XXIV. Et Si Même Les Anges...

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Elles étaient là, face à face, une jeune femme au sang froid comme la glace face à une créature tout droit sortant des mythes, corrompue par un chaos endémique. Nul ne savait ce que la statue lui avait fait mais tous pouvaient en constater le résultat, y compris Lenora.
Un liquide horrible et noirâtre sortait des yeux de la créature légendaire, elle semblait de toute parts rongée par des bestioles délétères, couleur chair, agglutinées sur sa peau, source de tous ses maux, la parasitant activement, modifiant jusqu'à ses actes et ses airs. En un souffle sans dire mot depuis le ciel, elle fondit sur la soldate, une vision éreintante par cette nuit écarlate.
Par bon réflexe, Lenora sur le côté s'était jetée, car si elle n'avait pas eu cette merveilleuse idée, au lieu d'elle il ne s'agirait que d'un cadavre qui à sa place au sol gésirait. La magnifique lance de l'ange se planta dans le sol avec une force si étonnante et divine, semblait coincée, nul doute que dix mille ou centaine de milliers de soldats normaux ne pourraient point la retirer.
Et pourtant, Ashariel l'arracha du sol, provoquant presque un séisme de grande ampleur, Lenora les oreilles en pleurs tomba sur le sol, déséquilibrée et par ses sens attaqués et par ces secousses éparses qui en résultèrent. Là, assise sur la terre remuée, Lenora paraissait si fragile, si vulnérable, l'ange projeta sa lance sur elle dans une secousse infernale, la jeune femme ne parvint qu'à sa boîte remonter, encaissa la lance qui au travers d'elle passa, elle perdit la vie encore une fois, comme lorsque égorgée par la comtesse Kalendra.
Décidément pour elle les décès étaient de plus en plus rapides et imminents, heureusement que cette mélodie se trouvait entre ses mains et pas entre celles de l'un de ceux qui avec le chaos avait joint leur destin. C'était en bête sauvage sans cœur que l'ange corrompue réagissait, l'emprise de ces créatures de chair la desservait, leur vision démoralisait la jeune femme sur qui déjà une vague de désespoir déferlait, mais comment s'en défaire ? Les anges eux même n'avaient pu rien faire face à cet enfer.
Elle n'espérait pas même pouvoir défaire les parasites qui la contrôlaient, en nombre ils agissaient et déjà survivre était un défi qui plus la concernait.
Comment la jeune femme était-elle encore en vie et trouvait-elle encore l'envie ? Dans une horreur et un cauchemar auxquels même un ange ne survit, comment la lumière chez elle face à l'ombre encore subsistait au lieu de se laisser tomber comme cette chère Melody ?
Question non-répondue qui même à personne n'était due, elle combattait vaillamment, sans ressentiments autres que la colère, car cette allégorie n'eut pu que décevoir Sœur Melody, victime d'une désillusion hors catégorie.

Lenora n'avait plus besoin que la vie aille dans son sens, plus envie de s'en remettre au destin et ses instances, plus que tout son désir de subsister restait intense. La jeune femme n'attendait déjà plus que personne ne vienne à son secours, son esprit son âme et corps en dernier recours.
La lance de l'ange et ses lames s'entrechoquaient, la lance le poison, ses lames comme antidote et même panacée, pour le chaos et ses maux on aurait dit qu'elle n'en avait pas assez. Il n'en était rien mais personne d'autre ne tenait à ce point à rester ici, à rester en vie, continuer cette nuit qui lui nuit, affronter en nuées les ennuis, de courage son esprit était enduit, comme s'il ne pouvait cesser de croire en lui.
Ashariel recula finalement, bien affaiblie, des monstres horribles et ignobles la grignotaient, ce qui avait pour effet et cela était peu dire, de faire remarquer à Lenora il était vrai, que l'agressivité et la ténacité de l'ange s'amoindrissaient. Ainsi les créatures, ces immondes pourritures, contrôlaient leurs victimes pendant qu'elles les consommaient, compromettaient leur propre nourriture et les sommaient de se laisser dévorer sans trop pouvoir leur résister, les regarder, la jeune femme aurait préféré s'en désister. Elle ne put que réaliser qu'elles ressemblaient, il lui semblait, aux infâmes tas de chair qui envahissaient les armures dans les couloirs du château, ceux qu'elle avait dû fuir sans se retourner. Ses yeux étaient rivés sur ces protubérances de chair qui dévoraient la peau d'Ashariel, se couvrant la bouche de dégoût, elle n'aurait pas dit non à un peu d'air pur...
Elle n'était pas insolente cette pensée désolante, cette pitié que Lenora ressentait aurait pu paraître étroite ou violente à l'esprit, dans cette situation, ce cas très particulier, pauvre ange anciennement saint qui s'il ne s'était pas trouvé sur le chemin de cette statue démoniaque qui sur lui avait usé de si viles manœuvres, immondice qui, on se doutait doucement avait très immanquablement changé le destin écrit d'une figure du bien si droite et accomplie en final des plus maudits.
Une dimension étrange avait fait son nid, improbable et incongrue, une humaine si simple était triste et prise au dépourvu. Elle ressentait finalement une forme de compassion pour une créature mythique, de légende qui pour avoir sous-estimé le mal en payait le prix.
Ses lames et la lance de l'ange eurent un dernier échange, s'entrechoquèrent dernière fois, pensée étrange étant donné que ce n'était point la fin du combat. Se retournant après le coup, de fines plumes de sang souillées, vinrent virevolter, Lenora eut du mal à s'en détacher, regard insistant et figé, elle ressentit ralenti, vision singulière sans qui le combat aurait sûrement bientôt pris fin et à un résultat abouti.
Les fines plumes dans les airs se mirent à ralentir, et le sang vint à noircir, tandis que le reste devint encore plus immaculé, c'était ainsi, chose qu'elle avait déjà vu, les couleurs était en train de se ternir, elle pouvait presque entendre les secondes s'espacer, n'était-ce pas assez ? Ce n'était pas si étranger, elle l'avait déjà vécu une fois bien sûr, seulement ce n'était qu'une vil et mauvais augure.
Ashariel, dans ses yeux noirs n'avait même plus d'étincelle, droite, figée, rigide, pétrifiée, bien qu'elle ne voulait pas si fier, les plumes avaient cessé leur vrilles et maintenant suspendues dans le vent, comme si s'était arrêté le temps, ce triste sentiment, Lenora sans mentir, n'en voulait plus, de cette mélancolie et tristesse déjà vue.
C'était là, à cet instant précis, que ses pensées reprirent le cours des événements, Melody pauvre fille du clocher s'était jetée, jusqu'à le moindre os de son corps devait s'être brisé, comme avec Soledad c'est un triste spectre ce faisant qu'elle avait appelé.
Elle ne tarda plus à voir le brouillard se lever, la fumée noire s'élever, croire ces relevés que ses sens lui indiquaient, cette peur inchangée, d'un bien réel danger, la mort avait l'occasion d'encore une fois se venger, de son âme manger, bien qu'elle ne soit guère enjouée, déjà par maintes fois Lenora trouvait toujours moyen de s'échapper, d'en réchapper.
La jeune soldate terrifiée en voyant derrière elle la silhouette s'approcher, courut comme une dératée, ignorant tout ce qui précédemment sur son chemin se trouvait, passant même devant le monstre qui plus tôt de sa lance la menaçait.
Car maintenant tout était sur place figé, même créature mythique ne pouvait plus interférer, c'était jeune soldate ou la mort, sur elle la mort son dévolu avait jeté, ainsi c'était son destin en était jeté.
La pauvre Lenora courait, enchaînait les foulées, mais jeune soldate flouée, se rendit compte qu'ici il était bien plus dur de s'échapper...
Slinkers Grove n'était qu'un petit bosquet à monter, les rues étaient en zig-zags sinueux et incessants, ça et la passant, au dessus d'un des affluents du fleuve en maints et mignonnets petit ponts, rien de quoi distancer une ombre qui se déplaçait comme raz de marée, pas de ruelles à emprunter, ni d'intersections auxquelles tourner, pas la moindre chose même à contourner, dans ces conditions fuir et s'en échapper comme est-ce qu'elle le pourrait ?
Elle réussit un temps, pas l'un après l'autre tenant bon, passant pont, après pont, après pont, nuage noir à ses trousses, la pauvre pleine de frousse, arriva sur une place, si grande, sur laquelle trônant immense monument, sorte de fontaine de pierre sculptée, dont elle aurait trouvé les sculptures magnifiques dans un cadre plus propice et plus ensoleillé que cette nuit infame dans ces couleurs ensommeillées, où même le temps avait perdu motivation pour s'écouler.
Elle s'en approcha intriguée mais n'eut le temps de plus longtemps s'éparpiller quand son funeste poursuivant vint à la trouver. Faite comme un rat, elle n'osait à peine bouger, elle voyait la fumée prendre de l'ampleur, s'évaporer sans jamais arriver à distinguer ce qui à l'intérieur se cachait.
Celle-ci avançait doucement, Lenora en réponse main sur la lame rengainée, ne faisait qu'un petit pas derrière l'autre, elle était si effrayée, ne serait-ce que l'idée de voir l'ombre chemin jusqu'à son contact se frayer.
D'un coup quelque chose ses jambes vinrent choquer, le bord de l'immense fontaine de pierre, elle y était collée, l'ombre s'arrêta d'un coup comme intimidée, Lenora ne comprit pas ce qu'il se passait.
Soudain vint un à-coup l'ombre tenta de se jeter sur elle, jeune femme terrifiée tenta brusquement de reculer, elle bascula et tomba dans l'eau sans crier gare. La pauvre fille, le regard hagard, si effrayée de cette situation, voyait l'ombre de l'autre côté au-dessus de l'eau, elle semblait ne pouvoir s'y plonger, Lenora elle-même si horrifiée se rendit compte que l'eau était assez profonde pour s'y noyer.
Cela la fit paniquer, elle qui avait battu maints monstres ignobles, tremblait à l'idée de s'être même par erreur immergée, la malheureuse ne savait pas nager.
Alors ses nerfs prirent le dessus, paniquée, elle se mit dans tous les sens à gesticuler, elle se sentait si effrayée mais aussi ridicule et honteuse. Elle parvint finalement à remonter, en revenant à la surface tout s'était arrêté.
Les couleurs étaient revenues, tout s'était calmé, elle était juste là, au bord agrippée, glacée et trempée. Elle sortit et prit du temps pour se remettre, mais encore une fois force était de constater qu'une fois chose faite, elle s'était débarrassée encore une fois de cette ombre qui d'elle semblait obsédée, à la mort elle avait encore manqué à accéder, ne lui avait rien cédé.
Plus tard, Épuisée par les coups échangés et sa fuite délibérée, sentant les picotements des flammes pourpre de l'une de ses épées, maintenant le feu se propageait lentement mais sûrement jusqu'à son poignet.
Sans même plus longtemps se reposer bien qu'exténuée, elle se remit à marcher, en chemin vers les réponses à ses questions désespérées, avec tout ça elle en avait même oublié, l'ange contre qui elle s'était démenée.
Jeune femme fatiguée, chemin faisant, son périple continuant, en mémoire les âmes de ses amis qui avaient périt, et si au cours d'extraordinaires et déroutantes péripéties, l'un ou l'une d'entre eux s'en était sorti en vie.
Elle n'était même pas si exigeante, un simple ami d'un ami ou d'anciennes connaissances même si avec lesquelles elle serait en mésentente, elle n'était plus regardante. Juste un visage familier, qu'homme ou femme il y ait, ne serait-ce qu'un seul, pas un millier, une personne que sa mémoire ait un beau jour enregistré.
Son souhait fut à demi exaucé, quand au début d'une ruelle menant à la fin du quartier, c'est la petite Idella qu'elle finit par croiser.
Lenora de prime abord fut choquée, elle lui paraissait plus expérimentée mais semblait aussi changée, plus de candeur chez la jeune fille aux tâches de rousseur. Son visage plus sombre désormais, était bien plus triste maintenant, alors qu'auparavant il rayonnait, comme ses cheveux frisés blonds comme les blés.

—Oh! Mais je vous connais ! Commença-t-elle, Ses yeux s'illuminèrent, comme si la joie de vivre qui semblait l'avoir quittée venait de refaire surface de plus belle.

Our Last LightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant