Chapitre 3 : Déstabilisation...

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_ Mon opération terminée, je me dépêche d'enlever ma tenue de bloc. Le docteur Nvan opère dans le bloc 4 et je voudrais assister à l'opération histoire de jauger la concurrence. Il s'agit d'une ostéosynthèse "légère" résultant d'un traumatisme du cartilage de croissance sur un fémur, ce n'est pas l'opération la plus difficile à réaliser, mais ça me donnera une idée de son potentiel. Après avoir retiré ma tenue, j'entre dans l'observatoire du bloc 4, le Dr Laineau est dans le bloc, certainement pour la même raison que moi. Le Dr Nvan est en train de poser la première broche tout en expliquant aux deux étudiants en médecine son procédé, elle a l'air tout à fait à l'aise.

- Donc là, il s'agit d'une ostéosynthèse, c'est une technique chirurgicale de réparation des fractures qui consiste à l'utilisation d'un matériel orthopédique biocompatible comme les clous, vis, broches, plaques de métal, fixateurs externes, etc. destiné à maintenir en place les différents fragments d'une fracture le temps que celle-ci se consolide, ou à fixer une articulation instable. Dans le cas présent, comme il s'agit d'un enfant, j'utilise une broche pour ne pas "abîmer" ses possibilités de croissance par du matériel trop volumineux ou agressif comme des plaques et ou des vis.

Je reprends :

– Selon l'ostéosynthèse pratiquée, les éléments de fixation seront soit retirés après consolidation en réalisant une nouvelle intervention, soit mis en place de façon définitive. Pour ce petit garçon les broches sont temporaires.

- Peut-on savoir pourquoi Dr Nvan ? Demande un des étudiants les yeux rivés sur la broche déjà en place.

- Regardez, on voit très bien ici, dit-elle en pointant son index au sommet du fémur de l'enfant, que les cartilages ont été lésés par la fracture, il s'agit de fractures à décollements épiphysaires. Cela peut avoir des conséquences parfois redoutables sur la croissance, ça peut provoquer un raccourcissement et/ou une déviation de l'os. Il faut donc réparer soigneusement les décollements épiphysaires et surveiller la croissance pendant un ou deux ans par des radiographies pour vérifier que tout se passe bien. Ceci est valable même s'il n'y a pas eu de déplacement initial, car même dans ce cas, les cellules du cartilage de croissance peuvent avoir été "écrasées" par l'accident. Cet enfant aura par la suite quatre ou cinq ans de traction au zénith, c'est-à-dire que sa jambe sera placée à la verticale et reliée à des poids par un système de poulie, il sera ensuite plâtré pendant trois semaines. D'ici cinq ou six ans, il faudra lui remettre des broches à ce petit bonhomme et il pourra enfin avoir une vie tout à fait normale.

Je suis impressionné par sa dextérité, elle est concentrée, elle sait parfaitement ce qu'elle fait, elle fait preuve d'une aisance déconcertante et de beaucoup de pédagogie. Je tourne la tête en direction du Dr Laineau... Merde ! Il a l'air aussi impressionné que moi. Elle pose les deux dernières broches en deux temps trois mouvements. On aurait dit qu'elle avait fait ça toute sa vie. Mince, elle est plutôt douée ! Elle s'occupe maintenant des décollements épiphysaires, la partie la plus cruciale de l'opération. Le Dr Laineau s'approche au cas où elle aurait besoin d'aide. Je me décale pour mieux voir, je ne veux pas en perdre une miette.

Elle vérifie les constantes, le patient est stable, elle répare une à une toutes les petites lésions sans aucun faux pas, elle referme le patient et regarde le Dr Laineau cherchant sans doute son approbation. Celui-ci lui fait un large sourire d'encouragement et se dirige vers la sortie du bloc. C'est une adversaire sérieuse ! Je les rejoins, je veux connaître l'appréciation du Dr Laineau.

- Bravo Dr Nvan, je suis impressionné, lui dit-il une fois sa tenue de bloc retirée. Qu'est-ce que vous en pensez Dr Barton, c'est du bon travail n'est-ce pas ?

Elle tourne la tête vers moi, elle est étonnée de me voir, elle n'a pas dû remarquer ma présence dans l'observatoire, je suis resté le plus discret possible pour ne pas la déconcentrer.

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