Chapitre 7

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Lettre XXIV

De la comtesse de Parois à la duchesse de Galanta

Madame Galanta,

Je ne fus ni choquée, ni bouleversée par vos propos car il semble que je lise dans votre esprit. Votre façon de penser est révoltante, outrageante et peu recommandable envers nos concitoyens et notamment envers ma personne. Vous ne savez point à qui vous vous adressez et je vous conseillerai de diminuer vos vapeurs puisque votre lettre m'a posé beaucoup de méchantes interrogations. Devrais-je l'expédier aux institutions compétentes afin qu'une sanction soit prise et que votre bêta d'époux se rende compte de l'ignominie de vos écrits ? Mon âme coule d'un poison noir et mortel que je transmets à mes rivales et d'un sang rouge et fluide lorsque celles-ci sont à distance. Je suis la vipère dont Cléopâtre utilise le poison pour se suicider, la fautive de tout ce chaos. La vipère qui vous fera bientôt vous effondrer.

Une question effleure mon esprit : si j'attouchais ne serait-ce qu'une seule fois la peau et la chair du prince du palais romain, quelles seraient vos réactions ? Si je puis me permettre, laissez-moi l'honneur de vous les rappeler. Votre peau se hérissera tels les poils d'une lionne apeurée. Les gens verront votre regard se métamorphoser, ils comprendront qui est ce personnage qu'ils vénéraient et qui se révèle être un tyran. Votre cœur se brisera en mille morceaux qui se déverseront dans votre corps, vous piqueront, vous blesseront et laisseront des plaies béantes, rouges, effrayantes. Les traits du visage se crisperont jusqu'à se craqueler, jusqu'à devenir de la pierre lisse et froide, les jambes fines et aimées des hommes s'enterreront dans le sol et vous rendront impuissante face aux cérémonies.

Une fois que vous serez une statue, je vous exposerai dans la chambre à coucher lors de nos discussions, de nos ébats, de nos rires bienheureux. En guise de remerciements pour m'avoir laissé ce charmant prince, je demanderai à une bonne de vous nettoyer afin que vous ne preniez point la poussière. Vous demeurerez à jamais dans cet antre insupportable, enfermée dans ce carcan de pierre jusqu'à ce que nous nous éteignions. La haine vous dévorant de l'intérieur ma chère, vous ne pourrez cracher sur nos sépultures, point positif pour nos deux âmes.

Vous n'êtes pas surpuissante et votre titre ne prouve point votre invincibilité,

Propos rédigés par la favorite du prince.


Lettre XXV

Du marquis de Lagandière à la duchesse de Galanta

Madame,

Le dîner me hante encore et n'a point fini de me hanter. Notre plan a fonctionné à merveille et comme j'ai pu le deviner, notre élève vous a envoyé une longue lettre pour justifier le pêché qu'elle a commis. Nous l'avons emmené vers la délivrance et les plaisirs de la vie. C'est comme cela que les institutions doivent dresser les jeunes gens : pas besoin de théorie, seulement de la pratique. Prenons la nature dans sa plus belle authenticité, un lion et sa femelle feront l'affaire. Mettons-les à l'oeuvre. La femelle obéissante se pliera bien volontiers aux attentes et se montrera dans ses plus beaux atouts. La lionne offrira son séant et se laissera aller à la brutalité du sexe masculin. Une pénétration simple et rapide qui choquera bien l'assemblée. Et on dira « Voilà mesdames et messieurs, voilà comment nous résumons la sexualité. Mais vous verrez par la suite de leçons éducatives les fondements essentiels d'une vie équilibrée ».

En pénétrant dans votre domaine, j'ai senti une sorte d'intimité. Chaque mur, chaque pièce et chaque objet semblait m'appartenir bien plus qu'à votre époux. Je pénétrai dans le hall d'entrée, desservi par une belle demoiselle souriante et dont je fis des compliments. S'agissait-il de Lise, cette belle domestique aux yeux clairs ? Si cela était le cas, elle rougit du même rouge charmant et flatteur lorsqu'un homme s'intéresse à une dame. Je fus agressé par une dame aux cheveux longs et noirs que je reconnus aussitôt. La pieuse marquise de Souche-Parré m'énerva car elle avait repris son air de fausse épouse parfaite et de dame révoltée de mes familiarités. Tel un ensorceleur, j'empruntai mon plus doux regard ; elle fondit lors du baiser que je lui fis sur le dos de sa main. Puis vint le tour de l'époux, grand, imposant mais toujours avec son regard calme et ignorant tout ce qui se trame. Amusé, je lui serrai la main, une main moite et trempée de sueur – sans doute le stress d'être confronté à un homme aussi séducteur que moi – et j'eus la gentillesse de demander des nouvelles de sa santé et des campagnes. Dans son regard, je sentis une confiance aveugle et une sorte d'apaisement. Dans le mien mais qu'il ne vit point, une lueur espiègle et taquine. Mon pauvre ami, je détiens votre femme et je la posséderai jusqu'à ce que nos liens se brisent.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 14, 2023 ⏰

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Les Mignonnes du Marquis de LagandièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant