"Très peu de personnes au monde ont un jour la chance de rencontrer leur âme soeur ; la vraie, celle pour qui c'est évident, celle pour qui on donnerait tout.
Gabe a grandi aux côtés d'Haylie. Déjà enfants, pour eux c'était certain : ils passeraien...
Watkins s'était déplacé en personne à l'hôpital dès qu'il avait appris la tentative de suicide spectaculaire de Haylie Brunner. Il était occupé dans une ferme en périphérie de la ville pour une histoire de vol de bétail, et n'avait donc eu vent de l'incident qu'en rentrant au poste, deux heures plus tard. Il avait filé à l'hopital, toute sirène dehors, zigzaguant dans la circulation comme si une vie en dépendait. Au chevet de Haylie, il lui avait parlé longuement, avec toute l'attention et la patience dont il avait été capable de faire preuve. Mais rien à faire : elle était restée silencieuse. La jeune fille se refusait à envisager porter plainte. Aucune plainte, aucune accusation, et elle avait refusé de se faire ausculter en détail. A bout d'arguments, l'adjoint du shérif se décida à la laisser quelques minutes se reposer dans sa chambre aseptisée. Il se rendit dans la salle d'attente de l'hôpital, où il savait que Gabe Dowell attendait depuis des heures. Il le trouva assis sur un des inconfortables fauteuils d'un bleu canard démodé, la tête entre les mains.
- Si tu comptais sécher les cours de cet après-midi, lança-t-il, je dois te dire que tu as déjà été plus créatif que cela.
- Comment va-t-elle ? Bondit Gabe, bien plus angoissé que ce à quoi l'agent de police s'était attendu.
- Elle a quelques contusions, des côtes cassées...
- Il l'a violée ? Cria presque Gabe.
- On ne sait pas, le tempéra Watkins en baissant la voix. Elle ne veut pas se faire ausculter, ni rien dire.
Gabe secoua la tête en serrant la mâchoire de colère.
- Vous savez très bien ce qu'il se passe chez elle, maugréa-t-il. Vous allez vous décider quand à faire quelque chose, putain ?!
- Je ne peux rien faire sans son consentement, se défendit le représentant de l'ordre. Elle est presque majeure. J'ai déjà fait le nécessaire auprès des services sociaux, mais sans preuves, sans aucune volonté de sa part, c'est quasiment impossible. J'ai fait une demande de dossier pour coups et blessures mais...
Gabe soupira bruyamment. Tout ce bla-bla pour rien, alors que ce mec été censé avoir juré de protéger les gens. Il dût se rendre compte de ce qu'était en train de penser le jeune homme, car un voile de remord passa sur son regard.
- Tu peux aller la voir, si tu veux.
Gabe n'ajouta rien et s'élança dans le couloir. Watkins se retourna pour l'observer, et le suivit lentement, d'un pas résigné. Voir ce qu'étaient devenus ces gosses qu'il n'avait pas su aider le dévorait de l'intérieur. Peu d'affaires le suivait en dehors de ses heures de travail, mais celle-ci... Isaac Brunner était un sombre connard, tout le monde le savait. Mais il avait été à l'université avec plusieurs grands élus de la ville, et il était quasi-intouchable. Pourtant, ce qu'il faisait subir à sa fille dépassait tout ce que Watkins pouvait tolérer, surtout en tant que shérif adjoint. Pourtant, sans preuves, il était impuissant. et il en avait déjà fait les frais, cinq ans auparavant. Son obstination avait failli lui couter sa place. Le représentant de la loi s'adossa contre le mur du couloir, écoutant les murmures que les deux adolescents échangeaient.
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