3 - WARREN.

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16 MOIS PLUS TÔT.

Le soleil commence à se coucher et je me gorge de la vue que m'offre le cockpit. C'est un spectacle dont je ne me lasserai jamais, même s'il est habituel pour moi et que j'y ai déjà assisté des dizaines – voire des centaines – de fois.

Face à une vue pareille, je réalise toujours la chance que j'ai d'être ici. En obtenant mon diplôme et tous les fichus papiers nécessaires pour voler, j'ai réalisé mon rêve de gosse. Je n'ai jamais voulu être nulle part ailleurs que dans un avion, dans le ciel, à parcourir le monde. Lorsque j'étais enfant, je pouvais passer des heures allongé dans l'herbe, les yeux braqués vers le ciel, à regarder les traînées blanches que laissaient les appareils dans le ciel bleu. Voler a toujours été mon rêve.

Parfois, lorsque j'en discute avec des collègues, je suis surpris de voir que pour certains il ne s'agit que d'un boulot comme un autre. Bien sûr il y a des types – et des femmes – comme moi, dont voler était un rêve. Mais il y a aussi ceux qui ont choisi ce boulot simplement pour des raisons telles que : la liberté, le voyage et le salaire – dans certaines companies tout du moins. Des gens qui se sont réveillés un matin en se disant « ça doit être sacrément cool » sans jamais en avoir rêvé auparavant, sans avoir sacrifié des heures avec leurs amis pour aller piloter des petits appareils, bien loin du 767 auquel je suis aux commandes, là maintenant.

— DL265, JFK nous informe d'un changement de piste d'atterrissage.

Je cesse de vagabonder dans mes pensées lorsque j'entends la voix de la tour de contrôle. Nous ne sommes plus qu'à deux petites heures de vol New-York, et un changement de piste remet en question tous nos plans ; surtout notre trajectoire. En tant que commandant de bord sur ce vol, c'est à moi qu'incombe la responsabilité de remettre de l'ordre dans tout ce merdier. Et d'amener nos passagers – et l'avion en général – à bon port.

Nous atterrissons sans encombres à JFK avec seulement dix minutes de retard, sous de fortes chutes de neige – sans vent, dieu merci. Grâce au haut parleur, j'entends les applaudissements de mes passagers et cela me fait sourire. En fait, je souris systématiquement lorsqu'arrive ce moment. C'est assez bête quand on y pense ; pourquoi applaudir le pilote alors que c'est son boulot ? Faudrait-il que j'applaudisse mon facteur lorsqu'il me délivre mon courrier ? Néanmoins, c'est touchant ; ces gens-là, qu'ils aient peur en avion ou non, ont mis littéralement leur vie entre mes mains le temps de ce vol. Et je suppose que c'est toujours un soulagement d'arriver sain et sauf.

Je suis les instructions que l'on me dicte à la lettre, jusqu'à immobiliser l'appareil à l'emplacement prévu. Je m'autorise alors à détacher ma ceinture de sécurité et à m'étirer un peu, avant d'appliquer les dernières procédures avec Brad, mon copilote. C'est lorsque nos hôtesses ouvrent les portes et que les passerelles sont en place que nous sortons, tous les deux, du cockpit.

Après le calme du vol en comité très restreint à l'intérieur, c'est la cohue de la classe éco qui nous accueille. Les gens s'affairent dans les allées pour récupérer leurs bagages dans les rangements et se frayer un chemin vers la sortie. Planté à côté de notre cheffe de cabine, je salue mes passagers avec un sourire et réponds quelques mots à ceux qui m'adressent la parole. Pendant ce temps, certaines de nos hôtesses aident les derniers passagers alors que d'autres commencent à ranger.

La classe éco semble vide depuis cinq bonnes minutes. Noora, cette jolie rousse à la taille de guêpe, dévale l'allée en s'assurant que rien de suspect – ou d'oublié, plutôt – ne traîne par là. Seulement, je suis surpris de la voir s'adresser à quelqu'un. De là où je suis, toujours à faire le pied de grue devant la porte, je ne distingue qu'une infime masse de cheveux ; ceux d'un homme, visiblement. Que diable ce type fait-il encore là, assis, alors que l'avion est vide ?

Christmas Flight.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant