Les légendes d'Heltarya

Chapitre 5 - Le pendu de la tour sombre

Sans savoir exactement pourquoi, Grisham avait rebroussé chemin. Il s'était rendu dans la salle où Jormen s'était fait un malin plaisir à abattre ces monstres. Sa curiosité mal placée lui avait fait regretté son geste. Du sang noir s'étalait partout sur les murs et les bancs moisis, et des cadavres s'empilaient à même le sol. L'odeur de la chair en putréfaction en était si répugnante qu'il remonta son col sur son nez pour éviter de vider ses tripes. Puis après avoir prit le temps de souffler à l'extérieur en admirant ce ciel étoilé, il tenta de calmer le tremblement de ses mains et sa vision trouble. Lorsqu'il utilisait son pouvoir de cette façon cela le fatiguait un instant. Il se rappela alors une vieille légende, disant que les étoiles du monde étaient les âmes des descendants du cercle d'or. Il s'était toujours demandé où allait celles des autres peuples. Une fois un minimum apaisé il monta les escaliers à son tour, s'appuyant de tout son poids sur les parois, encore chancelant. Il avait repoussé tantôt le corps de la créature qu'il avait abattu pour la jeter parmi les autres. Il se sentait salit. Il avait bien besoin d'une bonne toilette, et de repos, ses muscles engourdis et ses pieds endoloris après cette journée de marche et d'affrontements.

Au sommet de la tour sombre, Nathanaël s'était cogné à une petite masse qui restait immobile, scrutant un point fixe au fond de la pièce. Enjika s'était arrêté pour observer une ombre accrochée à une corde. Jormen arrivant à son tour, il en était agacé.

- Poussez-vous de mon chemin. Je vais faire un feu.

Encore plus aigri que d'habitude il avait récupéré les quelques branches qu'ils avaient perdu, puis avait passé la porte de la "chambre" au sommet de la tour pour se rendre sur les remparts qui tombaient en ruine. C'était un bon abris si on oubliait le froid et l'humidité. La cloche manquait à l'appel, tombée en contrebas. L'espace était suffisant pour accueillir quelques personnes si on s'entassait suffisamment. Si il avait prit le temps d'observer la situation et de rester aux côtés d'Enjika et de Nathanaël, il l'aurait vu.

La gamine s'avança, alors que Nath tenta de l'en empêcher dans un premier temps, puis il décida de la laisser faire en la suivant de près lorsqu'elle lui jeta un regard noir. "Ne me touche pas". Il avait souri. Il aimait son caractère. Elle avança avec précaution en prenant soin d'éclairer avec sa torche, le fond de la pièce à moitié calcinée et désordonnée, avec qu'une armoire presque entièrement vidée de son contenu. Un corps gisait, dégageant une certaine puanteur dans sa position morbide et tordue. Les meubles à ses alentours étaient de cendres. Ses os se révélaient sous sa chair à vif, rongée par les vers. Des restes d'habits blancs, un visage dépecé et désormais squelettique, et une énorme entaille le long du torse. Un cadavre pendu dans une tour en ruine.

- C'est récent, lui murmura Nathanaël, sans états d'âme.

Il semblait avoir l'habitude d'être spectateur de ces visions. Enjika se demandait réellement en quoi la profession de Messager consistait pour ne plus être atteint face à des corps.

- Comment le devines-tu ? Et, qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? Qui pourrait bien faire une chose pareille ? Et pourquoi tant de cruauté ? Le pendre, le calciner, l'entailler ... C'est abominable.

- Ce ne peux pas être un Possédé c'est certain. En revanche, tu mélanges l'ordre des choses. Il s'est fait tuer avant par cette entaille, puis pendre, et ensuite brûler pour effacer les preuves. Son bourreau devait soit être un idiot hystérique, soit un acharné.

- Comment le sais-tu ?

- Les Noxilirs sont d'excellents soigneurs mais nous nous occupons aussi des corps de la capitale. Je sais le reconnaître à l'œil.

Enjika le quitta des yeux lorsqu'elle sentit son estomac remuer, et que la vision d'horreur lui devenait trop difficile à supporter.

- Peu importe de qui il s'agissait, ses vêtements sont blancs, souleva Nathanaël.