Chapitre 3 : Enfin dépassé !

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- Allez, ma toute belle, ne te relâche pas ! Go go, GO ! Si j'étais un monstre, je t'aurais déjà transpercée ! Allez, allez ! Donne-toi à fond ! Tu peux le faire, allez !

Et paf, et toc, et bim ! Le corps de mon père se déroba, esquiva habilement mes attaques, tandis que le mien ployait lamentablement sous les siennes.

Oh putain ! Qui aurait cru qu'il avait trente-huit ans et moi seize, dans ces instants ? Personne. Il me battait à plates coutures. A chaque fois.

Légèrement embarrassant !

Haletante, je l'observai se mouvoir avec une agilité que ne devaient pas posséder les pères de mes camardes, de loin.

Normal, vous me direz, lorsqu'on a passé son adolescence à combattre des créatures mythologiques pas franchement amicales.

Nous luttions avec des couteaux à lame de caoutchouc. Même si ce n'était pas son arme de prédilection, mon adversaire se débrouillait bien mieux que moi, je devais l'avouer. Il para mon estocade, je me raidis, en attente. Mes yeux cherchèrent les siens.

Et les trouvèrent simultanément à la sensation de légère piqûre qui titillait mon cou. Mon couteau tomba au sol avec un son mat, à peine perceptible.

Merde !

Il avait gagné.

Encore.

J'étouffai un grognement, me retirai de la partie.

Ça m'apprendrait à me lever à cinq heures du mat' pour m'entraîner, tiens !

Le regard de mon père se fit soucieux.

- Tu n'es pas assez forte, glissa-t-il entre ses dents. Pas assez entraînée. Tu devrais retourner à la Colonie, y faire un stage de perfectionnement à l'épée. J'enverrai un Ir-mail à Chiron.

Les bras m'en tombèrent sous le choc.

- Papa, tu sais très bien que je déteste y aller, depuis... tu sais. Et puis, le fait d'être ta fille ne m'aide pas non plus. Ils me regardent comme si j'étais une bête de foire, là-bas. Comme si je te ressemblais !

L'éclat de ses prunelles s'aviva, me clouant littéralement sur place.

- Mais tu me ressembles, Shell. Ton prénom le clame.

- Ouais, merci, je sais. T'avais besoin de me lier à ce point à toi ? Hein ?

Mon ton était accusateur, malgré moi.

D'un mouvement ample, je me rapprochai de lui. C'était drôle, je faisais presque sa taille, à présent. Il recula un peu, désarçonné.

Une chaleur nouvelle parcourut mes veines. Soudain, je me sentais plus sûre de moi, plus... libre. La rage, une rage cachée, dissimulée dans ma chair, au plus profond de mon être, se répandit en moi. Les sensations m'assaillirent avec une force nouvelle, qui aiguisa d'un coup mes cinq sens. Je n'eus pas besoin de vérifier pour savoir que mon couteau était situé très précisément cinquante-trois centimètres derrière mon pied gauche. Et que le sien se trouvait douze centimètres à sa droite, ma gauche à moi, là où il l'a laissé tomber après m'avoir vaincue, quelques secondes auparavant. Je perçus clairement sa respiration, un peu hachée, bien que la mienne couvrît tout. Je vis ses yeux s'écarquiller, sa bouche former un O de surprise lorsque la lame heurta son cou à son tour.

Enfin. Il est vaincu, enfin.

Ce fut à mon tour d'écarquiller les yeux lorsque je pris conscience que non seulement je le dominais, mais qu'en plus, non contente de cela, je tenais désormais les deux armes, la sienne comme la mienne, au creux de mes paumes, muées en poings.

J'étais au-dessus de lui, le spectacle de sa figure étonnée en plongée.

Sa voix ne fut que murmure lorsqu'il prononça mon prénom :

- Shell... comment as-tu...

- Je... je ne sais pas, papa. Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Tu... tu as foncé vers moi, j'ai paré, mais tu as contre-attaqué à ton tour. Tu avais l'air... tu avais l'air de savoir ce qui allait se produire, de connaître mes coups à l'avance. Surtout... tes yeux... regarde-les, Shell. Regarde-toi.

Intriguée, je me retournai vers la fenêtre. Mon propre reflet s'offrit à moi. Me heurta.

Et je restai pétrifiée, sans voix !

Mes iris... ils n'étaient plus de la couleur pers habituelle.

Non, ils étaient d'un vert marin. Clair. Flamboyant.

Entièrement.

Pour la première fois depuis longtemps, trop longtemps, un sourire, un vrai, étira mes lèvres. Le reflet en fit autant. Le mimétisme entre le père et la fille, éclata, dans toute sa splendeur. J'avais son sourire, le fameux sourire fauteur de troubles de Percy Jackson.

- Oui, je te ressembles, tu as raison. Mais il y a bien une chose dans laquelle je ne t'imiterai jamais.

- Laquelle ? fait-il d'un air interrogateur, perdu.

Je ris à sa tête.

- Le chemin de l'école buissonnière, p'pa ! Tu as vu l'heure ?!

Son rire m'accompagnait encore lorsque je claquai la porte.

Un frisson d'appréhension me secoua, sans raison particulière.

Qu'allait-il arriver, aujourd'hui ?

Marquée : Biographie d'un quart de déesse nommée Jackson (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant