Le piège

56 20 4
                                    

Maintenant, je sais qu'elle me suit. 

Cette ombre noire flotte autour de moi, m'enferme et me coupe des autres. Cette promesse de souffrance. Ce pouvoir oppressant que je n'ose pas défier. Et puis ce souvenir, mon corps frêle jeté dans la boue, mon sang coulant sur mon dos et ce rictus de victoire du Prince.             J'attend mon heure, moi, la condamnée au bucher. 

Je le sais. Je le sens. Il ne fait que prolonger le plaisir en attendant. Voir si je finis par aller voir la princesse pour une dernière danse ou que j'aille me rendre pour mettre fin à cette angoisse grandissante. Je suis entourée de monstre que je ne contrôle pas. D'ombres qui disparaissent aux moindres coups d'œil.  De pièges insoupsonables. 

J'ai soif. 

J'attrape une coupe de vin posée dans le couloir et bois directement au goulot.     

Je n'ose plus aller voir ma princesse. Il serait capable de la blesser. De la briser. Personne ne peut soigner les blessures de ce monstre. Elle qui est si forte, si courageuse. 

Elle résiste, refuse, ne cède pas.  Pour moi. 

Moi qui survis. C'est le chose la plus complexe que j'ai du effectuer. Survivre. Survivre alors qu'un homme patriarcal détient le pouvoir de te faire du mal. 

En vérité, j'ai peur. Son venin coule dans mes veines, infecte mon cœur et mes poumons, aveugle mes yeux, compresse ma gorge.  Ces mots, échos du passé, retentissent encore dans ma tête.

Tu ne sais pas de quoi je suis capable.

 Tu ne voudrais pas que la princesse ne souffre elle aussi ?

Ma vision s'obscurcie. 

Tu ne sais pas de quoi je suis capable.

Je lâche la coupe qui se renverse par terre.

Tu ne voudrais pas que la princesse ne souffre elle aussi ?

J'étouffe. Mes mains à ma gorge, je sens la bile remonter. L'air refuse de rentrer dans ma bouche grande ouverte. De la mousse blanche apparait aux commissures de mes lèvres. Les paroles s'accélère et se répète en boucle comme une radio mal réglée. Mon cou ne supporte plus ma tête devenue lourde. Tout s'enchaine. Tout tourne.    

Je tombe. Le sol est mou et réconfortant. Je tremble. Mes muscles refuse de me répondre. La bile brulante tombe dans le vin et sur mes habits. 

Je n'ai plus conscience du temps. 

Je n'ai plus conscience de l'espace. 

Je me résigne et cesse de me battre. De l'eau salée coule dans ma bouche. Je met du temps à comprendre que ce sont mes larmes.  

J'attend et espère que la Dame dans sa robe noire de Faucheuse ne prendra pas trop son temps. J'espère mourir rapidement. J'espère que ma princesse me regrettera et  un murmure s'échappe de mes lèvres sèches comme un oiseau libre. Les mots que n'est jamais osé lui dire. La raison de ma souffrance, de ma survie, de ma vie.

Je t'aime.



Les punitions de l'amour [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant