent et s'étreignent. Quelques minutes avec peuvent nous donner des sentiments plus intenses et nouveaux, qu'avec une personne que l'on connaît depuis une année où plus. Pour Ahlam, le hasard n'existe pas, et toute rencontre possède une raison dont nous ignorons. Mais Halim ne possède pas cette vision, et ne s'en sent que des plus troublés. Étrangement, il avait pour envie de briser ne serait-ce qu'une des pierres de son mur et de laisser cette inconnue pénétrer dans les abysses de ses peurs et désires. Le jeune homme avait pour la première fois la sensation de pouvoir accorder sa confiance à cette personne dont il ignore tout, et il n'en savait la raison. Si confus il était qu'il en oublia sa cigarette brûlant continuellement et quasiment réduite en cendres sans qu'il n'ait pu en profiter ; Et peut-être est-ce pour le mieux ?
Il ferma avec force ses yeux, plissa son regard et posa trois de ses doigts de sa main libre sur le haut de son nez, relevant de même manière légèrement ses lunettes, cherchant à retrouver conscience. Halim avait l'impression de se faire ensorceler, bien qu'il n'en fut rien. Cette réaction provoqua un léger ricanement amusé de la jeune fille qui s'en moqua gentiment.
— Vous avez un joli visage Halim, mais les grimaces et les blessures ne vous réussit pas., dévoile t-elle avec franchise. Suite à ces paroles, Ahlam réussi cependant à arracher un faible rictus du brun.
— Est-ce que tu cherches à me séduire ?, demande t-il en écrasant sa cigarette sur le sol après une dernière inspiration.
— Du tout, loin de moi ce genre d'intention !, elle rit légèrement. Les relations hors mariages sont le fléau de notre époque, et je ne souhaite pas tomber dans la zina.
— La zina ?, il la regarde incrédule.
— Ah, ça désigne les relations sexuelles non licites en islam., Ahlam attrape du bout des doigts un coin de son long voile et le présente à ses yeux. Je suis musulmane si jamais ce n'était pas clair.
— Je ne suis pas stupide à ce point., rétorque t-il en souriant. Mais merci pour la précision.
Un vent soudain vient voyager, agitant les branches des arbres et leurs feuillages pleins, secouant les longues tiges ambrées des champs unes à unes, ondoyants fleurs et herbes, et ondulant le voile délicat de Ahlam qui dépose une de ses mains dessus afin de le maintenir en place et les cheveux de Halim qui élance sa tête en arrière dû à la sensation agréable. Les quelques feuilles flottant au vacillement de la brise tombent avec grâce tout autour des deux êtres étrangers. Tel un cliché télévisé qui vient ajouter un nouveau charme au paysage du soir.
Halim dépose ses bras avant de nouveau sur la frêle rambarde, et ses yeux sur la ville qui ne peut que leur paraître minuscule de leur place.
— Ce n'est pas dangereux pour toi de venir seule aussi tard dans ce genre de lieux, Ahlam ?
— Peut-être bien, mais cela m'importe peu. J'ai 19 ans et je suis assez grande je pense. J'ai également la protection de mon Seigneur, même si pour vous cela peut sembler étrange. Et surtout, j'avais besoin de prendre un grand bol d'air frais au calme. Loin des autres.
Ses paroles semblaient aux oreilles de Halim traduire une certaine douleur. Il discerna dans le ton de sa voix quelque chose de dure et de fatigué, et lui-même était venu dans ce même but ; Oublier pour un instant éphémère responsabilités, problèmes et souffrances.
— Et tu n'as pas peur que je m'en prenne à toi ? Après tout, je suis un homme inconnu qui est isolé dans une montagne déserte avec toi.
Et c'est dans son silence que résonne le bruit. Un silence parlant à la place des mots.
