Esquisse

40 1 0
                                    

Sur cette route, où la chaleur n'était pas au rendez-vous, il marchait. Seul, et pourtant accompagné. Comme toujours, il était seul aux yeux des autres, mais autour de lui, elle était là, toujours présente. Elle le regardait encore derrière son rideau blanc, et ne bougeait pas, habillée de la robe qu'elle portait ce jour là. Ce jour fatidique, où tout bascula.


Ainsi, et puis comme à ses habitudes, il marchait, bousculant le peu de personnes qui pouvaient passer. Il avait une démarche lourde, d'ancien soldat, le dos droit, le pas assuré, la tête haute. On avait l'impression qu'il était encore à l'armée, et suivait des ordres, on aurait pu lui crier « Halte » qu'il se serait arrêté. Depuis ce jour, où elle commença à l'espionner, il passait et repassait par cette voie, pour pouvoir la revoir, encore et encore. Elle était si pâle, si belle et si froide.


Depuis tant de temps, elle aurait du partir, mais au contraire, elle était revenue. Et si sa réapparition se faisait dès maintenant, cela n'était pas sans mauvais signes, et sans explication. Il l'a appelé, à son insu. S'en souviendra-t-il ? Ne le sais-je. Néanmoins, elle ne partira pas aussi vite. Une fois présente, son devoir doit être accompli. Puisque, de toute façon, elle n'avait plus rien à perdre. Sa vie était finie, et depuis bien longtemps.


Il faisait si froid ce jour là, un froid d'hiver, où le vent se brisait au contact de la peau, et laissait le plus souvent, des petits cercles rouges sur les joues. Un orage se préparait, tous s'étaient alors réfugiés, comme les autorités l'avaient proclamées. Une peur s'était emparée d'eux, alors que lui ne s'était pas réfugié, et marchait dehors, à contre vent. Il ne ressentait ni le besoin de rester à l'intérieur, ni le besoin de s'enfermer. Il avait envie de voir, pour une fois, à quoi ressemblait cette bête si terrifiante, si « affreuse » dont tout le monde avait peur. Et il fut émerveillé devant une telle beauté, rien de tout ce qu'on lui avait dit n'était vrai. La bête n'était ni terrifiante, ni affreuse, elle n'avait en réalité aucune forme concrète. Ce fut un chef d'oeuvre à ses yeux, à chaque éclat, c'était une nouvelle et inattendue source de joie. Il y avait quelque chose qui s'était transformé, déclenché en lui, quelque chose qui s'était réveillé, quelque chose, ou quelqu'un.


Il ne se souvient toujours pas de ce jour, il connait son visage, il connait ses yeux, reconnait ses traits, mais il ne sait d'où il la connait. Tandis qu'elle s'en souvient merveilleusement bien, mais restera muette à tout jamais, comme une tombe. Déjà quatre mois entiers s'était passés, et pourtant aucun souvenir. Quatre longs mois, sans qu'elle ne le quitta des yeux.

OrageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant