18- Retour.

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Heureuse.

Heureuse.

Heureuse.

Ce mot ne quitte plus mon esprit.
Je ne suis pas heureuse et je ne l'ai jamais été.
Et ce n'est pas demain que je vais le devenir puisque la situation dans laquelle je me trouve ne me permet même pas de me poser la question. Et j'en viens à me rendre compte que je n'ai jamais prononcé ce mot à voix haute.
Je l'ai déjà entendue de la bouche des gens qui marchent dans la rue, main dans la main, mais moi, il n'est jamais sorti de ma bouche.

Je suis heureuse.
Non, je ne suis qu'une âme perdue abîmée par la vie qui attend la fin de cet épisode.

— Tu vas retourner poser ton cul dans le fauteuil et bouffer ta part de gâteau d'accord.

Je me mute dans le silence, la seule réponse qu'il obtient, c'est un hochement de tête.
Il finit de nettoyer mes mains et se place derrière moi, signe que je dois avancer.

Je retourne m'asseoir, le regard uniquement posé sur mes genoux. Mes yeux doivent être rouges à force d'avoir pleuré, mais le plus dur reste de ravaler mes larmes. Vous savez la sensation d'avoir une boule acide coincée dans la gorge.

— Mange. M'ordonne-t-il.

Je secoue la tête négativement.
Je ne veux pas manger.

Tu as faim...

Maman m'a dit que je serai plus jolie.

— Mange sinon je vais te faire manger et crois moi que tu n'as pas du tout envie.

D'une main tremblante, j'attrape la cuillère et coupe un morceau. J'observe ce gâteau comme si c'était un ennemi, mon ennemi.

Je ne peux pas manger.
Je ne peux pas manger.

— Lève-toi.

Le ton sec qu'il a employé me fait angoisser.
Je me lève et l'attends sans contester.

— Va dans la pièce du fond. Rajoute-t-il.

J'exécute encore une fois sans prononcer un mot.

La peur au ventre, j'avance difficilement et entre dans une pièce qui m'a l'air énorme. Je ne savais même pas que c'était possible d'avoir ça dans un avion.
Cet endroit s'apparente étrangement à un salon.
Les fauteuils en cuir noir remplis de coussins ne donnent qu'une envie, s'allonger dessus.
La table qui sépare les sièges est semblable à du marbre. J'avance et du bout des doigts, j'effleure cette matière qui instinctivement, fait dresser l'entièreté de mes poils. C'est tellement froid, comme la mort, mais à la fois, tellement pur comme la renaissance.
Je retire ma main et reste plantée là, stoïque, les bras pendant le long de mon corps à attendre qu'il revienne.

Je ne sais même pas pourquoi il m'a demandé de venir ici alors que depuis le début, je suis assise avec eux...

Tu sais pourquoi.
Il te l'a dit, tous les hommes sont comme ça.
Il ne fait pas exception à la règle.

— Ne reste pas debout comme une idiote et assieds-toi.

Sa voix me fait sursauter.
Je ferme les yeux afin de reprendre mes esprits et ose enfin bouger.
Quand je me retourne, je vois qu'il tient dans sa main l'assiette avec la part de gâteau.
Il la pose sur la table et ferme la porte.

Mauvais souvenirs...

Il s'assoit, met ses mains dans les poches et je profite pour en faire de même.

Pourrais-je te sauver ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant