Les fêtes de fin d'année scolaire sont toujours teintées d'un mélange de mélancolie et de soif d'aventure. C'est encore plus vrai lorsqu'on termine le lycée. Au cours de l'après-midi, j'avais passé mon dernier examen de l'année. J'étais l'une des dernières à passer le grand oral. Et me voilà à la première soirée célébrant la fin des cours, la fin du lycée, la fin de l'adolescence en quelque sorte, peut-être même la fin de l'innocence.
On s'était tous cotisé pour louer une salle des fêtes et passer une soirée inoubliable. L'alcool coulait à flot et quelques drogues circulaient discrètement. Plusieurs classes de terminale de mon lycée étaient présentes, plusieurs têtes que je ne connaissais pas, des gens plus âgées ayant terminé le lycée depuis quelques années, des personnes plus jeunes et certaines venant d'autres lycées.
Je déposai mon casque de moto dans un coin de la cuisine où quelques-uns s'activaient à cuisiner des pâtes. Je saluai quelques connaissances avant de retrouver mes camarades de classes. Célia, la bouche déjà accrochée à celle d'Alexis, me fit un signe discret de la main. Ces deux-là étaient tellement accrochés l'un à l'autre qu'on en était venu à se demander s'ils n'avaient pas passé les examens comme une seule et unique personne. Tous les deux pourraient facilement rejoindre une agence de mannequins. Il mesurait plus d'un mètre quatre-vingt, elle n'était pas beaucoup plus petite que lui. Elle avait un corps élancé, une peau brune, de grands yeux verts et portait de longues tresses qui suivaient la courbe de son crâne. Il avait une silhouette sculptée par des années d'athlétismes, des yeux noisette mis en valeur par son bronzage durement acquis par des heures à courir au soleil. Ses cheveux châtains légèrement bouclés étaient mi-long et n'arrêtaient pas de lui tomber devant les yeux. Il portait un petit anneau argenté sur l'oreille gauche ce qui lui donnait un air de mauvais garçons qu'il aimait particulièrement entretenir. Ce couple, qui s'était formé quelques jours avant le début des examens, semblait plus mature et plus vieux que la plupart d'entre nous. Oscars, par exemple, était plus à l'image des lycéens modernes, rien à voir avec les gravures de modes qu'on nous montre dans les séries américaines. Il était bien trop petit, selon lui, malgré son mètre soixante-dix, une musculature inexistante, de grandes dents éclipsées par les lunettes dont il ne pouvait se passer et des cheveux frisés noirs et indomptables. Avec Asa, Brenden, Jenna, Karine et Marius, ils formaient les amis très écliptiques que je m'étais fait au cours de mes années lycées. Dans moins de deux mois, nous allions tous partir aux quatre coins de la France, de l'Europe, du monde pour nous lancer dans une nouvelle vie. Je savais qu'on ne resterait pas pour toujours ce groupe d'amis aimant se taquiner, mais j'ignorais à partir de quel moment allions-nous tourner la page et nous oublier les uns les autres.
Ce n'était pas le bon moment pour penser à cela, c'était celui de faire la fête, de nous enivrer, de profiter. On me tendit un verre déjà plein et on trinqua à la fin de ce foutu lycée. La boisson d'un rose pâle avait des relents de vodka, je grimaçai tant l'alcool me burla la gorge.
Le lycée n'avait pas toujours été une partie de plaisir pour moi, déjà parce que ma meilleure amie, Hortense avait déménagé juste avant le début de la seconde, mais aussi parce que j'avais un peu été forcé à faire mon coming-out. Même si la plupart des gens s'étaient montrés compatissants ou s'en moquaient complètement, quelques-uns m'avaient mené la vie dure.
Ce petit groupe était accueillant et je n'avais pas eu de mal à y trouver ma place. Même si je n'avais pas construit de relations indéfectibles avec aucun d'eux, j'étais heureuse d'avoir partagé une partie de ma vie avec eux. J'espérais les fréquenter encore plusieurs années, mais j'en doutais.
L'ambiance de la soirée était aux souvenirs, on partageait nos anecdotes sur le lycée comme si on l'avait quitté depuis des années, alors qu'on y était encore quelques heures plus tôt.
Alors que je buvais une nouvelle gorgée de ma boisson que j'avais arrosée d'une bonne dose de jus de fruit, Brenden me donna un coup de coude pour que je jette un œil à celle qui venait d'arriver :
— Regarde Wilo, Lorlea arrive enfin. Je te le dis, ce soir, elle m'embrasse.
Je devais avouer que j'étais du même avis que Brenden, Lorlea, qu'on appelait parfois Lor ou Lea, ne me laissait pas indifférente avec sa silhouette élancée. Elle était presqu'aussi grande que Célia, avait de longs cheveux d'un roux cuivré qu'elle disait naturelle et de grands yeux en amande. Elle avait débarqué dans notre classe deux mois après le début de la terminale après s'être fait virer de son ancien établissement. Cela avait fait grand bruit, lançant différentes rumeurs sur son compte, les plus farfelus les unes que les autres. Célia était la première à s'être tourné vers elle, en lui proposant de faire de se joindre à elle pour un travail de groupe. Puis elle avait plusieurs fois déjeuner avec nous et elle participa à une première soirée. C'était au cours de cette première fête que je lui avais réellement parlé, enfin c'était plutôt elle qui m'avait abordé, je n'ai jamais été de ceux qui vont naturellement vers les autres. Elle m'avait semblé particulièrement excentrique, mais cette première impression c'était peu à peu estompé. Au fur et à mesure que j'apprenais à la connaitre, je compris que ce n'était qu'une façade qu'elle entretenait volontiers.
Lorlea nous rejoignit non sans s'être arrêtée pour saluer les gens qui la hélaient. Son arrivée au lycée comme à cette soirée faisait grand bruit, certains se comportant avec elle comme si elle était une célébrité. Tous complimentèrent sa tenue qui n'était qu'un t-shirt blanc un peu large coincé dans un jeans taille haute d'un bleu usé.
— Je commençais à m'impatienter, dit Brenden pour l'accueillir.
— Pourquoi ? On avait pas rendez-vous, taquina Lorlea.
Brenden disait à qui voulait l'entendre qu'il était fou amoureux de Lorlea et qu'un beau jour il l'épouserai. Elle le trouvait amusant, mais ne lui donnait aucun crédit, le rejetant à chaque fois qu'il lui demandait d'être sa petite-amie. Il ne se laissait pas abattre pour autant, notamment parce que cette situation le rendait particulièrement attirant auprès de la gent féminine qui voulait panser ses blessures. Et puis il avait beaucoup plus de succès depuis qu'il était passé chez une bonne dermato et qu'il avait retiré son appareil dentaire. Il était aussi grand que Célia, le corps maigre comme une allumette, mais ce qui faisait le plus grand de son charme était son grand sourire et ses fossettes généreuses. Elles éclipsaient les deux billes marrons qui lui servaient d'yeux et son nez patate.
Malgré la cours qu'il s'obstinait à lui faire, Lorlea ne lui avait jamais laissé sa chance. D'après ses dires, il était mignon et gentil, mais elle ne le pensait pas à la hauteur pour être son petit ami. Leur relation était un véritable spectacle, une série que j'appréciais suivre. Parfois, je me disais qu'elle se refusait à lui parce qu'elle était lesbienne, mais quand elle nous parla de son ex petit copain, la désillusion me peina. Brenden, de son côté, ne voulait pas lâcher l'affaire, il était persuadé qu'un jour ou l'autre il sortirait avec elle, ou du moins qu'elle finirait par l'embrasser. Je ne savais pas si je devais le plaindre ou l'admirer pour cela.
En ce début de soirée, je ne savais pas encore ce que nous réservait la nuit, mais j'étais persuadée qu'elle allait être mémorable.

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Ces Dernières Vacances
Любовные романыWilo vient de terminer le lycée et compte bien profiter des vacances avant de débuter la fac pour se rapprocher de Lorlea.