Le couple et l'amour

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Quand j'y pense, on a une conception de l'amour et du couple aujourd'hui qui tend à lier d'office les deux. Mais je pense que la notion de couple dépasse de loin celle de l'amour.

L'amour, objet quasi-impossible à définir, pouvant faire référence à de la passion, à une certaine forme de fougue, à de l'attachement, à de la tendresse que l'on éprouve pour quelqu'un, à une certaine attirance – qu'elle soit physique, psychique ou intellectuelle, tout un panel d'émotions ou de comportements que l'on rattache convenablement à l'amour.

Mais qu'est ce que le couple ? Sans reprendre le concept de mariage qui semble quelque peu suranné aujourd'hui, je pense qu'il s'en rapproche dans le sens où il s'agit d'un contrat. Non plus d'un contrat devant Dieu ou devant l'Etat, mais d'un contrat moral entre deux personnes qui décident librement et volontairement de faire leur vie (ou une partie de leur vie) ensemble. Et c'est ce "partie de leur vie" qui m'amène à me poser une question : celle de la séparation.

Évidemment, la possibilité d'une telle alternative est bien heureuse. Je ne pense pas que le bonheur se trouvait dans un concubinage qui, après des années, n'avait plus tellement de sens. Et dans ce cas précis, alors, la séparation semble une alternative juste et saine. Mais je pense que l'arrivée d'une telle liberté nous a fait quelque peu basculer dans le licencieux. Quand je dis "nous", il s'agit de nous en tant que civilisation, en tant que peuple, et non pas nous individuellement. Jamais je ne permettrai de critiquer des choix individuels que je pense et souhaite inaliénable. Mais force est de constater que le fait qu'un mariage sur deux se termine en séparation dans notre pays trahit un certain phénomène global. Le fait que nous considérons le couple comme un objet marchand à part entière. Le couple est considéré comme heureux dès lors que tout se passe bien, et dès qu'une poussière vient enrayer le mécanisme, et bien on se sépare ! Quelle aubaine pour la religion capitaliste qui souhaite le mouvement et les échanges perpétuels. Mais quelle calamité pour tous ces jeunes gens qui ne comprennent pas pourquoi leurs relations ne durent jamais plus de quelques années, ou pourquoi il y a tant de couples séparés autour d'eux ? L'amour n'existerait-elle pas finalement ?

On nous a mis dans le crâne que le couple était cette merveilleuse expérience, parfaite, où l'amour gouverne, et où les maître-mots sont l'hédonisme et le bonheur. Nous nous accorderons à dire que cela n'est vrai que dans les Disney ou dans les romances à l'eau de rose, mais qu'un tel scénario ne permet pas de rendre compte de la totalité de ce qu'est le couple. Evidemment, nous souhaitons tous que le couple soit le bonheur, la joie, les bons moments, mais c'est aussi des épreuves à traverser, un besoin de concéder parfois, de faire des concessions, de composer avec quelqu'un d'autre – et qui n'est pas toujours facile quand on a été bercé à l'individualisme et au plaisir immédiat –, de faire des efforts, voire des sacrifices quelquefois.

Et à la fois, force est de constater qu'il serait stupide de rester avec quelqu'un qui ne nous rend plus heureux, avec qui nous partageons de moins en moins de choses, qui semble ne plus faire d'efforts et s'est installé dans une routine.

Mais et si la routine pouvait avoir du bon ? Pourquoi toujours chercher le renouveau ? Pourquoi toujours chercher ailleurs ? Pourquoi ne pas se contenter de ce qu'on a ? Si vous êtes heureux tel que vous êtes, pourquoi ne pas accepter de revivre encore et encore cette même belle et simple journée ? Et si vous ne l'êtes pas, n'y-a-t-il pas aussi les biais d'un modèle qui vous amène à baisser les bras à la moindre difficulté ?

Aussi, pourquoi ne prendre en compte que les efforts sociaux ? Dans le sens où ce qui ferait vivre un couple serait l'amusement en son sein ? Ne faudrait-il pas aussi prendre en compte d'autres paramètres, comme la stabilité, la fidélité, la loyauté, la constance ?

Un exemple, si votre conjoint semble ne plus avoir envie de faire grand chose en vieillissant, vous vous dîtes "ah il a vieilli, il s'est encroûté", qu'il ne semble plus se satisfaire que de son petit train-train, mais qu'à la fois, sa rencontre vous a permis de construire une famille, un avenir pour vos enfants, de devenir propriétaire, d'avoir pu vous ancrer financièrement, professionnellement comme socialement, n'est-il pas nécessaire de le reconnaître ? N'est-il pas nécessaire de ne pas s'arrêter à l'état des choses telles qu'elles sont actuellement et éprouver une certaine forme de loyauté à l'égard de votre conjoint pour tout ce qu'il a pu faire pour vous et votre couple ? Est-ce légitime de le quitter car vous ne vous amusez plus avec lui, après tout ce que vous avez construit ensemble ? N'a-t-on pas des amis aussi pour s'amuser ? N'a-t-on pas la possibilité de faire des choses de notre côté aussi pour répondre à ce que notre conjoint n'est plus capable de faire ? N'est-on pas capable également peut-être de mettre de côté certains manques, d'accepter que l'on ne peut pas tout avoir, que l'on ne peut pas tout espérer de la même personne ?

Je pense que dans une certaine mesure, nous sommes devenus des enfants capricieux. (Encore une fois, je fais une critique collective, de notre société dans son ensemble, pas de cas particuliers qui ne sont que le résultat de ce mouvement collectif.) Nous nous sommes enfermés dans le plaisir immédiat, nous ne savons plus faire preuve de discernement, de savoir ce qui importe vraiment de ce qui est de l'ordre du futile. Le couple est cette construction complexe, à la fois émotionnelle, spirituelle, physique, économique et sociale, que l'on a tendance à trop souvent réduire à la première dimension.

Des fois, j'en arrive à envier mes grands parents qui ne semblaient pas se poser de telle question et répondait à la question "Est-ce que vous vous aimez ?" par "Je ne sais pas, on a fait notre vie entière ensemble, c'est ce qui importe, non ?"

Est-ce que l'amour – telle qu'on la pense bêtement des fois – n'est pas une chimère de la mythologie capitaliste, une chimère qui nous permet, bien malheureusement, de ne jamais être heureux, de toujours chercher mieux, ailleurs, autrement ?

Ne devrait-on pas viser plutôt un couple heureux, stable et loyal ?

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 10, 2023 ⏰

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