Marquée : Biographie d'un quart de déesse nommée Jackson (Tome 1)

Chapitre 5 : Séchage de pro

J'avais bien raisonné : la tronche du manticore en question était celle de mon prof de maths adoré ! Option numéro trois officiellement validée. Celui-ci me jeta son haleine pourrie en pleine figure d'office, en sifflant à mon encontre :

- Shell Sophia Jackson, fille...

Je le coupai. Pas malin, mais désespéré.

- ...de Percy Jackson, oui, je sais. Vous savez, si vous pourriez vous dispenser de m'envoyer mon arbre généalogique à la figure en me zigouillant, ce serait cool, merci ! Beaucoup plus classe.

Bingo ! Je l'ai distrait, il ne va pas user de sa queue articulée super puissante sur-le-champ.

Je me suis souvenue du récit que m'avait fait papa sur son combat contre le professeur Thorn. L'avantage était mince, mais c'était le seul dont je disposais : je connaissais les atouts de ces créatures. Donc, leurs faiblesses.

Avantage : j'étais bonne en esquive. Si je parvenais à l'occuper, ou à éviter ses dards, j'avais une chance minuscule de m'en sortir.

Inconvénient, notoire : je ne pouvais pas atteindre mon poignard, vu l'angle.

La prochaine fois, je le mettrai dans ma manche. Maman avait raison : privilégier le rapide et utile à l'originalité. Bon.

Comme toujours, sous pression, mes neurones se mirent à carburer au super en moins de deux.

Largeur de la pièce : douze mètres cinquante-sept. Disposition en T, avec allée centrale et les cabines. Lavabos sur la droite, tous alignés.

Problème : le manticore se tenait pile poil dans la trajectoire qui m'aurait permis d'atteindre les robinets. Trop rapide pour que je m'y risque sans me transformer illico en en-cas pour monstres.

Raté pour espérer s'en sortir à la méthode paternelle. En plus, je n'étais pas sûre que je ne serais pas tuée sur le coup, en gérant autant de masse liquide. J'etais moins puissante que lui sur ce terrain. Donc, exclu.

Ah oui, logique : il savait qui était mon père.

À cet instant, le manticore m'envoya un de ses dards.

Distance estimée du projectile : dix mètres. Non manipulable une fois expédié. Temps avant atteinte de l'objet visé : une seconde et trente centièmes. Angle entre prédateur et proie : quarante-cinq degrés environ, sur la gauche.

OK.

J'attendis, bien campée sur mes pieds. Une demi-seconde environ. Vis la forme pointue se diriger vers ma petite personne à une vitesse vertigineuse.

Et me décalai d'une dizaine de degrés sur la droite, dans un tout petit pas de côté. Juste à temps. Le dard transperça la porte de la cabine contre laquelle je m'étais tenue une seconde plus tôt. Des éclats de bois volèrent. Je me repliai sur moi-même, quasi couchée, la face contre le carrelage, faisant la morte.

Mon agresseur s'avança vers moi, très sûr de lui. Je ne le vis pas, mais je sentais vibrer le sol, sous moi.

C'est là que les choses se corsèrent.

J'avais escompté qu'il se pencherait. Ce qui m'aurait permis d'utiliser mon arme, que je m'étais préparée à choper, en me levant par surprise, me dépliant dans le mouvement de détente, et de l'embrocher.

Il fit plus simple.

Il me souleva de terre d'un mouvement brusque, serra mon cou entre ses deux affreuses paluches.