3 - Les hurlements

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 Des murmures me sortirent de ma léthargie. J'avais la sensation étrange d'être allongé sur un matelas confortable. Mes paupières étaient encore lourdes, je les ouvris lentement. Le docteur Kang et le geôlier étaient de dos et discutaient. Je commençai à percevoir chaque mot.

— Heureusement que l'autre con s'est égosillé, sans ça on aurait perdu un joli minois, s'amusa le maton.

— Décidément, tu es plus fou que nos détenus. Mais te rendus-tu compte des problèmes qu'on aurait u ? Quand je t'ai demandé de lui donner une leçon, je ne m'attendais pas à ce que tu le mettes dans un tel état.

— Oui, mais je lui ai asséné que quelques coups de pied. Il est vraiment fragile, affirma-t-il.

— Tu dis quelques coups de pied ? Il a quatre cottes casés et tu as bien failli lui exploser la rate. Imbécile ! s'emporta le docteur Kang en se retournant.

Je closis mes paupières aussi sec et diminuai ma respiration dans le but qu'ils croient que je dormais encore. C'était peut-être ma seule chance de m'enfuir d'ici. Je sentis le poids du regard du médecin sur moi.

— Avec ce que tu lui as mis, je doute qu'il se réveille d'aussitôt. Vient, je te paye un café, l'invita le docteur Kang.

Ils partirent de la pièce et refermèrent la porte derrière eux, elle se verrouilla immédiatement. Merde, il faut une carte magnétique, m'agaçai-je. Je cherchai à bouger, mais mes pieds et mes mains étaient sanglés. Ils avaient pensé à tout... Je me débattis pour me libérer, sans le moindre espoir, j'étais solidement attaché. Je gesticulai les bras et les jambes dans tout les sens. Résigné, j'abandonnai peu à peu.

Je me remémorai leurs dires. Je devais mon existence au matricule 1998 ?  Si tel était le cas, je le remercierais la prochaine fois. Ce malade m'avait brisé les os et un de mes organes vitaux avait presque explosé. 1998 avait raison, ils étaient dangereux. Je me méfierais d'eux à l'avenir. Mon ventre me faisait souffrir, la blessure était lancinante. J'entendis des bruits dans le couloir, je fermai les yeux. La porte s'entrouvrit et quelqu'un rentra.

— Inutile de faire semblant de dormir, tu n'es vraiment pas doué pour ça.

Je le regardai, surpris. Le docteur Kang gloussa et leva les sourcils.

— Tu te sens mieux ?

— Disons que mes cottes sont douloureuses et que je suis maintenu aux matelas. Mis à part ça, tout va bien, lançai-je froidement.

— Je vois que tu n'as pas perdu ton mordant. Demain, je commencerai les analyses sur toi. Donc sois sage et repose-toi.

— Vous n'allez pas me détacher ? demandai-je.

— Ne rêve pas !

Il sortit, en me laissant ainsi. Je n'en revenais pas et me souvenais de ses propos; on allait m'étudier. Je fixai le plafond, quand les lumières s'éteignirent. Des questions martelèrent mon esprit. Ils n'avaient pas trouvé mon altérité dans mon sang ? Et comment cela était-il possible ? Nos défauts devaient se voir dans nos gènes, je ne savais quoi en penser, si mon imperfection ne se décelait pas. Était-ce parce que j'étais spécial ? Mais à quel point ?  La fatigue me gagna et je m'endormis la tête pleine d'interrogation.

Au petit matin, ma vessie me réveilla. Une envie folle de me soulageait s'empara de moi. Il n'y avait personne dans la pièce. Je ne pouvais pas atteindre la sonnette pour appeler quelqu'un. Qu'allais-je faire ?  Des bruits de pas dans le couloir me laissèrent envisager une aide-salvatrice. Le docteur Kang entra, tout sourire.

— Par pitié d'attachez-moi, je ne peux plus me retenir.

— Ça tombe bien, je dois analyser tes urines, se réjouit-il.

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