Chapitre 4: James

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Quand la cloche annonça la fin des cours, le vieil adage « prendre ses jambes à son cou » ne suffisait plus à d'écrire l'empressement avec lequel Cecily sortit du collège. Elle sauta dans le premier bus qui menait au centre ville de Birmingham et, une fois descendue, courut sous l'œil intrigué des passants vers le centre commercial. Essoufflée et les joues en feu, elle se débattait avec la foule qui circulait et se déversait abondamment à l'intérieur de ce dernier. Si la jeune fille se trouvait là, à l'heure de pointe, ce n'était pas pour acheter un quelconque cadeau de noël, comme la plupart des personnes présentes, mais pour chercher son ultime et unique espoir: son frère. Cecily emprunta donc les escalators bondés pour monter jusqu'au cinquième étage et pénétra ensuite dans un magasin d'électroménager. La jeune fille parcourut les différents rayons à une allure impressionnante, en vain; son frère demeurait introuvable. À la fois épuisée et désespérée, elle s'arrêta à côté d'un sapin de noël négligemment décoré. Décidément, cette journée ne se terminerait jamais... Un mouvement sur sa droite attira soudainement son attention et ce qu'elle vit lui donna un regain d'énergie: sous une étoile filante en carton, son frère semblait ranger de nouveaux produits. Aussitôt, Cecily se dirigea vers ce dernier avec un sourire chaleureux accroché aux lèvres. Quand elle fut enfin arrivée à son niveau, la jeune fille se dressa sur ses pointes de pieds et lui tapota l'épaule, ce qui eut pour effet de le faire se retourner vivement.

- Salut, James ! S'exclama Cecily devant l'air surpris et perplexe de son frère.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

- Wow, quel accueil, dit-elle d'un ton enjouée, je n'en attendais pas moins de toi frangin. La jeune fille accompagna ses dires avec un petit clin d'œil complice, tandis que James grommelait des choses inintelligibles. Bon sang, comme elle aimait le taquiner ! Lentement, son regard glissa sur des imposantes boîtes posées sur le présentoir en face d'eux.

- Que faisais-tu ?

- Je vérifiais les nouveaux arrivages d'ordinateurs, répondit-il en lui montrant la liste qu'il tenait entre ses grandes mains. Apparement celui-ci peut... Attend. James fit glisser son index sur la feuille en plissant les yeux.

- Ah, oui ! Celui-ci peut aller sur Google.

- Google ? Répéta Cecily, intriguée, alors que son frère hocha la tête.

- C'est une sorte de moteur de recherche. Il te suffit de taper un mot pour trouver tout ce que tu souhaites sur le sujet en question.

-Oh... C'était cette fois-ci au tour de Cecily d'être perplexe. La jeune fille avait en effet du mal à imaginer une telle possibilité et elle était d'ailleurs encore en train de réfléchir à la chose quand James lança de nouveau:

- Personnellement, je ne pense pas que ce truc marchera, la démarche est... un peu étrange. Mais ce qui l'est davantage c'est ta présence ici, conclut-il en la dévisageant d'un air accusateur. Sérieusement, Cecily tu ne serais jamais venue de ton plein gré. La jeune fille grimaça, gênée d'avoir été démasquée. Elle devait lui dire la vérité. Elle avait réellement besoin de lui. Alors, elle prit son courge à deux mains et déballa tout ce qu'elle avait sur le cœur: de la provocation de Lucas, au pari puéril qu'elle avait bêtement accepté et auquel ses amies avait prit part, la culpabilité qui la rongeait malgré son assurance apparente, puis enfin la raison de sa présence: la recherche d'un entraîneur. Pendant son monologue, James était resté silencieux et son visage, d'ordinaire ouvert à la plaisanterie, semblait s'être assombri au fur et à mesure de son récit. Quand Cecily eut terminé, elle le regarda suppliante de dire quelque chose.

- Je savais que tu avais un don pour te mettre dans la merde. Ça a commencé très jeune et au sens littéral, en plus. La jeune fille rougit violemment face à l'évènement auquel il faisait référence. Cela s'était produit au cours de l'année de ses deux ans, lors d'un après-midi ensoleillé. Sa mère la cherchait pour le goûter quand cette dernière avait remarqué avec son fils que des petites crottes jonchaient le parquet. Curieux, ils avaient remonté ensemble la piste à l'odeur pestilentielle pour finalement retrouver Cecily dans le jardin de derrière la maison, adoptant le style naturiste et marchant à son aise dans ses propres matières fécales. En se remémorant ce souvenir très gênant, l'adolescente essaya de cacher tant bien que mal son profond embarras, en se persuadant qu'il la charriait pour mieux accepter de l'aider.

- Donc... commença t'elle une leur d'espoir perçant dans sa voix.

- C'est non, la coupa t'il sèchement.

- Quoi ? Cecily était abasourdis. Tellement qu'elle resta comme paralysée quand James s'éloigna à grand pas pour disparaître derrière un rayon voisin. La jeune fille tiqua puis reprit ses esprits avant de rattraper son frère qui était désormais devant des mixeur et des micro-ondes de toutes sortes.

- Mais... mais... pourquoi !? Balbutia t'elle à ses côtés.

- Parce qu'il en va ainsi, Cecily. Rentre à la maison maintenant, j'ai du travail, moi.

- Je m'en irai quand tu m'aura servi une excuse valable ! S'écria t'elle, dépassée par cette situation délicate. James souffla d'agacement et se massa les tempes. Ce mince laps de temps, permit à Cecily de comprendre ce qu'il n'allait pas.

- Je sais que tout ceci est entièrement de ma faute. J'en assume pleinement les responsabilités, ou du moins je crois. Cependant... Écoutes, tu ne pourras pas éviter éternellement les stades de foot et tout ce qui est lié de près ou de loin à ce sport. Son frère se stoppa net dans ses gestes. Cecily en profita pour se rapprocher un peu plus de lui.

- Cette blessure t'as été fatale et elle a anéanti à elle seule une jeunesse de dure labeur et de sacrifices difficiles, continua l'adolescente, d'autant plus que ce premier trimestre en école de commerce a été pour toi un véritable calvaire.

- C'est fait pour me remonter le moral, ça ? Demanda amèrement James. Cecily lui intima de se taire en lui faisant les gros yeux.

- Aujourd'hui tu as vingt ans et en plus d'être un
beau goss, tu es un super grand frère qui s'est reprit très courageusement en main. Je t'ai dit ce que j'avais à te dire. Merci quand même de m'avoir écouté, et désolée de t'avoir dérangée pour ces futilités. Cecily croisa une dernière fois son regard vert sombre avant de sortir du magasin.

***

Assise en face de son bureau depuis deux bonnes heures, la jeune fille n'arrivait pas à travailler. Son esprit était trop tourmenté pour cela. Elle avait dit des choses sincères à son frère et si les entraîner lui faisait remonter trop de mauvais souvenirs, ce n'était pas grave: Cecily se débrouillerait pour trouver une autre solution afin qu'il n'en soit pas affecter. Un sourd claquement de porte la tira de sa réflection. Elle sortit alors de sa chambre vêtue de son pyjama à carreaux bleu, puis alla voir qui était rentré. Cecily dévala alors l'escalier en bois et vit avec surprise son frère porter un encombrant sac en papier.

- James ? T'es déjà à la maison ?

- Oui, dit-il, mon chef m'a prévenu que le magasin fermerait ses portes plus tôt à cause du nouvel arrivage de produits. James sourit et enchaina:

- J'ai bien réfléchi à ce que tu m'as dit et pour une fois tu n'as pas tord. Le foot est bel et bien finit pour moi, une page s'est désormais tournée et je dois l'accepter. Mais cela ne m'empêche pas de transmettre cet art à toi et à tes amies. Je suis officiellement d'accord pour t'aider. Cecily s'esclaffa et le remercia de tout cœur. Elle se mit à danser maladroitement jusqu'au salon quand son frère la rappela à l'ordre:

- Minute papillon le parasite, j'ai mes conditions. La jeune fille s'emmêla les pieds au même instant et tomba tête la première sur le canapé. Si tu veux que je vous entraîne, il faut que ta future équipe soit complète avant la fin de la semaine et, en prime, tu me devras un mois de vaisselle en guise de dédommagement. Cecily releva la tête et vit qu'il avait retrouvé son éternel sourire en coin.

- T'es pas sérieux ?

- Si Miss plan foireux, mais pour l'heure j'ai apporté des pizzas, ajouta James en exhibant tel un trophée son gros sac. Cecily soupira mais se sentit néanmoins soulagée: tout était quasiment rentré dans l'ordre.

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