Tel un poisson qui rejoint son banc.

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-J'te déteste, tu le sais non ?

Andréa m'offrit son plus large sourire, satisfait de me déranger.

-Pas d'ma faute si tu m'accordes pas d'attention. Il haussa les épaules, l'air détaché. Pourtant, son sourire espiègle me prouvait le contraire.
-J'ai déjà lâché des yeux mon livre pour te regarder... Pas suffisant ?
-Non, tu dois me témoigner de cet amour puissant que tu éprouves pour ton meilleur ami, c'est-à-dire ma magnifique personne. Mais bon, ton livre a l'air plus important que moi. Il le dit en secouant ses boucles ébènes, faisant semblant de pleurer.

Quel menteur.

Je soupirais théâtralement en m'étalant sur mon lit, comme le vomi dans le toilette. Je grimaçai aussitôt face à ma comparaison plus que dévalorisante. Malgré mon refus de l'admettre, il est vrai que j'avais délaissé Andréa depuis bien longtemps : presque 2 jours à vrai-dire.
Certes c'était pas grand chose pour beaucoup, mais à force de nous voir collés l'un à l'autre, être séparés était assez... étrange ?
Contrairement à ce qu'on pense, nous ne nous connaissons pas depuis l'enfance, mais plutôt 6 mois tout au plus. Je me souviendrais toujours de ce Starbucks que j'ai versé sur son pull blanc. Oui. blanc immaculé. Je m'étais confondue dans des excuses plus que gênantes. Je suis même sûre que si je pouvais rougir, j'aurais été une tomate écarlate. Il m'avait même racheté mon thé glacé pour me prouver qu'il n'était pas contrarié. Plus tard, au cours de notre discussion, je découvris que l'on allait dans la même université. C'est ainsi que nous étions restés en contact et aujourd'hui, il était sûrement mon plus proche allié.

Mais j'avais une bonne raison de ne pas m'intéresser à l'italien: mon livre. Mon magnifique, fabuleux, fantastique, non fantabuleux nouveau livre. Je venais de l'emprunter à la bibliothèque du campus, et laissez-moi vous dire que je n'en étais point déçue.

-On sort ? L'immense sourire qu'il afficha face à ma demande augmenta le mien. Bien allons-y ! Je m'apprêtais à me redresser, mais son regard contrit et son air blasé me stoppèrent. Quoi ? Je pouvais partir en pyjama non ?
-Rassure-moi tu comptes pas sortir comme ça ?
- J'ai bien l'impression que même si je dis oui tu m'en empêcheras, donc non. Laisse-moi 10 minutes j'te rejoins direct.
Poussant un énième soupir, je me dirigeai vers ma penderie, farfouillant des trucs à me mettre. Je finis par choisir un cargo noir et un top asymétrique bleu marine. Je retournai vers Andréa en sautillant, enfilant ma basket blanche. Je finis par défaire mes deux nattes, optant pour une afro : flemme de me coiffer réellement. Fin prête, je sortis de mon appart, Andréa à ma suite.
Ce fameux appart était une pépite d'or : pour quelqu'un qui n'avait jamais vécue seule ayant plusieurs frères et sœurs- dont une jumelle-, la vie en solo avait été une libération. Pas que je ne les aimais pas mais ils étaient comment dire... Envahissants? Énervants ? Si gentils avec moi que ça me gênait ? Une tornade humaine ? Oui, c'était le terme exact. Un salon, une cuisine, deux chambres et deux douches. Dites-vous que j'en ai pleuré. La concierge a sûrement cru que j'étais folle, mais j'étais heureuse.

Andréa et moi discutions en marchant en parlant de tout et de rien, allant de nos profs au dernier repas de Loggi, son petit caniche. Andy a été jusque là mon meilleur ami, mon seul appui. Nouvelle dans cette ville, pire, ce nouveau pays, j'avais eu beaucoup de mal à m'intégrer. Il avait été là pour m'épauler, me consoler quand mes proches me manquaient, me conseiller lorsque j'étais perdue. Il avait fait plus pour moi que n'importe qui. Fait tout pour me mettre à l'aise. Je m'arrêtai brusquement, me jetant dans ses bras. Il me rendit mon étreinte, quoique de l'incompréhension se lisait dans ses pupilles vertes.
Merci. Ce fut la seule chose que je lui adressais en guise de réponse. Je repris le chemin, désireuse de ne pas me laisser emporter par les sentiments.

Alors qu'il aurait pu le jour de notre rencontre se fâcher contre moi, il avait préféré me rassurer, me faire rire, me permettre de me sentir comme chez moi.


Oui, je me sentais bien là. Comme un poisson qui a rejoint son banc.

~BERRISMALL~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant