Supplie-moi

Chapitre 1 : On décolle !

Je fais le tour de mon appartement une dernière fois pour être sûre de ne rien oublier, les meubles sont vides, les étagères aussi, le sol est propre. J'ai tellement de souvenirs ici, ça me fait mal au cœur de devoir partir. Je rends les clés à mon « ancien » propriétaire, je signe les quelques papiers que me présente l'agent immobilier qui me fait de l'œil depuis tout à l'heure, je salue poliment les deux hommes et prends la tangente.

- Tu n'as rien oublié ?

- Non je ne crois pas.

- Tu es prête à partir loin de ton papa et de ta maman ?

Je me demandais quand il lancerait les hostilités.

- Papa arrête de me culpabiliser s'il te plaît, c'est mon rêve que je vais réaliser, et je ne pars que quelques mois. Vous pourrez venir me voir et je serai rentrée pour Noël.

- Papa à raison chérie, le Chili ce n'est pas la porte à côté, tu n'auras pas internet, pas le téléphone, en cas de problème tu seras toute seule.

- Ce n'est pas trop tard ma chérie, tu peux encore changer d'avis. Maman et moi on te trouvera un nouvel appartement et tu n'auras qu'à accepter une des offres que t'ont faites les hôpitaux de Bordeaux ou Paris.

- Maman, Papa, on en a déjà parlé, dans quelques jours j'aurai mon forfait international, donc je pourrai vous appeler et j'aurai accès à internet. C'est une chance incroyable pour moi, j'aurai des cas chirurgicaux que je ne verrai jamais en France, des opérations incroyables, et surtout une recommandation pour un poste dans le 4ème meilleur hôpital de France ! Imaginez tout ce que je vais apprendre en seulement 6 mois, toutes les opérations que je vais pratiquer, si je veux devenir un jour un éminent chirurgien traumatologue spécialiste des traumatismes graves des membres c'est l'occasion ou jamais de montrer ce que je vaux.

- Et tu n'as pas peur de te retrouver dans un pays que tu ne connais pas, avec des gens que tu ne connais pas, et des maladies que tu ne connais que grâce à tes livres de médecine ?

- C'est une occasion unique et ça fera de moi un meilleur médecin, donc non je n'ai pas peur.

Si j'ai peur, mais je ne préfère pas le leur dire, sinon ils ne vont jamais me laisser partir. Et puis la médecine, plus précisément la chirurgie traumatologique c'est ma vocation, ma passion, ce pour quoi je suis faite, j'ai énormément travaillé pour en arriver là, pour obtenir mon diplôme. J'ai mis ma vie entre parenthèses pour privilégier mes études, je n'ai pas fait tout ça pour rien, je ne renoncerai pas ! Quand j'ai trouvé ma vocation, j'avais à peine 8 ans. Après la terrible nuit ou mon bras gauche a été sectionné, je me suis réveillée dans un hôpital, un médecin très gentil, très souriant m'a demandé de bouger mes doigts, lorsque j'ai vu mon bras attaché au reste de mon corps, que j'ai réussi à bouger mes doigts, dans mes yeux de petite fille, j'ai été émerveillée, je croyais que c'était de la magie. Je ne souffrais pas, les médecins qui me parlaient étaient souriants et gentils, lorsqu'ils se parlaient entre eux, on aurait dit qu'ils parlaient une autre langue, je voulais parler cette langue moi aussi et je voulais apprendre à recoller des membres.

- Bon, on est arrivés, tu es bien sûre de toi ?

- Oui papa, ne t'inquiète pas, tout va bien se passer, je vous aime de tout mon cœur.

Ils ont les larmes aux yeux, ça me fait de la peine. Je leur fais un dernier bisou, un dernier câlin et je file à ma porte d'embarquement. Je ressens une petite pointe de culpabilité et une grande excitation, je suis si impatiente ! Dans moins de vingt heures, ma nouvelle vie commencera !

De nombreuses valises déambulent sur le tapis roulant et je ne vois toujours pas la mienne, quelle galère ça va être dans les transports en commun de trimbaler ma grosse valise, et quelle idée j'ai eu de prendre la valise sans roulettes de mon père ! Ah je l'aperçois enfin, waouh, elle pèse une tonne ! Pourvu que le trajet de l'arrêt de bus à notre immeuble ne soit pas trop long.
Je me dirige vers la sortie quand je vois un homme tenant une pancarte avec mon nom dessus ainsi que deux autres noms. Je ris intérieurement en me disant que l'homme ressemble beaucoup à Will Smith dans « Men in Black », cela dit les lunettes de soleil à l'intérieur de l'aéroport, ça fait un peu too much ! Je m'approche de l'homme à la pancarte.