Le meurtre du manoir de Wavescliff's ( les enquêtes de Victoria Williams T-1 )

- 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 - Ⅱ

Le manoir de Wavescliff se dresse majestueusement , surplombant la falaise de toute sa hauteur. La demeure parait si grande qu'elle me donne l'impression de toucher les nuages grisâtres. Même si ses murs en pierre semblent avoir vécus des jours meilleurs , l'imposante bâtisse domine ce paysage d'une beauté brute.

Je sors a la hâte de la calèche, le vent froid me fouette le visage et emmêle mes cheveux. Les pans de ma robe se soulèvent à cause des bourrasques de vent qui glacent mes chevilles et font rougir mes joues. Je m'approche du muret en pierre qui me sépare de la plage. La marrée est haute et les vagues se cassent violemment contre la falaise. Ma mère me crit de me dépêcher , j'entends à peine sa voix a cause du rugissement des vagues . A regret, je quitte ce tableau sauvage et me dirige vers le perron du manoir, où ma mère m'attend, elle retient avec difficulté son chapeau qui menace de s'envoler.

Ma mère frappe le grand heurtoir à tête d'ours contre la porte. L'absence de sonnette m'interpelle , ce manoir devait être assez ancien. L'immense porte s'ouvre sur un domestique aux traits coupés à la serpe et au visage anguleux. Il nous toise et nous ouvre la porte , nous faisant signe d'entrer. Je précède ma mère et entre dans le hall.

Il est magnifique , un tapis rouge bordeaux couvre le vieux parquet en bois et mène a un double escalier qui conduit l'étage. Au plafond, un grand lustre en cristal projette une lumière douce et diffuse , les bougeoirs accrochés aux murs accentuant cette lumière. Aux fenêtres, sont accrochés des rideaux de satin de la même teinte que le tapis. L'ensemble dégage une ambiance chaleureuse. Je hume l'air, une délicieuse odeur de rôti flotte dans l'air laissant présager le diner. Le domestique prend alors la parole :

- Mesdames , je vous prie de me suivre à l étage afin que je puisse vous montrer vos chambres. J 'y déposerai alors vos quelques bagages dit il de sa voix monocorde et lente.

Nous le suivons et gravissons les marches du grand escalier. Arrivées à l'étage, nous traversons un grand corridor avant d'arriver à deux portes qui se trouvent l'une en face de l'autre. Le majordome nous indique celle de droite :

- Celle ci sera pour vous Madame Williams , et celle de gauche pour votre fille dit il en s'adressant a ma mère. Le diner aura lieux à 19h , je viendrais vous conduire au salon . Appelez moi si vous avez le moindre besoin.
Je vous monte vos baguages dans un instant.

Puis, il s'incline légèrement , tourne les talons et disparait dans les escaliers.

- Victoria , tache de ne pas être en retard pour manger je te prie. Il serait dommage que tu fasses mauvaise impression auprès de ce cher Louis dit ma mère au moment même ou le domestique est hors de vue.

Louis Delacroix était le propriétaire du manoir et une bonne connaissance de ma mère. Je ne l'avais jamais rencontré mais étant un ami de ma génitrice il devait être aussi ennuyant qu'elle. Sûrement encore un aristocrate hautain , passant son temps à lire le journal et à discuter de politique ou de l'état économique du pays. J'avais aussi entendu dire qu'il était veuf , sa bien aimée apparemment emportée par la tuberculose.

Je hoche docilement la tête , davantage pour faire plaisir à ma mère qu'autre chose puis je décide d'entrer dans ce qui sera ma chambre pour les prochains jours . Le vieux parquet ciré grince un peu sous mon poids.

Toute la décoration est dans le style Victorien ; les murs sont recouverts d'un papier peint jaunâtre qui rappelle la couleur de certains coussins reposant sur le grand lit à baldaquins. Au bout du lit , une méridienne verte pâle fait face à deux fauteuils en velours blancs . A droite du lit se trouve une table de nuit blanche qui repose sur un tapis à motifs floral . En face de la table de nuit, une coiffeuse couleur crème avec de magnifiques finitions dorées, reflète la lumière de la grande baie vitré a sa gauche. Je m'approche de la fenêtre , la vue est magnifique, elle donne directement sur la plage. Certains murs sont agrémentés de tableaux aux cadres ambrés, montrant des paysages maritimes et de lampes murales qui donnent une lumière tamisée . Au plafond, un lustre moins imposant que celui de hall complète la pièce.