Le Seigneur et le Dragon

Chapitre 5 : Magie.

Dix jours plus tard, nous débutâmes la grande bataille contre le Seigneur Kaller.

Non seulement il avait d'excellentes tours d'archers, mais également de dangereuses catapultes à sa disposition. Alors que je me tenais sur un char de guerre, à l'arrière de mon armée, je pouvais voir clairement les gigantesques pierres en flammes lancées sur mes troupes et Fruys. Le dragon était encore capable d'esquiver toutes les volées malgré sa taille massive... mais mes soldats n'étaient pas aussi chanceux, ils tombaient en nombre à chaque barrage de ces comètes miniatures.

Une terrible peur et angoisse me saisit au cœur alors que je ne pouvais qu'observer cette scène et déplorer les pertes immuables.

Fruys poussa soudain un long rugissement féroce, avant de pivoter dans les airs. A l'aide de son agilité et sa vitesse, il franchit toutes les tours d'archers et les catapultes, subissant au passage les attaques sur son propre corps, mais sans pour autant flancher un seul instant. Déterminé à obtenir la victoire, il chargea jusqu'à ce que toutes les fortifications ennemies soient recouvertes de glace.

Voyant l'opportunité, je vis Andy agiter le bras en l'air, signalant ainsi aux troupes de saisir cette occasion pour lancer l'ultime assaut à grande échelle.

Lorsqu'il se retrouva à affronter les forces directement dirigées par le Seigneur Kaller, Fruys lança son souffle glacial, faisant de suite perdre aux troupes ennemies leur élan. J'entendis avec satisfaction la surprise dans la voix du Seigneur Kaller, qui vociférait depuis l'autre côté du terrain.

- MERDE, ce Dragon peut utiliser une magie de haut niveau ! (Kaller n'avait pas pousser ce juron de départ, mais j'ai trouvé cela approprier au vu de la scène, ça rendait mieux en français... J'ai fait plutôt soft.)

Malgré l'assistance de Fruys, nous passâmes néanmoins une journée entière avant de parvenir à soumettre le Seigneur Kaller. C'était uniquement grâce à la détermination et un fort désir de vengeance que mes soldats avaient tenu le coup, dépassant leur épuisement et des limites qu'ils avaient depuis longtemps franchit. Grâce à cette volonté inébranlable, à la toute fin, ils avaient fait chuter la motivation de leurs adversaires et obtenu ainsi une victoire largement mérité.

Fruys, comme à son habitude, devançait fièrement mon armée. Heureux et soulagée, je me précipitais pour enserrer son cou massif et m'approchais plus facilement de son oreille.

- Fruu, tu es vraiment mon héros, lui susurrais-je avec bonheur, le sourire au lèvre.

Fruys ne répondit rien, se contentant juste de tourner sa grosse tête.

Je frottais mes joues contre son cou. Mais soudain, contre toute attente, il leva ses grosses serres pour me repousser, puis déplia ses ailes et s'envola rapidement. Totalement dérouté, je regardais sa silhouette devenir de plus en plus petite à mesure qu'il s'élevait dans le ciel.

Andy profita du départ de Fruys pour me rejoindre.

- Adam, tu sais déjà que les Dragons sont des créatures de très haut niveau, n'est-ce pas ? Alors tu ne devrais pas le traiter comme ont traite un animal domestique ou Anthony, me rappela-t-il.

- Je ne considère pas Fruys comme un animal, et je n'ai jamais traité Anthony comme une bête de somme ! Répliquais-je vertement, froncent des sourcils. Fruys a toujours été un compagnon et un ami, et ce depuis le début. (je ne savais pas s'il parlait de Fruys, du cheval, ou des deux, mais vu la réponse d'Andy, je me suis dit que "il" devait être Fruys)

- Sauf qu'en usant te telles actions, Fruys va finir par se méprendre.

-"Méprendre" ?

- Hum, par exemple il pourrait penser que tu ne le respecte pas... Adam, tu devrais traiter Fruys avec beaucoup plus d'humilité, en Seigneur plutôt qu'en camarade, exactement comme tu t'occuperais d'un héros ou un invité de marque dont l'aide est absolument indispensable à ton pays.

- C'est inutile, Fruys et moi sommes aussi proches qu'une famille, balayais-je d'un revers de main. Qui plus est, je pense au contraire qu'il aime vraiment mes manières... sinon il m'aurait déjà bazardé.

***

Assimiler le territoire et les ressources du Seigneur Kaller nécessita naturellement plus de temps que prévu. Alors que j'étais pris par la conduite des territoires, une interrogation ne cessait de titiller un coin de mon esprit, sans pour autant être obsédant. J'étais curieux de savoir pourquoi Kaller avait eu une aussi forte réaction sur le champ de bataille, en voyant Fruys employer sa magie de glace. N'était-il donc pas normal, pour des Dragons, de savoir user de magie ?

Je cogitais un instant à ce sujet et devinais que la surprise de Kaller pouvait, finalement, ne pas être si questionnable, même si je n'avais aucune preuve à l'appuis. Après tout le barde de mon enfance avait seulement dit que les Dragons avaient une grande longévité, une force d'attaque impressionnante et des défenses puissantes, mais il n'avait jamais mentionné qu'ils pouvaient utilisés la magie.

Fort heureusement, Kaller était du genre à aimer amasser différents objets rares et précieux dans sa forteresse, aussi possédait-il beaucoup de livres intéressants, dont certains traitants des Dragons. C'est ainsi que j'eu la preuve que parmi cette race mythique, seule la moitié environ pouvait employer la magie comme Fruys.

J'avais également appris, durant mes rares moments libres pour étudier, que ceux qui pouvaient utilisés une magie de type "glace" de manière aussi étendue que Fruys étaient plus rare encore que des fleurs dans un désert aride. Les Dragons étaient, de surcroit, naturellement plus puissants que les Sorciers humains pratiquant le même niveau ou type de magie. Non seulement leur corps était impénétrable aux agressions physiques, mais leur résistance magique était plus de cent fois supérieure à celle d'un guerrier ordinaire... Mais ce qui rendait les Dragons plus fascinant et dangereux encore, était que cette magie, au contraire des Sorciers qui avaient besoin d'apprentissage et l'aide de différents artefacts, était pour eux juste une capacité innée comme tant d'autres.

Pas étonnant que tuer un seul Dragon fût si difficile dans les contes de fées. "Tant mieux !", me rassurais-je en pensant à Fruys. (J'ai rajouté cette dernière petite phrase, sinon ça aurait fait bizarre au vu de l'importance que Fruys a pour Adam. Ce dernier n'aurait pas eu ce genre de réflexion sans cette négation... me semble-t-il.)