A

221 17 13
                                    

Le soleil se leva.
Xyris ouvrit les yeux. Une nouvelle journée dans cette vieille maison délabrée. Encore, une autre journée. La cinquante-troisième, ou peut-être la cinquante-quatre, ou soixante-deux. C'était difficile à dire. Compter les jours, ce n'était pas vraiment une priorité. Enfin, Xyris s'en fichait. Passer des mois entre quatre murs moisis, ou des années, ce n'était pas si grave. Au moins elle était en vie, d'autres n'avaient plus cette chance... Si l'on considère que c'en est une.

Elle fit son lit, comme chaque matin, avant de sortir de la chambre à l'étage, qu'elle avait soigneusement nettoyée, pour oublier l'odeur putride des charognes -ou quelque soit leur nom- qui avaient pris possession de chaque recoin de cette fichue planète.
Elle descendit les quelques marches calmement, pour arriver à la cuisine. Les meubles étaient bien rangés, tout bien nettoyé, mis à part les quelques tâches de moisissures sur les murs. C'était la seule pièce, avec la chambre, à être si bien entretenue. Elle se fit un café -froid- avec un des paquets du placard qui se faisaient rares. Elle n'avait jamais aimé ça, le café. Trop amer, et elle n'avait pas de sucre, mais en boire l'aidait à se sentir normale.
Xyris pris sa tasse de café et s'assit sur l'une des deux chaises qui étaient autour d'une table circulaire au centre de la cuisine. La place face à elle lui paraissait bien vide depuis quelques jours. Il ne fallait pas y penser.
Comme tous les matins, elle prit toujours le même journal, posé sur la table. Elle regarda la date, comme tous les matins. Bientôt trois ans que tout ça a commencé. Mais elle était toujours là.

Elle se leva, son journal à la main, et s'orienta machinalement vers le salon, en face de la cuisine, séparé par un couloir sombre et étroit. Elle s'assit alors sur un vieux canapé sale, déchiré et affaissé. L'intégralité était abimé, excepté le coin intérieur, là où elle s'asseyait. Elle n'avait pas le courage ni l'envie de nettoyer le reste, et puis, à quoi bon ? Faire de la place ? Elle était seule. Ce serait faire de la place aux morts. Le salon n'était pas très entretenu, comparé à la chambre et la cuisine. Xyris s'en fichait, évidemment qu'elle s'était installée ici, mais elle ne voulait pas se faire à l'idée qu'elle y resterait encore longtemps. Pas plus que nécessaire. Alors elle adopte quelques pièces de cet ancien foyer, mais, pas plus que nécessaire.

Alors assise, elle lisait les articles du journal, ou du moins, elle les survolait. Elle passait péniblement ses yeux au-dessus des lettres en partie effacées par l'humidité. C'était lassant de revoir toujours les mêmes mots, les mêmes phrases, elle les avait tellement lues qu'elle les connaissait par coeur, à en briser le sens. Mais elle se sentait plus humaine, en lisant les anciens problèmes quotidiens.

Le 19 août, il y a deux ans et huit mois, neuf-cent quatre-vingt huit jours, un mois avant que tout ça, à quelques jours près ait commencé -en réalité Xyris comptait les jours depuis le début, elle essayait seulement d'oublier-  :

-"19 août, infraction en pleine nuit dans un magasin en centre ville : les coupables ont été interceptés et ne devraient plus poser de problème. Ils n'ont rien volé. Aucune victime."

Xyris lisait à mi-voix, sans même regarder la phrase dans son entièreté. Le monde a changé, ce n'est plus vraiment le genre de problème qu'elle connait. Elle était tellement loin de s'imaginer, tout le monde, tout le monde était si loin du compte.
Elle tourna la page pour poser les yeux sur l'image de deux hommes souriants se serrant la main, l'un en costume, l'autre en blouse blanche :

-"22 août, le maire général passe un accord avec le chef du laboratoire de France, une action qui pourrait bien avoir des conséquences."

Ils n'ont plus reparlé de cet accord, Dieu sait ce que c'était. De toute façon ça ne comptait plus. Ils étaient déjà perdus.

L'estomac de Xyris grogna doucement. Il était bientôt l'heure du déjeuner.
Elle se dirigea alors en direction de la cuisine, toujours aussi machinalement. Elle posa le journal sur la table, à la même place que d'habitude, devant la chaise vide en face de celle sur laquelle elle s'assoit.
Elle prit la tasse qu'elle avait laissé sur la table et la posa dans l'évier, à côté d'un seau d'eau à moitié vide. Elle utilisa ses mains comme récipient et les plongea dans le seau pour les rapporter contre son visage, elle frotta un peu pour se débarbouiller, et s'en alla vers le couloir sombre après avoir attrapé le couteau de chasse qui trainait sur le plan de travail à côté de l'évier.
Un pas après l'autre, elle se rapprochait d'une porte soigneusement fermée avec une corde, qu'elle défit. Une fois la corde défaite, il ne suffisait plus qu'à pousser la porte pour que celle-ci s'ouvre.
Xyris tenait fermement la poignée dans une main, et se tenait prête, le couteau au niveau de sa poitrine, dans l'autre main. Elle ouvrit la porte progressivement, prudemment.
La porte totalement ouverte, Xyris se trouvait dans le garage. Le portail coulissant de haut en bas, qui ne fonctionnait plus par faute d'électricité, était entrouvert et laissait entendre des grognements proches.
Au-dessous se trouvait trois cages, disposées à distance égale. Toutes les trois disposaient d'un système avec un bâton, permettant de refermer la grille si quelque chose entrait. Au fond se trouver des épluchures de carotte et un peu d'herbe coupée probablement de la veille. Deux des trois cages étaient vides, cependant, l'une tenait entre ses barreaux la tête d'un mort-vivant qui avait dans sa bouche un mulot.

-"Merde !" pensa Xyris

La charogne qui l'avait remarquée essayait péniblement de se défaire du piège en gesticulant ses membres dans tous les sens mais sans succès. Xyris donna un coup de pied effréné dans la cage, furieuse que son déjeuner ait été dévoré par cette chose. Elle sorti par l'entrebâillement du portail qui la forçait à ramper légèrement. Elle attrapa alors les jambes du mort vivant en prenant soin de n'attraper que le tissu du pantalon pour ne pas lui arracher les membres inférieurs.
Son geste était vif et rapide. Elle sorti le corps de sous le portail mais la cage suivi. La charogne grognait et bougeait plus énergiquement.
Sans réfléchir et dans un élan de colère, elle écrasa frénétiquement la cage dans laquelle se trouvait la tête. Les barreaux cédèrent au bout de quelques coups, et s'enfoncèrent d'un coup sec dans le crâne mou du mort qui ne bougeait déjà plus. Xyris continua à aplatir la cage qui écrasait les morceaux de cervelle qui jaillissaient du crâne maintenant réduit en bouillit, dans un bruit humide et mou.

Xyris reprit ses esprits et cessa ses coups. Elle ne supportait plus ces choses et leur vouait une haine incommensurable. Elle ne pouvait pas faire autrement.

-"Maintenant la cage est foutue." Elle balança sa main vers la cage complétement aplatie dans un geste renfrogné et expira bruyamment.
Elle retourna dans le garage et y attrapa un arc et quelques flèches dans un carcois qui comblaient un coin de la pièce, et sorti aussitôt.

-"De toute façon ce mulot n'aurait pas été suffisant" lança t'elle à elle-même, s'équipant du carcois dans son dos, l'arc à la main, tout en marchant droit sur le sentier, et s'enfonçant dans la forêt qui englobait la maison isolée.

Hearts Still Beating (The Walking Dead)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant