Point de vue: La VueEre : Présent (1mois avant la rencontre)
Lieu : Blackbell, Intadyos.
Le vent sifflait si fort qu'il semblait fuir quelque chose. Si vite qu'il donnait l'impression de hurler, il s'étendit dans les rues, même les plus sombres de Blackbell. La lune s'en allait pour laisser place à son vieil ami le soleil, qui arrivait avec grâce et force sur les Terres de Faelyre. Les fines traînées de soleil passèrent à travers la fenêtre, éclairant la pièce où se trouvait la femme. Nichée entre ses draps chauds et doux, elle fixait le ciel qui s'éclaircissait au fur et à mesure que le temps passait. Son père était le premier à sortir ce matin, il y a deux heures encore. Il n'avait fait aucun bruit comme à son habitude afin d'éviter de déranger les trois femmes qui vivaient sous ce toit. S'en suivit le départ de sa mère, qui se rendait dans son atelier de tissage ; les livraisons étaient toujours très matinales, mais peu importe, elle adorait recevoir de nouveaux tissus. Sa sœur Cliya devait encore être en train de dormir. Allez debout, pensa-t-elle vaguement tout en se levant. Elle ouvrit sa fenêtre afin de pouvoir ressentir la force du vent ; c'était sûrement une belle matinée qui s'annonçait. Le vent fort était souvent le signe d'un bon présage à Faelyre.
Descendant tranquillement les escaliers, elle fit un tour dans la pièce principale. La hauteur du plafond, encerclé par des vitres, permettait de faire entrer toute la lumière du jour qui arrivait lentement. Un siège en rotin était marqué par le corps de sa mère qui était là plus tôt ; cette dernière avait laissé le son mélodieux d'une harpe, qu'elle avait mis tant de jours à accorder avec des ficelles ensorcelées par un mage, pour qu'elles puissent jouer toute seule. Irenys ordonna à l'instrument de se taire avant de prendre un fruit et de le manger dans l'espoir de trouver de l'énergie.
Sa préparation fut rapide ; il lui suffit d'attacher ses cheveux en un chignon et d'enfiler sa capuche bleu afin de cacher le plus possible son visage. Lorsqu'elle franchit le seuil de la porte qui la séparait de la ville, une silhouette floue se rua sur elle sans qu'elle ne puisse réagir. Elle n'eut pas le temps de cligner des yeux, qu'il suffit d'un battement pour sentir sa joue racler le mur de sa propre maison. Par instinct, elle ferma ses paupières et espéra que cette mauvaise action dure qu'un instant. Qu'est-ce qui se passait ?
Son deuxième souffle parut plus brusque et plus court lorsqu'elle sentit le manche d'une épée se creuser dans sa côte. Elle ravala son cri ; hurler révèlerait qu'elle avait besoin d'aide, or sa conscience lui rappelait sans cesse qu'elle n'avait besoin de personne. Et puis, il n'y avait personne pour m'aider. La femme comprit qu'il était question de deux hommes autour d'elle ; l'un la tenait immobile contre la roche, l'autre s'amusait curieusement à la battre. Il venait sûrement de lui fracturer au moins deux os, la douleur était intense. Atroce.
Néanmoins, lorsqu'elle eut le courage d'ouvrir à nouveau ses yeux, elle vit deux étranges silhouettes, similaires à celles de ses assaillants, tirer son corps vers l'arrière. Le mur n'était pas assez ? Sa vision redevint normal, puis sa raison reprit possession de ses pensées ; une adrénaline nouvelle ravivait son sang, ses muscles, son être tout entier. Les formes disparurent et c'était à elle d'agir, avant eux. Elle pivota vers l'homme qui tenait en otage sa chevelure et malgré la douleur de ses racines qui tiraient, elle agrippa son poignet et le tordit de toutes ses forces. L'homme eut à peine le temps de lâcher un juron qu'elle recula à plusieurs mètres en arrière. Elle se redressa et nettoya d'un geste vif avec le manche de son haut le sang qui coulait à flot contre sa joue. Ils étaient dos à sa porte, sa seule issue était de fuir vers la place publique ou de les confronter, ici.
En les observant attentivement, elle comprit qu'ils étaient tous deux de la garde du roi avec leurs armures ; c'était la première fois qu'ils s'en prenaient à elle. D'habitude, ce sont les voisins. La femme se mit en position de défense, celle que son père lui avait apprise plus jeune. Elle ne s'était jamais réellement battue, quelques fois contre des jeunes de la place car ils s'amusaient à la suivre, mais c'était bel et bien la première fois que les autorités s'approchaient d'elle ; son père faisait bien attention de la protéger. Pas assez on dirait, pensa-t-elle. En relevant son visage vers la fenêtre à l'étage, elle y vit le visage impartial de sa sœur ayant observé la scène depuis le début. Rien à y faire, elle n'aurait jamais réagi. Irenys ne pouvait compter que sur elle-même. Les deux hommes restèrent en retrait lorsqu'elle reposa son attention sur eux ; celui qu'elle avait blessé avait retiré son gant pour masser son poignet. Le deuxième, celui avec l'arme, donna un léger coup à son coéquipier. Les deux s'inclinèrent aussitôt et la femme se demanda si c'était parce qu'elle avait réussi à s'échapper. Étrange signe de défaite. Elle redressa ses épaules accompagnée d'un sourire sur le visage ; voici sa première victoire. Enfin un peu de respect !
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THE FIVE SENSES TOME 1 -Le peuple immortel
FantasyExilé et blessé, l'Odorat vagabonde sur les Terres d'Alathyr à la recherche d'une quelconque motivation. Se languissant sur son trône, le Toucher patiente à l'attente impertinente de sa prochaine vengeance. Errant pendant des siècles, le Goût traque...