Anecdote

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Anecdote

Impossible de me rappeler la couleur de tes yeux. Toujours est-il que tu avais l'air heureux. Ta main mutilée ne t'arrêtait pas, tu virais de bord avec aisance. Je pouvais lire dans tes yeux que la mer était ton terrain de jeu. Tu avais une assurance sans bornes et l'allure d'un surfeur. De loin, tu ressemblais à un film américain. De près, tu étais mille fois plus. Plus homme que gamin, tu avais l'air d'un vrai marin. Je n'ai pas osé te demander ton numéro. Je pense que tu aurais refusé de toute façon. Quoique, j'aime à croire que tu nous aurais laissé une chance. Avec l'air d'avoir tout vu, tu m'as dit que tu naviguais depuis dix ans. Puis, mine de rien, j'ai demandé d'où tu venais. La réponse que tu m'as donnée était si familière... Moi qui espérais pouvoir t'oublier, te savoir si proche a ranimé un espoir irréel et enfantin dont j'ignorais jusqu'à l'existence même. Tu as donné lieu à ce besoin de croire que tout est possible. J'imaginais déjà te croiser par hasard, sur un carrefour, ou bien au détour d'une sortie de métro. Rentrée chez moi le soir, le rêve s'est fissuré. Il ne me restait que deux options : revenir ici en été, ou bien retourner toute ma ville pour te retrouver. Alors, j'ai répondu que moi aussi, je venais de là, et je t'ai dit "au revoir". Avec du recul, "adieu" me semble plus approprié. Oui, je crois bien que tu resteras celui que j'ai rencontré à la Toussaint. Tu resteras l'anecdote que je raconte à la rentrée. À tout jamais.

Adieu, Anecdote.

11/2022

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