L'inconnue

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Le commencement.

Où toutes choses s'arrêtent, et finissent par naître. Une naissance qui se fait à l'aide de cris et de mots. Une naissance qui se fait dans la terreur, dans la douleur, mais surtout dans le bonheur. Dans le bonheur de tenir entre ses mains, un tout petit être. Un être qui vient de passer neuf longs mois dans votre ventre, qui s'est installé entre vos organes, et s'est nourri de ce que vous mangiez. Un être qui est venu du monde. Un être venu du ciel. Vous ne l'aviez pas voulu, et pourtant aujourd'hui il est là, il se tient dans vos bras, dans vos bras trempés et fatigués. Il vous regarde avec cet air, cet air si innocent, il vous regarde comme si il connaissait tout de vous. Vos pêchés, vos regrets, vos espoirs, vos tristesses. Comme si le fait d'avoir vécu en vous, il avait réussi à tout savoir. Il vous connaît par coeur, alors que vous, vous ne le connaissez pas encore. Mais que vous allez devoir apprendre, devoir le nourrir, l'éduquer et le faire devenir un homme. L'homme que vous avez toujours rêvé au fond de vous, celui qui vous faisait rêver. Et c'est ainsi que vous rendrez votre fils unique à vos yeux. Il pourrait vous désobéir, vous détester, vous le faire détester. Mais il restera à jamais votre fils, votre enfant. Votre tendre et beau fils. Puisque de toutes façons, à vos yeux il restera le plus beau au monde. Le plus beau des hommes qu'il n'est jamais été. Tous ses complexes qu'il aura, vous feront tourner la tête, et vous rendra malade pour lui. C'est ainsi, ça sera l'amour que vous lui porterez, vous, vous qui êtes sa mère. La femme qui prendra toujours en modèle, la femme qui sera toujours la meilleure pour lui. Il choisira son futur compagnon, ou compagne par rapport à vous. A votre caractère, et ce qu'il aime chez vous.

- Quel est le nom de votre enfant, madame ? lança-t-elle par dessus son épaule.

Hésitation. Réflexion. C'est vrai, après tout, maintenant ce petit être doit porter un nom, un nom grâce auquel il se reconnaîtra dans une foule. Un nom qui pourra le différencier des autres, un nom qui le rendra unique en son genre. Un nom qui construira sa personnalité. Des lettres qui feront de lui un vrai et réel humain. Son identité, la seule et vraie, peu importe ce que on pourra lui dire, il s'en souviendra, d'une manière ou d'une autre.

- Je... Je ne sais pas... L... A... Non, tu es bien trop différent, des autres... Laissez moi quelques minutes, et je vous dirai. répondit-elle sèchement.

Elle hésita quelques secondes, et donna sa réponse à l'infirmière qui le marqua aussi vite sur le carnet. Voilà, c'était fini, c'était terminé. L'épreuve était passée, oui, car c'est une épreuve que l'on doit endurer. On souffre, pour mieux aimer. On aime, pour mieux souffrir. Cela va de soi. Il n'y a pas d'amour sans souffrance. Pas de souffrance sans amour. Les deux sont inséparables, liés à tout jamais. Réunis en un seul et même chagrin. Au bout du terme. Au bout de tout.

Elle plongea son regard dans ces yeux tout nouveaux, ces yeux sans réelle couleur, l'enfant ne pleurait pas. Il regardait lui aussi sa mère. Il la regardait avec un de ces regards, comme ceux que l'on n'oublie jamais ou plutôt que l'on ne peut pas oublier. Il vous marque à vif, à fleur de peau. Elle était effrayée par ce nouveau-né qu'elle tenait dans ses bras, elle était effrayée de ce qu'il annonçait. Tout allait dorénavant changer dans sa vie, absolument tout. Elle ne vivra plus que pour lui, que pour qu'il devienne un jour, l'Homme. Cet homme dont elle a toujours rêvé.

Lumière électrique, regard livide. Je te vois. Tu es si belle et fatiguée. Tu es si jeune. Je te connais par coeur, je sais toutes tes craintes pour l'avenir, et tes regrets du passé. Mais aujourd'hui, il faudra que tu vives chaque jour comme un cadeau, puisque c'est toi qui m'a fait ce cadeau. Ce précieux cadeau qu'est la vie. Chaque jour je penserai que je vis cette magnifique journée grâce à toi. Tu m'as donné la vie, et moi en échange je t'apporterai le bonheur. Peu importe ce qui pourrait nous arriver, tu resteras l'unique femme au monde. Celle pour qui je donnerai tout. Je t'aime déjà.

Un nouveau rêve. Un nouveau-né. Le ciel venait de s'ouvrir au-dessus de sa tête, il venait de s'engouffrer dans la nuit, et les étoiles tournaient autour de lui. Ce n'était plus les étoiles qui défilaient, mais ce fut des hommes. Des poussées d'hommes parmi des milliers. Et pendant ce temps là, Aharon tombait au milieu d'eux. Ils étaient tous si déshumanisés. Sa tête le brulait, ses mains étaient en feu. Il était en train de se consumer tout entier. Il brulait, brulait, brulait... L'oiseau de feu venait de l'encercler de ses milles ailes. Il allait finir comme ces fragments de terre qui finissait en cendres en tombant. Sauf que lui, n'était pas constitué de terre. C'était un fragment de vie. Une vie précipitée, une vie détruite par les souvenirs et les manques. Mais il allait en finir, il allait recommencer tout depuis le début. Le temps venait de le tuer. De le brûler vif, pour lui rappeler ce qu'était la douleur. De ce qu'était la sensation de vivre. Il allait finir en cendres, et coulerait parmi ces poussières dans le Sablier du Temps. Le seul sablier, capable de vous rappeler que le temps d'une vie est court, et n'est finalement constitué que de grains, de poussières. Et qu'une fois le temps écoulé, il suffit de retourner le sablier, pour pouvoir tout recommencer. Néanmoins, ce sablier est capable aussi de vous rappeler que votre vie ne représente, hélas, qu'une infime partie, qu'un fragment parmi tant d'autres. Que tout ce que vous aviez entrepris durant ce court temps, ne changera en rien le monde, ni le cours du temps. Que vous n'avez été qu'une infime bribe dans un univers bien vaste. Bien trop grand pour vous.

- Réveille toi Aharon, le Destin ne t'a pas choisi pour rien. Réveille toi, tu as tellement de choses à accomplir encore... lui murmura-t-elle.

OrageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant