Journal du Crépuscule

Entrée 3

Tridi 23 Frimior, 17 EC

Père et les autres sont revenus de l'orée après seulement trois jours, bredouille. Ça n'était jamais arrivé. Selon eux, les bêtes de Brocéliande étaient particulièrement agressives, et ils ont dut lever le camp. Plusieurs d'entre eux étaient même blessés, mais ni Père ni Jacob ne l'étaient. Le révérend Lewrie a supposé que ce fût à cause de la pleine lune du solstice, que les monstres de Brocéliande s'étaient excités. Père n'était pas d'accord. En général, les monstres restent à distance de l'orée de la forêt. Ils n'apprécient pas la lumière qui y perce, alors que la forêt est plongée dans une sorte de nuit éternelle sous l'épais feuillage de ses arbres. L'échevin Dwarf, lui, a dit que cela avait déjà eu lieu dans plusieurs villages de bucherons, plus au sud, au cours des années précédentes, empêchant la coupe du bois. Il a même dit que les Sinistraux, les habitants de la forêt, avaient détruits plusieurs villages et mangé leurs habitants. C'est terrifiant ! Père dit qu'il n'y a jamais eu de Sinistraux près de Fork, mais les monstres ne s'étaient jamais aventurés jusqu'au campement des bucherons non plus. J'ai essayé avec Mère de le dissuader d'y retourner avant l'arrivée de soldats promis par l'échevin, mais Père a refusé toute discussion. Il n'y a jamais eu de soldats à Fork, en dehors de l'échevin et de ses deux gardes. On en a jamais eu besoin, les seuls dangers étant les serpents, les globs ou les croque-jambes. Cela fait des générations qu'on a plus vu d'hydre, et la dernière colonie de crocodiles bâtisseurs a été éliminée quand je n'avais que trois ans. Du reste, la tourbe limite la présence de bandits dans la région, et les créatures de Brocéliande ne quittent jamais de très loin le couvert de leurs arbres la nuit. L'idée d'avoir des soldats du comte au village est effrayante. C'est comme si nous partions en guerre. L'échevin a voulu nous rassurer en nous expliquant qu'il fallait seulement sécuriser les ressources de bois du comté. Mais quel que soient ses ordres, le détachement ne sera jamais là avant que Père ne retourne à l'orée. Tout cela est très effrayant.

Duidi 2 Nivior, 17 EC

Père est reparti hier avec les autres hommes du village vers l'orée, sans attendre le détachement promis par l'échevin. Jacob y est aussi allé, tout comme Edward. Janet a peur qu'il ne rentre jamais. Belle a tenté de le décourager de s'y rendre sur la place du village, decadi dernier, mais il n'a rien voulu entendre. J'ai moi aussi très peur pour eux. Les légendes sur les créatures de Brocéliande m'ont toujours terrifiée, mais j'ai longtemps cru qu'elles n'étaient que ça, des légendes. Les hommes se sont toujours rendus à l'orée de la forêt et n'ont presque jamais eu affaire à autre chose que quelques loups noirs solitaires. Mais maintenant, tout semble différent. Ils ont dit qu'il ne s'était agit que d'une meute de loups noirs, mais disent-ils vraiment la vérité ? Ils sont partis avec des torches et tout ce qui pouvait leur servir d'arme, leurs haches, leurs fourches, et même la vieille bêche de grand-père. Nous n'avons pas de nouvelles pour le moment. J'ai peur de ce que cela peut signifier.

Quartidi 4 Nivior, 17 EC

Jacob est rentré de l'orée avec Desmond, seuls, vers midi. Ils sont gravement blessés, Jacob a perdu beaucoup de sang, et Desmond est très pâle. Ils n'ont pas réussi à expliquer précisément ce qu'il s'est passé, nous avons seulement compris que certains ont été entrainés dans la forêt, et que d'autres sont encore à l'orée. Jacob n'a pas su me dire si Père était des premiers ou des seconds. Tout le monde a peur. Si les créatures décident de sortir de la forêt, qu'est ce qui les empêche de venir jusqu'au village une nuit ? Et qui nous défendra ? Il n'y a pas de palissade, et plus aucun homme en mesure de se battre ni aucune arme, et le détachement promis par le comte n'est toujours pas arrivé. Que va-t-il advenir de nous ? Les dieux nous ont-ils abandonnés ?

Quintidi 5 Nivior, 17 EC

Mère tente de cacher sa peur, mais je la sens, mes frères et sœurs aussi. Anne pleure pendant qu'elle tète le sein, Joan a demandé à dormir avec moi la nuit dernière. Jack semble encore plus pâle qu'à l'accoutumée, et Sloan et Henry comprennent que quelque chose ne va pas. Ils sont trop jeunes pour en saisir réellement l'ampleur.

Hier, la vieille Annabeth dit avoir vu un cadavre se tenir debout près du bosquet d'envy, au sud. Jacob, à son réveil ce matin, a dit que ce n'étaient pas des loups qui les avaient attaqués, mais des humains à l'apparence monstrueuse, ayant de longues dents, des yeux de chats pour certain, des écailles pour d'autres, et qui surgissaient de l'ombre pour les tuer ou les enlever. Nous n'avons toujours aucune nouvelle de ceux restés à l'orée. Certaines femmes du village veulent organiser une expédition pour aller chercher leur mari et leurs enfants. Janet veut en faire partie. Mais que pourront-elles faire face aux forces maléfiques habitant cette forêt maudite ?

Mère a proposé d'organiser des tours de garde aux entrées du village, en attendant de tenter quoi que ce soit.