Lettre IX
Réponse de la comtesse de Parois à l'annonce du marquis de Lagandière
Beau prince du palais romain,
Ce n'est point un billet que je vous délivre mais bien un écrit soigneusement rédigé et réalisé à l'aide du cœur tendre d'une femme sentimentale.
Je tenais à vous dire que cette annonce m'avait profondément fait réfléchir et que mon intelligente pensée m'avait joué des tours. Lors de l'envoi de votre lettre si bien faite et si bien formée, je me situais dans un de ces salons parfumés et féminins que tout Lagandière affectionne. Les murs blancs, les tableaux de maîtres et cette fraîcheur qui anime les conversations. J'y vais lorsque l'ennui me prend et me tire vers des lieux plus attirants. Mais je me morfonds tout de même. Ainsi, le palais romain me semble un endroit mystérieux et tout aussi exaltant. Mon imagination s'est tout de suite emballée et m'a mené à visualiser ce palais. Connaissant Rome à travers les histoires et les contes, j'ai eu l'exquise idée de m'aventurer dans ce pays envahi de soleil. Les grandes portes de bois sculptées s'ouvrent sur une longue rangée de colonnes décorées de multiples dieux dont nous ignorons encore les pouvoirs. Le sol marbré d'un rose très clair est frais, doux et agréable malgré la froideur de la pierre. Devant moi, une immense fontaine où se dressent les magnifiques statues de déesses. Leurs courbes rendent les femmes maladivement jalouses dont le regard assassin frôle ses nymphes immortelles et belles à en mourir. Une eau claire et pure s'échappe des jets situés au sommet de cette merveille où les hommes assoiffés viennent se recueillir et retournent volontiers aux plaisirs à peine consommés. Autour de cet endroit de plénitude, une multitude de banquettes aux couleurs vives, symboles de gaieté et de débauche. Ici, se plaisent hommes et femmes, prostituées et hommes d'affaires déguisés de masques en papier. Une excitation chaude règne dans cette grande pièce transpirante de soupirs et de cris d'amour.
Et vous, divin roi de ce palais, êtes nu, couvert de poudre d'or, un long spectre finalement taillé dans une main, observant d'un œil calme toute cette scène de théâtre fort plaisante.
N'est-ce point la plus élégante des descriptions de votre palais ?
Votre regard se poserait sur moi, déesse des femmes, des folles, des renégates, des vierges, le visage couverte d'un masque d'antilope aux cornes noires. Vous saisirez chaque partie de moi, en baiserez chaque recoin et y lécherez chaque carré de peau. Je serais votre maîtresse, votre asservie, la souveraine de vos désirs les plus fantasques. Les flacons de parfum, les robes, les corsets, ces objets de torture faits pour abrutir la femme délivreront mon être afin d'être à vous seul.
Il n'y a pas maîtresse plus dévouée, plus passionnée que moi.
Mon arrogance peut vous surprendre mais je défie toute femme se prétendant Mignonne de ce puissant seigneur d'être la plus sensationnelle pour son âme royale.
Je voue, Monsieur, un culte à votre personne si précieuse et je promets de conquérir votre impénétrable antre.
La comtesse de Parois.
Lettre X
Réponse de la marquise de Souche-Parré à l'annonce du marquis de Lagandière
Honnête homme du monde,
Pardonnez-moi, oui, pardonnez-moi de vous importuner de ma lettre de supplications. Je ne puis faire autrement que de m'excuser de mes paroles qui vous sembleront lamentables. Je vous vois, devant votre secrétaire, parcourir mes lignes d'un air dédaigneux ! Non, je ne vous mérite point Monsieur et mon écrit devrait s'arrêter là. Pourtant, j'ose vous adresser ces mots dont je reconnais le désordre. La structure de la lettre sera des moins compréhensibles et votre esprit s'intéressera à d'autres correspondances.
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Les Mignonnes du Marquis de Lagandière
RomansaA Lagandière, le paysage marin et les promenades en calèche ne manquent pas d'ennuyer les truculents bourgeois. Ennuyés par les banaux divertissements, la duchesse de Galanta et son amant mettent en place une juteuse affaire. Leurs proies , les jeu...