Le septième jour, Fruys pouvait enfin se lever.
Récemment, je me montrais encore moins avare de paroles qu'auparavant. Je lui expliquais qu'autrefois j'étais un jeune maître choyé, même si ma famille n'avait pas excessivement d'argent pour gâter qui que ce soit. Mais cette existence insouciante avait brutalement pris fin lorsque mon père était décédé et que j'étais devenu du jour au lendemain le nouveau Seigneur de ce territoire. Je devais prendre soin de ma mère, m'occuper de mon petit frère, me charger de mes sujets tels qu'Anna ou Andy, même mon cheval Anthony, et respecter mes responsabilités envers mon peuple et mes terres.
A mesure que j'en parlais, je sentais plus intensément le poids des dix mille âmes sur lesquelles je devais veiller peser lourdement sur mes épaules. Je prétendais constamment que tout était sous contrôle, que je gérais la situation... mais on ne pouvait être plus loin de la vérité. Honnêtement, j'avais terriblement peur. Chaque fois que le Seigneur Morgan et son gang envahissaient et pillaient mes terres, j'éprouvais cette oppression dans ma poitrine rendre ma respiration laborieuse, et mon cerveau se noyait de pensées paniquées et anxieuses, me tordant le ventre. Mais j'avais pour devoir d'être en apparence toujours calme, recueilli et préparé à toutes éventualités. Je me devais d'être ferme, plus que quiconque, lorsque je déclarais à mon peuple qu'un jour nous serions les plus forts.
Je racontais tout ceci librement à Fruys, y compris mes pensées les plus personnelles, ceux que je n'avais jamais partager avec quiconque auparavant. Je ne craignais pas qu'il les diffuse, mis à part le fait que j'étais la seule personne qui lui tenait compagnie, ce Dragon n'avait même pas l'air de vouloir prendre la peine de prononcer trois mots... et ce depuis sept jours entiers ! Il n'avait pas prononcé un seul mot depuis l'indication de son prénom, sauf pour affirmer qu'il avait effectivement franchis la Mer de la Mort en volant et venait du continent d'Icanomics.
Je trouvais cette situation plutôt injuste et blessante, car il n'y avait pas de retour un minimum équivalent à mon investissement. Mais en y réfléchissant du point de vue de Fruys, je pouvais comprendre un peu qu'il ne fut pas bavard après tout je n'étais qu'un vulgaire humain et lui un fier Dragon. Il était très courant de voir des gens de ma race, mais pas de la sienne. Je me sentais déjà très honoré d'avoir obtenu cette chance, qu'un être aussi noble que lui soit au moins à l'écoute.
***
Arrivé aux dixièmes jours, je n'avais plus rien à dire.
J'avais arrêté de fournir des médicaments à Fruys car j'avais remarqué que cela été complètement inutile. Cependant, après avoir chaque jour respecter mes engagements en tant que Seigneur, je continuais malgré tout à lui rendre visite. C'était dans la nature humaine de persister, si un puissant Dragon se présentait dans votre arrière-cour et n'avait aucune intention malveillante à votre égard, ne réagiriez-vous pas de la même manière ? Qui résisterait ? En outre, j'avais toujours été profondément fasciné par ces bêtes puissantes et rares.
En tant que Seigneur de fief, j'étais souvent occupé de diverses manières et avais des affaires publiques à régler, même si je ne gouvernais qu'un tout petit nombre de sujets. Par exemple, je devais ôter ou réguler les taxes chez les familles pillées lors des raids, ou allouer des fonds de soutiens afin de faire réparer - encore - la tour de guet, qui ne disposait déjà que de peu de munitions défensives. Je médiatisais également des différends juridiques un peu rasoir, du genre : "le bœuf de John a été mordu par le chien de Jack, que devons-nous faire ?"
J'avais toujours su que j'hériterais tôt ou tard de la position de mon père. Lorsque j'étais encore un enfant plein de naïveté, je rêvais que ce jour venu, je menais courageusement et haut la main ma cavalerie, vêtu d'une armure rutilante et blindée, et aurais conquis tout le continent de Finanse, puis pointais ensuite mon épée en direction d'Icanomics pour faire pareillement... Mais cette enfance était dorénavant loin derrière, la réalité m'avait vite rattrapé et démontré à quel point j'avais été crédule et juvénile. Oublier la cavalerie, nous n'avions même pas suffisamment de finance pour nous permettre d'équiper un seul fantassin d'une pièce d'armure en métal.
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Le Seigneur et le Dragon
FantasíaAuteur : Da Yuan Zi Un jour, le jeune Seigneur d'un faible et pauvre petit pays sauve un Dragon échoué en bord de mer. Depuis lors, son pays devint plus prospère, riche et puissant à mesure... attisant les convoitises, les problèmes en cascade et l...