Halim n'avait aucune mauvaise intention envers elle. Et jamais il n'accepterait de penser ne serait-ce qu'à effectuer un acte ignoble envers qui que ce soit que cela puisse être. Cependant, il prononça cette question pour raison que la jeune fille semblait bien plus détendue qu'une personne normale le serait. Il se demandait si cela était par naïveté, insouciance ou si elle feignait seulement, ou même une autre raison qui lui échappait. Mais lorsqu'il aperçu la mâchoire de Ahlam se contracter accompagné d'une expression sombre pour une seconde, puis son visage afficher de nouveau un sourire qui lui est adressé, il comprit. Cette fois-ci, il s'agissait d'un sourire éprouvant, bien trop difficile et amère à montrer ;
Et c'était une réponse des plus atroces qu'il ait pu connaître.
Halim fronce des sourcils et se raidit dans l'immédiat, espérant qu'il avait seulement un esprit dérangé et qu'il se trompait.
— Est-ce que tu..?
Il n'osait finir sa phrase. Il ne pouvait dire ces mots. Ahlam refait face au vide devant eux, puis inspire profondément afin de saisir l'air frais de la nature. Son sourire ne cesse jamais de s'étirer continuellement, et le jeune homme se demande comment peut-elle afficher ce genre d'expression malgré tout cela.
— Vous savez, les agressions sont plus communs que vous ne le pensez. On en parle juste pas assez, et lorsque si, c'est fait généralement de la mauvaise manière. Alors ne me regardez pas avec autant d'horreur et de pitié, je ne suis pas venu ici pour devoir faire face de nouveau à ce genre de réactions.
— C'est récent ? Tu sembles avoir des facilités à pouvoir en parler., il se reprend et ajoute, Sans vouloir être indiscret.
— Il y a une semaine, je dirais.
Ahlam remarque que le jeune homme souhaite en savoir davantage, mais ne peut poser de questions par peur de franchir une limite qu'il ne connaît pas.
— Une amie était sensée rejoindre moi et un autre ami à la bibliothèque pour un devoir en commun de mon université. Elle est tombée malade et a oubliée de nous prévenir. Et je me suis tout simplement retrouvée seule avec lui., Ahlam prend une pause. Ce qui est arrivé est arrivé, c'est tout.
— Je vois. Je suis désolée, j'ai été impertinent.
Halim baisse les yeux vers le sol. Il a honte, est écœuré de cet homme, frustré et en colère. Il bouillonne de nouveau, et sa fatigue creuse sa mine. Comment peut-elle raconter cela aussi facilement ? Comme si rien ne pouvait la briser. Alors que lui, un rien le fait chuter. Et il l'envie dû fait qu'elle puisse poursuivre des études, ce qu'il ne peut, n'a le courage et le temps de faire, mais meurt d'envie.
La jeune fille remarque que le brun broie du noire silencieusement et s'abaisse afin de ramasser une longue tige de blé ayant volée jusqu'à eux. Elle s'approche discrètement de lui ; Suffisamment proche pour pouvoir l'atteindre avec la tige, mais suffisamment loin pour garder une distance raisonnable de celui-ci. Lorsque le jeune homme l'aperçoit et tourne sa tête vers Ahlam, celle-ci vient déposer doucement le bout de la tige sur son frond, le prenant au dépourvu par cet acte le surprenant.
— Je mentirais si je disais que cela ne m'a pas profondément impacté, mais le passé ne peut être changé. Voyez vos difficultés comme des épreuves à surmonter, car les épreuves cachent également un bien. Ils nous rendent plus forts, développent notre mentalité, et nous permettent d'acquérir des leçons. Nous avons le droit de mal se sentir, d'être fatigués, tristes ou en colère, mais ressasser et se laisser plonger dans les tourments que la vie essaye de nous faire ne servirait en rien.
Ahlam tapote la tige de nouveau sur le frond du jeune homme.
— Nous ne pouvons que décider de changer ou d'avancer, Halim. Et pour répondre à votre question, non.
— Non ?
— Non, vous êtes loin d'être effrayant comme vous cherchez à l'insinuer.

La Nuit Des Songes - Un instant éphémèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant