Chapitre 7: Petite poussière d'étoile

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Quand j'arrêtai de pleurer, J'observai la pièce attentivement encore secouée de hoquets. Le lit sur lequel je m'étais jeté était en faite un lit à baldaquin en bois verni et aux draps bleus turquoises. Décidément ils avaient quelque chose avec les nuances de bleu au "Paradis". La pensée de ce mot me fit grincer des dents. Je promenai mon regard minutieusement dans la pièce pour en observer chaque recoin, chaque forme, chaque objet.

Un vortex faisant office de fenêtre était présent aussi ici comme dans ma maison adoptive à la seule différence qu'il était bleu. Comme absolument tout dans cette pièce d'ailleurs, du sol au plafond, des murs à l'armoire, du tapis aux broderies... Il y avait cependant une exception. La pierre lumineuse posée sur la table de nuit était blanche. On aurait dit un morceau de lune, c'était beau. Il ne semblait pas y avoir d'électricité ni de chauffage ici. La température ambiante était parfaite, le vortex était ouvert suffisamment pour que je distingue les étoiles. Il faisait nuit apparemment. Il y avait donc quand même des jours et des nuits ici. Ça s'appelait des "lumières" d'après ce que m'avait dit Mauran. Ça avait quelque chose de rassurant de savoir que le temps existait après la mort même si on ne le sentait pas passer.

Je me levai et m'approchai de la table de nuit. Je n'ai pas pu m'empêcher d'effleurer la surface lisse et douce de la pierre laquelle cessa instantanément de rayonner. Là le vortex s'ouvrit doucement, assez pour que la douce lumière des étoiles éclaire la pièce. Je regardais à travers. je ne pouvais pas distinguer ma position dans l'espace mais je voyais les étoiles légèrement plus proches que la façon dont on pouvait les voir sur Terre. Je fixai mon regard sur l'une d'entre elles un peu plus lumineuse que les autres. Mais d'un seul coup, elle disparut comme disparaîtrait une étoile filante. Bizarre. Elle était pourtant totallement immobile. Je la cherchais des yeux mais elle avait bel et bien disparut.

Soudain, l'envie me prit de sortir de cette chambre ou je me sentais enfermée comme dans une prison. C'était paradoxal, j'étais au "Paradis" et je me sentais prisonnière...

J'ai hésité puis j'ai marché vers la porte qui en passant était normale tout comme cette pièce (mis à part le vortex). Re-bizarre puisque tous les autres bâtiments de ce monde présentaient une architecture assez particulière. J'ai posé la main sur la clenche. Le contact de ma peau avec le métal froid me fit frissonner. J'entendis soudain un bruit provenant de derrière la porte. Est-ce que Mauran avait mit un garde pour m'empêcher de sortir? Collant mon oreille contre le bois épais de la porte j'ai d'abord perçu un petit bruit presque inaudible. Puis une respiration. Mais pas une respiration régulière, une respiration secouée de hoquets, tantôt forte, tantôt atténuée, des reniflements. Quelqu'un pleurait derrière la porte pas de doutes.J'ai appuyé ma main sur la clenche et j'ai tiré. Mauran. Mauran pleurait assit par-terre. Il m'a regardé.
Ses yeux étaient rouges et ses joues étaient humides de larmes. Il était en fait adossé au mur, à droite dans l'encadrement de la porte. Je me suis assise à côté de lui et je ne lui ai même pas demandé pourquoi il pleurait. J'ai passé mes bras autours de ses épaules et il à posé sa tête sur la mienne. Les larmes ont coulées toutes seules sur mes joues comme elles le faisaient souvent d'ailleurs ces temps-ci. Pleurer toutes les larmes de son corps ne représentait rien à côté de ce qui se passait pour moi. Je ne savais même pas comment il pouvait encore rester de l'eau dans mon organisme. Je ne ressentais même plus la tristesse, je ne savais plus pourquoi je pleurais c'était presque devenu quelque chose de naturel et de courant.

Au bout d'une heure, ou deux, ou trois je ne sais plus, disons au bout d'un certain moment, on s'est arrêté de pleurer. Peut être parce qu'on avait définitivement épuisé notre réserve de larmes, peut être parce qu'au fond on ne ressentait vraiment plus rien, peut être parce qu'on en avait assez d'entendre les échos de nos pleurs résonner dans le labyrinthe de couloirs et revenir à nos oreilles comme une longue plainte déchirante brisant le silence de la nuit. On ne sait pas vraiment, on ne sait plus.

Mauran avait enfoui son visage dans mon coup et j'écoutais sa respiration, lourde et régulière. Il y avait pas un seul bruit. De longues fenêtres "normales" filtraient la douce lumière de la lune et dessinaient des rectangles d'un blanc lumineux sur la moquette bleue foncé du couloir. Le plafond était si haut que je ne le distinguais même pas dans la pénombre. Mauran m'a serré plus fort et on s'est bercé en se balançant doucement d'un côté puis de l'autre.

"-Tu crois que ça existe les anges?

-Bien sûr puisque tu existes!

-Haha sincèrement je serais plus un démon qu'un ange!

-Non tu serais certainement une sorcière!

-Héééééé!

-Là je rigole mais personnellement je crois aux anges.

-Pourquoi?

-Je ne sais pas. Quand je regarde le ciel j'ai l'impression qu'ils se cachent exprès et qu'ils apparaissent dès que personne ne les regarde.

-J'ai un moyen de savoir.

-Ha bon et quoi?

-Je me jète d'une falaise et poufff je deviens un ange! Ou pas.

-Maaaaiis dis pas ça! En plus, ça prouverait seulement l'existence des sorcières.

-Je vais te..."

J'ai rouvert les yeux. Je venais encore d'avoir une vision. Il y avait encore cette personne, la même que dans ma première vision. Était-ce un hasard si on parlait d'ange? Est-ce que je me suis vraiment jeté d'une falaise pour voir ce que je devenais? Non je ne me pense pas aussi stupide...

-C'est quelque chose d'intéressant que le sujet des anges. Résonna une voix grave et douce dans mon cou qui me fit sursauter. Je souris.

-Tu m'as fais peur je croyais que tu dormais.

-J'étais seulement plongé dans mes pensées comme toi. Dit-il. Tu veux que je te raconte ce qu'est un ange?

-Tu sais ça toi?

-Bien sûr.

-Racontes-moi alors.

Il prit une grande inspiration sans ôter son visage de mon cou.

-On t'as souvent dit qu'une étoile était une pierre en feu ou un truc du genre. Je ne sais pas exactement ce qu'ils vous racontent en bas. En réalité, une étoile c'est une âme. Une âme qui brille plus ou moins fort selon ce qu'elle a vécu. Et ce que vous appelez des étoiles filantes sont des âmes d'enfants. Elles sont parfois taquines et brillent avant de disparaître. Nous sommes tous des étoiles en puissance. On porte ça en nous. Vivants, on est qu'une petite poussière doré mais dès que notre âme s'extirpe de notre corps, on brille comme un feu de Bengale. C'est ce que deviennent tous ces gens qui perdent leur identité et les autres s'ils ne font rien. Ils s'évaporent et ne deviennent plus qu'une représentation lumineuse de la pureté de leur âme.

-C'est beau et triste à la fois.

-C'est vrai petite poussière d'étoile.

Je souris.

-J'aime bien.

-C'est parfait alors parce que je ne comptais pas te laisser l'embarras du choix, petite poussière d'étoile. Dit-il tout-bas.

Et sur ces paroles on s'est endormis, nos respirations à l'unisson, laissant enfin à la nuit son silence.

IdentitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant