Chapitre 4

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Andy était allongé sur son lit, les notes de son cours de chimie étalées sur la couverture, mais son attention se dispersait. Cela faisait dix minutes qu'il relisait la même formule, la même ligne de texte sans réellement capter les mots. Pourtant cette matière ne lui posait jamais problème, d'habitude. Pourquoi n'arrivait-il pas à se concentrer ?

Il le savait. Il ne voulait pas l'admettre. Vaincu, il finit par laisser tomber ses cours et se renversa sur le dos, les mains croisées sur son ventre, et fixa le plafond comme à chaque fois qu'une chose le tracassait.

Il pensa au nouveau, surnommé affectueusement Blondinet. En fait, Andy n'avait censé de le revoir en son for intérieur, à détailler la moindre parcelle de son corps : ses cheveux pâles, sa peau blanche au grain parfait et d'apparence soyeuse, ses doigts de pianiste, ses iris bleutés aux reflets métalliques, ses lèvres fines, ses épaules voûtées, sa chemise légèrement ouverte sur son long cou. Il s'en souvint bien. Trop bien même. Il ne comprit pas pourquoi cet élève envahissait autant ses songes, jusqu'à le détourner de ses révisions.

C'est parce que tu n'as pas beaucoup d'amis, se dit-il, alors quand tu remarques une personne inconnue au bataillon, à l'air aussi réservé que toi, tu te demandes s'il ne ferait pas un bon pote. Quelqu'un qui comprend ton introversion, la partage même. C'est tout.

C'est tout, se répéta-t-il. Ces mots le rassurèrent. Pendant un instant, Andy avait peur eu d'être...

Un violent claquement de porte l'arracha à ses rêveries. Il entendit la voix acerbe de Billie en bas des escaliers, celle plus douce de sa mère, puis des pas précipités. Encore une dispute ? Non, personne n'élevait le ton plus haut que l'autre.

Il entendit ensuite Billie rentrer dans sa chambre, attenante à celle d'Andy, et la verrouiller à double porte. Un son grinçant lui indiqua qu'elle s'effondrait sur son matelas. Quelques secondes plus tard, ce furent ses pleurs, étouffés dans l'oreiller, qui lui parvinrent. Merde. Billie était trop fière, ou vulnérable, pour sangloter à tout rompre, même seule. Il s'était passé un truc, ça ne faisait aucun doute.

Elle refusa de sortir de toute la soirée, de se nourrir et de parler. Quand Andy rejoignit ses parents pour le dîner, Billie pleurait toujours.

Au salon, Naomi afficha une mine inquiète. Elle ne toucha pratiquement pas à son assiette, nouée par l'angoisse.

— Qu'est-ce qu'elle a ? geignit-elle à son mari.

Keith haussa les épaules.

— Tu connais Billie. Elle ira mieux demain, laisse-la s'isoler un peu. Elle finira par nous dire pourquoi.

— Tout de même... Je n'aime pas la savoir dans cet état. Andy ?

Oh non. Il devinait très bien la suite de sa phrase.

— Tu pourrais aller la voir ? Elle sera peut-être plus conciliante avec toi.

Andy n'était pas d'accord, mais bien que ses relations avec Billie fussent distantes, il n'aimait pas non plus quand sa sœur s'effondrait en larmes.

Une fois la table débarrassée, il toqua à la porte de sa chambre. Aucune réponse.

— Billie ? Tu peux m'ouvrir ?

— Non ! cria-t-elle d'une voix chevrotante.

— S'il te plaît...

— FOUS-MOI LA PAIX !

Pas la peine d'insister. Sur ce point-là, Andy s'accordait avec son père : mieux valait attendre qu'elle se confie de son propre chef, ou au moins qu'elle ne soit plus en émoi. Andy abandonna les discussions et retourna dans sa propre chambre.

Break the chainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant