1) Joan : Dans un monde remplit d'hommes, essaies de ne pas être une femme

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La pluie s'abattait sur les feuilles mortes et mes jambes engourdies n'échappaient pas à la baignade. Avec vingt-deux kilo sur les épaules, du matérielle d'intervention avec gants opérationnelles, treillis résistant, un casque à visière, gilet pare-balle, une pioche rouillée, un sac de couchage troué et des rations de survies bientôt périmé, j'avais les épaules complètement verrouillées. L'uniforme n'était absolument pas imperméable et mon arme de service attachée à la ceinture frappait continuellement ma cuisse droite à chaque enjambée.

— Putain.

Mes doigts attrapèrent le manche robuste et le collèrent contre ma jambe. Les coups à répétition d'une crosse aussi massive que l'avant bras d'un jeune enfant commençaient réellement à me faire mal. A ma droite, un instructeur courait, il ne faisait que brailler des encouragements vaguement audibles dans la tempête. Le mental était là depuis toujours, et ce n'était pas cette douleur de passage, la nuit ou la pluie qui allaient m'arrêter. Je vis trois hommes derrière moi, le premier tomba quand ses pieds s'enlisèrent dans la boue qui commençait à se créer suite à nos incessants aller-retours. Dans sa chute, il entraina le deuxième qui lui hurla une insulte dans une langue que je ne comprenais pas. Je détourne le regard, les aider ne ferait que me ralentir. En plus de cela j'apercevais déjà le troisième, une armoire à glace très peu amicale, qui me fonçait droit dessus. Si je me retournais, l'impact était inévitable et il me passerait devant. Mes idées se confondaient encore plus, je ne voulais pas laisser deux hommes derrière et encastré dans la boue mais si j'allais les aider, je perdais la première place a coup sûr.

Après quelques secondes de combats intérieurs et une claque mentale bien mérité, mes pieds tournèrent sur eux mêmes, le vent gifla mon visage et l'autre buffle me rentra dedans en bousculant de peu l'instructeur qui l'évita en se reculant à l'improviste. En arrivant près des deux autres je les vis s'engueuler en essayant tant bien que mal de se sortir de ce bourbier, guettant les autres qui arrivaient à leurs tours, chargés comme des mules et aux pas de courses.

— Allez on se lève, bougez votre cul !

Ma voix hurla dans la nuit, presque aussi forte que celle des instructeurs. Ils me tendirent une main que j'aggripa directement. Mon pied prit appuie sur une motte de terre encore en place et je tira de toutes les forces l'étranger qui essayait de se dépatouiller dans la boue maronnasse.

La deuxième vague nous rattrapa bien vite et marcha sur les pieds et le reste du premier a être tombé. Il s'égosilla avec horreur et j'aurais pu parier avoir entendu un os se briser. Quand je réussi enfin à sortir l'un des deux, il ne demanda pas son reste et repartit dans la course, sans un quelconque sentiment de culpabilité. Il empoigna éhontément son énorme sac et courut à toute allure.

— L'enculé.

Je murmurais a moi même en repensant à ma putain de première place qui s'est évanouie dans la nature juste pour ce connard.

— Je peux plus bouger le pied !

Le type toujours à terre était replié sur lui-même et tenait son pied dans ses mains. Je commençais véritablement à ne plus rien voir. J'entendis au loin un des instructeurs hurler des encouragement minables et des "ALLEZ ! ON LÂCHE PAS !" à celui que je crût être le connard.

Mon bras passa sous les épaules de l'autre lourdaud qui était toujours au sol, accablé par la situation et incapable de marcher seul. Il ne faisait que répéter de le laisser là, comme s'il était déjà face à l'ange de la mort pour un pauvre pied cassé. D'autres participants passèrent encore devant et je fulminai de rage. Les gouttes de pluies s'infiltraient dans mes yeux, le vent frigorifiant m'épuisait davantage.

— Raconte pas de conneries tu veux.

Il laissa son sac tomber au sol et on se remit difficilement en route dans un silence de mort, clopinant comme des lapins en détresse, définitivement les derniers de la course.

Bias [JK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant