Journal du Crépuscule

Entrée 1

Quintidi 15 Brumior, 17 EC

Mon nom est Svidi Burkley. Je suis née le 25 Thermior de la 1e année de l'Ere Crépusculaire. J'habite à Fork, dans la campagne de Salem, dans le comté de Berwick. Ma maison est la troisième sur la droite, en partant de la place centrale du village vers l'ancien moulin à eau. J'y habite avec mon père John, ma mère Janie, et mes trois frères et deux sœurs, dont je suis l'ainée. Aujourd'hui, le révérend Lewrie m'a donné ce carnet, afin que je puisse mettre en pratique tout ce qu'il m'a appris. Il m'a conseillé de tenir un journal afin de m'entrainer à écrire. Il a également précisé de le garder précieusement avec moi, rare étant les personnes capables de lire et écrire dans notre village.

J'aime beaucoup le révérend Lewrie. Il est âgé, mais plein de bonté envers moi, et il explique très bien les histoires des dieux. Ses sermons sont toujours très clairs et très faciles à comprendre. Il parait qu'il a parcouru le monde en temps que mercenaire avant de trouver sa voie et de se retirer en un lieu aussi reculé que Fork. Je suis sûre qu'il a plein d'histoires à raconter, mais il n'accepte de parler que de celles des dieux. Il y a si rarement de voyageurs qui passent par Fork, et j'aimerai tant en savoir plus sur le monde qui s'étend au-delà des frontières du marais. Il faut dire que, vu la proximité de la forêt de Brocéliande, à quelques dizaines de lieues à l'est, peu de gens font le chemin jusqu'ici. Le révérend Lewrie prétend que cette forêt est maudite. Père et ses amis disent que ce sont des histoires anciennes. Ils partent tous les primidis de la semaine au matin pour camper aux abords et y abattre des arbres. Les nobles de Lewdon et Blenburry adorent notre bois, et les marchands les achètent très cher. Père ne peut en couper beaucoup chaque semaine, il dit que leur bois est plus solide que sa hache. Il a quand même réussi à construire toute notre maison avec ce bois. Père est très fort.

Comme Père est à l'orée de Brocéliande la majorité de la semaine, c'est avec Mère que nous tenons la ferme. Aujourd'hui, nous avons passé l'après-midi à arracher les mauvaises herbes près de la tourbe d'Hellin. C'est la limite nord de nos terres. La terre est très riche ici, mais c'est pour ça que les mauvaises herbes poussent aussi vite. Cette année, nous avons eu de grandes pluies à l'automne, et le niveau du marais a monté. Mère dit que c'est bon signe : plus il pleut d'ici le printemps, moins il pleuvra durant celui-ci. Moins de pluie au printemps signifie que l'eau du marais ne noiera pas nos récoltes, comme il y a trois ans. La famine avait eu raison de Gwen, ma plus jeune sœur, dont je fleuris la tombe tous les nonidis. Jack avait bien failli y rester lui aussi, mais les dieux ont fait preuve de clémence. C'est lui qui doit hériter de la ferme, mais Père a peur qu'il ne vive pas assez vieux pour s'en occuper. Il tombe souvent malade, et le révérend Lewrie a un jour dit que c'était un miracle qu'il ait atteint les dix ans. Il apprend à lire, à écrire et à compter avec moi, comme ça, si jamais l'un de nous était emporté par la maladie, l'autre pourrait tout de même tenir les comptes de la ferme. En plus, Père dit toujours que savoir lire est très important pour faire affaire avec les marchands qui achètent le bois de Brocéliande, parce qu'ils essaient de nous arnaquer. Lui, n'a jamais appris à lire, ni les autres habitants qui vont ramener les troncs avec lui, alors c'est toujours le révérend Lewrie qui lit les contrats. Mais Père dit que le révérend Lewrie ne sera pas toujours là, et qu'il commence à se faire vieux.

Je ne sais pas vraiment quoi écrire d'autre, alors je vais arrêter là pour aujourd'hui. Le révérend Lewrie dit que si je n'ai rien à dire, je devrais économiser les pages, car le papier est rare et cher. Encore un signe qu'il m'apprécie beaucoup : il n'a pas donné de cahier à Jack.