Trop naïve pour cette vie

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Quand les rayons du soleil tombe pile sur ma fenêtre, je m'amuse avec les ombres. Je pose devant la fenêtre, j'observe mon ombre et les formes qu'elle prend. Je suis la ligne de mon visage avec mon index, je suis la courbure de mon nez, je relève mes cheveux et je joue avec cette pâle vision de moi. Jusqu'à ce que le dernier rayon filtre. Alors j'attends le lendemain, que le soleil revienne joué avec moi. 

Parce que je cours après les papillons. Parce que j'essaie d'attraper tous les pigeons que je croise. Parce que je teste tous les toboggans. Parce que pour moi un champs ou une plage c'est le meilleur endroit pour courir sans but. Parce que saute dans les flaques d'eau. Parce que je réponds aux oiseaux qui sifflent.

Quand je vais en bord de mer, je me met face au vent, et je le laisse porté mes boucles, je le laisse emporter le bruit des vagues jusqu'à moi et celui des voix derrière moi. Je regarde au loin, me demande quelle distance je couvre avec mon regard, jusqu'où peut-il aller avant de rencontrer une île ou un continent. Je sonde l'océan qui paraît si calme mais qui renferme une vie qui me paraît si éloignée, irréelle, semblant appartenir à un autre monde. 

Quand les nuées d'oiseaux prennent le départ au début de l'hiver, je les regarde prendre leur envol dans une chorégraphie désordonnée mais qui paraît pourtant si réglée. Le ciel s'assombrit d'un coup, l'espace de quelques secondes pour laisser place aux centaines d'individus, si discrets le reste de l'année. Combien partent dans les pays chaud ? Et combien reviendront au printemps ? Reviendront-ils tous ici ? 

Et l'eau qui s'écoule dans une rivière, d'où vient-elle ? Jusqu'où ira-t-elle ? Est-ce que peut-être je la recroiserai un jour sans le savoir ?

La fleur qui s'épanouit dans la lumière du matin s'ouvre-t-elle pour la dernière fois aujourd'hui ou est-ce la dernière fois qu'elle s'offre au soleil ?

La pluie qui tombe contient-elle des gouttes d'eau venues d'un autre pays ou d'un autre continent ? Quand va-t-elle cesser ? C'est fou la capacité de rétention des nuages. 

Les nuages qui flottent au dessus de ma tête n'ont jamais pris cette forme avant et ne la retrouveront plus jamais. 

Tout cet éphémère me fascine, me laisse en suspend. Le temps s'arrête pendant que la vie prend une forme qu'elle ne prendra plus jamais. Chaque détail insignifiant s'illumine sous mes yeux. Je vois la fourmi qui marche avec une miette sur le dos, les branches qui plient sous le poids d'une pie, les nuages qui sont poussés par le vent, les rayons du soleil qui se reflètent dans une vitre. Je voudrais tout figer, tout photographier. Mais ce n'est pas possible, alors je continue de vivre à mille à l'heure, ignorant les petits détails, faisant comme s'il n'existait pas d'autre vie que la mienne. Et sur les courts moments de répit, je m'arrête, respire et admire. 


Emois d'une âme sensibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant