Chapitre 4 - Ne pas toucher

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A cause du contretemps de rassemblement des moutons, et des nombreuses haltes qu'ils durent faire pour traquer ceux qui parvenaient à échapper à leur vigilance pendant le trajet, il ne furent proches de leur destination qu'à la fin de l'après midi. Eren était presque déçu. Il n'avait pas eu beaucoup d'occasions de s'entraîner avec le caporal Rivaille, mais les rares fois avaient été d'une efficacité fulgurante : ses exercices, bien que souvent éreintants et douloureux, le faisaient plus progresser en une après midi que ne l'avaient fait deux mois de caserne.

Levi quand à lui, était agacé par ces « bestiaux sans neurones » comme il les appelait. Les trimballer dans une direction précise et leur faire gravir de grandes montées n'était pas chose aisée, et il se demandait franchement comment il y serait arrivé sans un deuxième cavalier qui poussait le troupeau pendant que lui l'axait dans un sens puis dans l'autre en faisant attention à garder cette masse de laine gueulante plus ou moins compacte. Ils avaient énormément progressé en une poignée d'heures, comprenant de plus en plus vite de quel coté se placer l'un par rapport à l'autre et travailler en cohésion, sans s'énerver.

Oui, dépecer des titans semblait pour Levi une tâche bien plus aisée que celle ci. Trancher plus vite que son ombre, ça il savait. Orienter un gros tas d'animaux et les empêcher de mourir en tombant bêtement dans un ravin, c'était autre chose.

Il était d'autant plus grognon qu'il savait qu'ils devraient repousser l'entraînement au lendemain. Il fallait encore atteindre le dernier plateau sur lequel se trouvait une gigantesque prairie entourée d'arbres (qui, en plus de leur permettre de camoufler leur feu de camp, leur octroyait un relief parfait pour se défendre si jamais les gros balourds décidaient de se montrer). Le temps de l'atteindre avec tout le troupeau, de sécuriser le périmètre et de monter la tente, il ferait déjà nuit. Rivaille poussa de la pointe de son pied un mouton qui trottinait à côté de lui, comme pour lui signifier qu'il l'emmerdait.

Comme Levi le pressentait, ils purent tout juste terminer d'installer leur campement alors que la nuit tombait. Il commençait vraiment à faire froid, et après leur repas, alors qu'Eren restait à coté du feu pour permettre à Levi de dormir 5 heures, ce dernier lui lança un drap en coton ainsi qu'une grande fourrure noire. Le plus jeune claquait déjà des dents, et s'empressa de s'emmitoufler, remerciant d'un soupir son supérieur, qui s'était déjà retourné pour entrer dans la tente.

La nuit fut reposante, même lorsqu'il fit le guet. Pas un titan à l'horizon. Eren se prit à penser que ça lui ferait bizarre de se transformer le lendemain : cela faisait plusieurs semaines que le jeune homme n'avait eu besoin de recourir à sa forme titan, les combats se faisant de plus en plus rares. Depuis 1 an et demi, les seuls moments où il était redevenu un monstre étaient pour les contrôles d'Hanji, plus ennuyants qu'autre chose. Il réalisa qu'il n'avait pas envie de se transformer. Il n'avait jamais particulièrement aimé ça, son titan étant pour lui synonyme de rage incontrôlable, pas vraiment un sentiment agréable. Mais depuis les révélations qu'il avait eu sur son père deux années plus tôt, ce rejet qu'il éprouvait pour cette partie de lui s'était empiré, au point que seule la pensée de se retrouver à nouveau enfermé dans cette enveloppe de chair fumante, en symbiose totale avec une abomination bouffeuse d'humain faisait se contracter violemment ses entrailles. Oui, s'il pouvait simplement parcourir la forêt d'arbre en arbres avec son équipement tridimensionnel et le caporal, il serait heureux.

Au petit matin, ce fut par un agréable arrachage de couvertures dans les règles de l'art qu'Eren se réveilla, directement frigorifié par l'air de montagne, mais heureux à la perspective de se dépenser autrement qu'en courant après des mammifères laineux. Ils marchèrent côte a cote, Eren mettant une distance raisonnable entre eux : même si le caporal faisait des efforts pour lui adresser la parole de temps en temps, il ne voulait pas forcer sa chance et se prendre une grosse mandale si jamais il avait le malheur d'effleurer son supérieur involontairement.

Les 9 Maximes de Rivaille Ackerman [Eren X Livai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant