Chapitre 2

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Dès la sortie du bus, Billie extirpa une cigarette de sa poche et embrasa l'embout tout en imaginant écraser la braise incandescente sur le visage de son père. Elle le détestait quand il déballait son homophobie, surtout qu'il ne manquait jamais une occasion de le faire au beau milieu d'une discussion. Cela sonnait presque comme une provocation, un besoin de cracher son intolérance dans le seul but d'exaspérer. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait. Les moments où ils ne se disputaient pas se comptaient sur les doigts d'une main. Et sa mère qui ne disait rien, ça la rendait folle. Elle s'écrasait devant le mépris de son mari, comme une bonne épouse soumise.

Billie traversa la cour sans prêter attention aux regards curieux braqués en sa direction, ou plutôt sur sa cigarette. Elle n'était pas une fille spécialement populaire, son style vestimentaire à mi-chemin entre le grunge et le débraillé attisait parfois les moqueries, mais elle s'en fichait. Si ça ne leur plaisait pas c'était leur problème, pas le sien. Billie assumait ses goûts, ses choix, son apparence.

Elle rejoignit un groupe de filles réunies près d'une fontaine. L'une d'elles, en voyant Billie arriver, se détacha de la bande et trotta jusqu'à elle avec un sourire aux lèvres.

— Hé copine ! Comment ça va ? Tu sais qu'on n'a pas le droit de fumer dans l'enceinte du lycée ?

— Lâche-moi Cat, mon père m'a pris la tête.

— Encore ? Ça devient une habitude chez toi !

Catherine Brightland, dite Cat, était la meilleure amie de Billie depuis des années. Cette dernière l'admirait pour sa bonne humeur contagieuse que rien ne semblait altérer, jalousait sa peau noire dénuée d'imperfections et ses cheveux frisés qu'elle nouait avec des rubans, enviait sa façon d'être de manière générale. Cat n'avait jamais caché son homosexualité et son appartenance au mouvement féministe, quand bien même cela engendrait le dédain des autres. Son franc-parler et sa répartie cinglante dissuadaient les mauvaises langues de lui chercher des ennuis, une facette de sa personnalité qui fascinait Billie. Quand elle se sentait mal, Cat offrait toujours une oreille attentive et une épaule pour pleurer. Elle s'estimait chanceuse, et heureuse, d'entretenir une telle amitié.

Cat vouait également une véritable passion pour les motifs à pois. Aujourd'hui, elle portait un collant rose parsemé de gros points blancs, parfaitement assorti au ruban de sa tignasse noire, sous une jupe grise frôlant ses genoux ainsi qu'un tee-shirt rouge. Un look assez pimpant et flashy, tout ce que Billie adorait chez elle.

Les deux filles s'assirent au bord de la fontaine tout en guettant la présence de surveillants alentour.

— Alors, il s'est passé quoi cette fois-ci ? l'interrogea Cat.

Billie lâcha un soupir désabusé qui expulsa une fine fumée de sa bouche.

— Le mariage gay le perturbe et il ne s'est pas privé pour le faire savoir à tout le monde. Il a l'esprit tellement étriqué ! Je suis partie avant que ça dégénère.

— Il a dit quoi exactement ?

— Que ça n'était pas naturel et que les pauvres enfants allaient en être perturbés. Des grosses conneries quoi.

Cat ricana.

— C'est une sale manie d'impliquer les gosses pour défendre ses idées crasseuses, alors que leur apprendre la tolérance serait tellement plus efficace !

La sonnerie du lycée retentit à ce moment-là et aussitôt, le flot d'élèves se dirigea à l'intérieur des bâtiments avec plus ou moins d'entrain. Billie tira une dernière bouffée, puis écrasa la cigarette sous sa chaussure.

Break the chainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant