Well, well...

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D'un coup, tu te retrouves cinq ans en arrière, face à des appels qui tombent sur messagerie, des SMS sans réponse, des « utilisateur introuvable » sur tous les réseaux alors que 24h avant c'était encore ta meilleure amie, depuis 13 ans. Et puis on revient encore sept ans en arrière, avec une promo entière qui ne t'adresse plus la parole, et ta meilleure amie qui te laisse sur place, seule, à cause d'une seule personne alors que 12h avant tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Evidemment t'es jamais toute seule dans ces moments là, quasiment jamais, et j'ajouterai même que dans mon cas il y a une mention spéciale pour les gens qui sont taureau et/ou qui ont un quelconque lien avec le chiffre 25 et/ou qui ont un prénom que commence par un L. Alors, comme ça ça fait beaucoup de possibilité mais je vous assure que plus il les accumule, mieux c'est pour mes affaires.

Et tu te demandes pourquoi c'est toujours toi. Pourquoi c'est toujours la même histoire qui se répète. Pourquoi même en grandissant, même en recommençant tout à zéro, même en changeant de région, c'est toujours le même schéma, toujours la même histoire qui se répète et toujours toi qui a mal. Est-ce que les autres n'ont jamais mal ?

Donc tu prends la première chose qui te tombe sous la main, tes écouteurs, un livre ou un stylo et tu pars ailleurs, dans une autre peau, dans une autre vie. Tu pars loin et le plus longtemps possible. Tu passes d'une demie-heure à neuf ou dix heure d'écoute par jour. Parce que ta vraie vie a perdue toute sa valeur à tes yeux, parce que pendant des mois tu n'as vécu que pour les autres, mais que les autres, ils sont partis. Sans toi. Et puis tu finis par prendre des nouvelles résolutions, c'est fini de tout donner pour le reste du monde, c'est fini de croire que tu recevras toujours autant que ce que tu donnes, c'est fini de s'inquiéter de l'avis des autres. Les jours qui suivent, tu redeviens l'actrice principale de ta vie, tu pars faire le tour de la ville toute seule, tu vas faire les boutiques, tu te maquilles pour toi, tu te balade en robe de bal comme si c'était normal, parce qu'enfin tu vis pour toi. Mais après l'euphorie du début passée, tu te demandes à quoi bon et tu retombes dans ton existence d'avant. Tu reprends ton livre ou tu remets tes écouteurs parce qu'ils y a des tas de gens qui écrivent beaucoup mieux que toi et qui, surtout, sont capable de mettre les mots exacts sur ce qu'il se passe dans ta tête. Alors tu repars loin, tu te demandes pour la 124e fois pourquoi c'est toujours toi ? Qu'est-ce que c'est le problème chez toi ? Est-ce qu'un jour tu sortiras de cet éternel recommencement ?

Tu fais une rapide introspection, puisque maintenant tu as le temps. C'est les grandes joies de la solitude, c'est que t'as le temps de réfléchir à tout, très longtemps. Tu te dis qu'au fond si t'as toujours préféré les méchants de l'histoire c'est parce qu'ils incarnent tout ce que t'es pas et que tu seras jamais capable d'être. Il y a une forme de fascination dans la façon qu'ils ont de tout contrôler, de réussir à s'élever au sommet, de réussir à se faire entendre. Et tout ça seul (exception faite d'un corbeau, d'un perroquet ou que sais-je). Tu te dis que Maléfique a toujours été moins fade qu'Aurore, que Cruella a toujours eu beaucoup plus de pouvoir que 101 dalmatiens et que Jafar a toujours eu beaucoup plus de prestance que je grand vizir.

Alors tu l'envisage cette possibilité, de devenir la grande méchante de ton histoire. Après tout, si d'être la gentille ça fonctionne pas, pourquoi est-ce qu'on n'essaierait pas de prendre l'autre versant ? La réponse elle est simple : parce que t'as trop peur de perdre ceux qui sont toujours là. Parce que toi tu cours après les pigeons, les orages et les arcs-en-ciel. Parce qu'au fond tu auras des remords toute ta vie. Parce que c'est pas toi.

Au final, tu reprends ton chemin, plus distante qu'avant, parce que tu veux pas être blessée une nouvelle fois, mais tu sais que tu finiras par oublier ce qu'il s'est passé, tu te lancera à nouveau toute entière dans une nouvelle histoire et tu retomberas. Encore. Et peut-être qu'un jour, sans devenir la Baronne, tu trouveras un juste milieu. 

Emois d'une âme sensibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant