Un accident de chat

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-Tu sembles fatigué, me confia Salim alors que je venais de sortir d'un cours de littérature mondiale sur le dernier livre de Gabriela González, une argentine feministe.
Comment pouvais-je lui expliquer que j'avais passé la nuit à boire un thé vert à côté d'une gelée d'âme, lui montrant sur mon téléphone les" vingts six choses à voir dans sa vie" (consistant à être principalement des monuments nationaux de pays comme le Cambodge ou l'Espagne et des animaux) ? Et à lui faire écouter plusieurs genres musicaux pour lui prouver que la musique était une des plus belles choses inventées par l'humanité,
car j'étais persuadé que la boule de gelée avait oublié ou s'était distanciée de sa vie d'avant pour ne plus se souvenir certaines choses de l'existence humaine, que je me faisais un devoir de lui rappeler.
-Ouais j'ai fait une insomnie, expliquais-je.
-Tu penses quand même pouvoir supporter la soirée de Lylia ?
-J'espère, affirmais-je sincèrement.
Lylia était une amie du lycée, on s'était séparés en fin d'année dernière. Pour Salim et moi la fac, tandis qu'elle avait choisi de faire une année sabbatique pour se consacrer totalement à sa création de cosplay, son écriture et à ces passions commes les jeux vidéos et les mangas ; ce qu'étrangement ses parents soutenaient à 100%.
J'avais laissé la boule dans une assiette creuse placée au-dessus de mon frigo de sorte qu' Ecchymose mon chat ne puisse pas la toucher. Depuis que j'avais cette gelée d'âme chez moi j'avais toujours un œil dessus ; et je devais avouer n'avoir aucune confiance en mon chat en mon absence.

Achina était une personne aux longs cheveux teinturé de pâle, il aimait les choses un peu dark et les perles de pierres bleues et claires. C'était surtout une personne avec qui j'avais eu une relation amoureuse d'un mois et quelques jours, mais même si ça n'avait été qu'une courte période les souvenirs restaient. Nous nous croisions parfois encore dans les couloirs, moi en licence et lui en master, ne sachant pas si l'un de nous deux accepterait que l'autre lui lâche un bref bonjour respectueux, restant pourtant muet l'un face à l'autre,
Après tout on ne s'était pas quittés fâchés, ça n'avait juste pas été une bonne idée de ce mettre ensemble et je le savais, donc c'était à moi d'assumer les responsabilités et à lui de vivre une belle vie sans ma présence, ce que je lui souhaitais amplement.
-C'est normal, me rassura Lylia à qui je venais d'avouer que je regardais encore ses storys alors que je m'étais désabonné de celui-ci pour justement ne pas y retourner dès que le cercle rose-orangé s'afficher autour de son icône.
-Ouais tu dois vivre cette rupture à ton rythme, si t'as besoin de voir encore ses storys regarde les quand tu veux. Et si lui il ne veut pas, bah il finira par te bloquer, intervint Sam toujours avec ses paroles pleines de compassion et de réconfort.
-J'ai l'impression d'être chiant avec lui, de rester éloigné et de ne pas lui parler mais de le stalker et de trouver qu'il me manque, minaudais-je saoulé.
-Détends-toi Éthan ok, tu n'es pas en train de le suivre dans la rue ou de tuer toute personne qui l'approche, tu ne fais rien de mal, tu fais juste une sorte de deuil sur une relation amoureuse à ta manière.
La musique n'était pas trop forte et la lumière tamisée de sorte que chaque personne se sente bien sans être agressée par l'éclairage ou le volume trop élevé.
C'était comme d'habitude une soirée chill et sans alcool. On était quinze dans une maison avec pelouse et cabane. Lylia vivait depuis sa naissance chez ses parents, sur ce bout de terrain à la bordure de notre ville.
Est-ce que l'âme de gelée avait déjà habité dans une maison comme celle-ci ? Ou alors avait-elle été dans sa vie antérieure dans un igloo, une tente ou un immeuble de banlieue ?
Je devais avouer que j'avais aussi une théorie sur son ancienne vie.
Au vue de sa taille il fallait admettre que je l'imaginais encore gamine et donc une mort prématurée, peut-être d'accident de voiture ou de maladie.
-Dis, tu crois à la réincarnation ?
Salim conduisait depuis plus de dix minutes me raccompagnant gentiment chez moi après la soirée de Lylia, quand j'avais posé la question. Il resta les yeux sur la route ne répondant pas tout de suite, puis lâcha :
-Non pas vraiment.
-Tu crois quand même à quelque chose ou à rien ?
-Tu connais ma mère et Meru, elles sont pratiquantes mais moi croire en Dieu ou à quelque chose ça n'a jamais été important.
La plupart des membres de la famille de Salim était musulmant.es, je connaissais Meru sa sœur pour avoir déjà croisé le fer avec elle sur la console de jeux de Salim, elle était redoutable.
-Pourquoi ? T'es en train de nous faire une crise existentielle ? interrogea t-il s'engouffrant dans ma rue.
-Je te rappelle que j'ai quatre-vingt sept pourcent d'intelligence existentielle, plaisantais-je rappelant un test que Lylia nous avait fait passer un mercredi après-midi, lors de nos retrouvailles hebdomadaires.
-C'est ça et dans deux secondes tu vas me sortir que t'es un analyste ? ironisa Salim, un poil sceptique face à ces tests technologiques.
-Absolument pas je suis un médiateur, un truc comme infp, déclarais-je ne croyant pas non plus à toutes ces activités que Lylia aimait nous faire essayer.
Salim rigola un peu amusé et se gara à quelques mètres de mon immeuble.
-Dis, tu penses que tu peux me rendre le livre que je t'avais prêté ?
-Oui bien sûr je vais te le chercher, lançais-je soulagé d'enfin pouvoir le rendre alors que j'oubliais de le faire depuis des semaines.
Je laissai Salim dans sa Citroën grise et remontai à mon appartement, au troisième étage. J'ouvris sur mon salon, attrapai le livre sur ma table de nuit et me figeai quand je repassais devant l'encadrement sans porte de ma mini cuisine.
L'assiette était en morceaux sur le sol, la boule de gelée avait roulé sur le carrelage blanc près de la table à manger.
-Merde merde, répétais-je paniqué me jetant sur l'âme de gelée rose.
Quelque chose semblait avoir essayé de la manger, des traces du crime étaient visibles mais peu profondes, et au vu de la situation Ecchymose avait réussi son coup.
-Hé, tout va bien, je suis là, murmurais-je doucement à la boule caressant d'un doigt sa peau grumeuse près de moi.
Est ce qu' elle était blessée ? en danger ? devais-je faire quelque chose ? est ce qu'elle était morte ? est ce que ça avait tué Ecchymose ?
-Ecchymose ? appelais-je ne le voyant nulle part. Je me redressai écrasant de mes converses les bouts de mon assiette.
Je finis par retrouver finalement le coupable assis sur le bord de ma fenêtre en parfaite étape de toilettage. Au moins il n'y aura eu qu'un mort, à moins que la gelée ne soit pas encore morte. Est ce qu'on pouvait mourir alors qu'on n'était pas né ?

J'avais rendu son livre a Salim, la boule dans ma main, debout devant sa vitre descendue.
-Tu crois qu'on peut mourir lorsqu'on est logiquement pas réincarné ?
-Mais c'est quoi ces questions ? s'étonna t-il un peu perdu.
-Je crois que mon chat a tué la gelée, déclarais-je un peu affolé, ne sachant pas si je devais être peiné ou chercher à contacter la Mort pour qu'elle vienne la reprendre.
-Quoi ?
Ses sourcils noirs s'étaient froncés.
-Rien...c'est pas grave, soupirai-je .
Il n'allait pas me croire, comment annonces-tu que la mort personnifiée est venue chez toi ? Que ton chat a mangé un bout de gelée d'âme et que du coup t'as peut-être un cadavre actuellement dans la main ?
-T'es sûr ? s'inquiéta-t-il.
-Ouais il a juste fait tomber un truc, insistais-je reculant sur le trottoir en signe que c'était bon, qu'il pouvait partir.
Il n'insista pas et on se quitta après quelques politesses qui consistaient en des bonnes nuits et un rappel de faire attention sur la route.

Le temps d'une gelée - [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant