2 - La ringarde de la promo

200 26 11
                                    

Les pieds toujours ancrés au sol, ma tête ne sait plus où focaliser son attention.

Il y a du monde partout et dans tous les sens. 

Certains sont en train de discuter en petit groupe, d'autres ont le nez collé sur leur téléphone. Il y a aussi ceux qui alpaguent les nouveaux venus pour les informer sur les mutuelles étudiantes, sur les abonnement à nous vendre... Emilie, le fille de Samuel, m'a prévenue : tu ne parles à personne qui veut te faire signer quelque chose !

J'ai rendez-vous dans le plus grand amphithéâtre de la fac. La première année est celle où nous sommes le plus nombreux. Un écrémage se fera tout au long de l'année de ce qu'on m'a expliqué.

Je me contente de suivre les instructions que m'a transmises Emilie pour me repérer dans ce bâtiment bien trop grand pour moi et mon sens de l'orientation défectueux.

Un dernier coup d'œil à ma montre m'indique que j'ai 5 minutes de retard. Ce n'est pas fou mais ça donne matière à se faire remarquer. Ce que j'aime éviter en général...

La porte de l'amphithéâtre est encore ouverte et vu le nombres de personnes devant moi, je suis loin d'être la seule à la bourre. Ma mère avait tort de s'inquiéter, tout va se passer comme sur des roulettes.

Ma curiosité me pousse à tendre la tête pour avoir un aperçu de ce qui m'attend à l'intérieur.

Erreur fatale !

La salle est immense et surtout, elle est pleine à craquer. Le brouhaha qui en émane aurait du me mettre la puce à l'oreille, cela dit.

Ce n'est pas du tout oppressant, ce premier jour, entourée d'inconnus, dans un endroit que je ne maîtrise pas et avec aucune visibilité sur ce qui m'attend.

Ma déglutition ralentit aussi vite que mon pouls s'accélère lorsque je finis par pénétrer dans l'amphi. J'essaie de me remémorer que je vais travailler dans un lieu qui a vu se former plusieurs des plus importants juristes de notre temps mais ça ne suffit pas à faire baisser mon rythme cardiaque.

Mon regard parcourt rapidement les innombrables rangs de sièges qui me font face à la recherche d'une place vide. Pourtant, même ce bon vieux premier rang est pris d'assaut. 

Mes jambes avancent par automatisme et me portent presque jusqu'au bout de la salle. Je cligne des yeux à plusieurs reprises pour être sûre que cette absence de place n'est pas que le fruit de mon imagination. Mais non, je ne vois rien. Du mouvement sur ma gauche me permet de voir une fille au téléphone reprendre ses affaires et rejoindre une copine qui a l'air de lui avoir gardé une place un peu plus bas. L'aubaine ! Je m'y rue comme si ma vie en dépendait.

Pffffff... Ma mère avait en fait raison. Ce n'est pas moi cette fille qui se moque de son premier jour, qui ne prépare rien, qui arrive à l'arrache totale. Me laisser aller à ce point ne me rapprochera pas d'Adam.

Je suis complètement à côté de mes pompes.

Armée de mon cahier de circonstance et de mon unique stylo, je suis bien décidée à ce que cet égarement s'arrête sur le champ. C'est le début de ma nouvelle vie. Celle où j'ai choisi ma filière. Celle où je vais devenir qui je veux être. Je ne peux plus me cacher derrière une étiquette qui me colle au front depuis la primaire. Je vais devoir être moi, juste moi. Et l'image que les autres se feront de ma personne me sera entièrement imputable.

Le brouhaha ambiant se tarit lorsqu'une dame prend la parole sur l'estrade. Son ton est sec, ses paroles sont tranchantes. Elle n'a pas envie de se répéter et nous le fait bien comprendre. Autonomie est un mot qui revient souvent dans son discours d'entrée en matière. Fini les profs qui nous mâchent le travail. C'est à nous de définir l'implication que l'on veut mettre dans notre cursus. Ces propos me rassurent, ils confirment ce que j'étais venu chercher à la fac, la fin d'une pression sans relâche. Je suis sérieuse, je travaillerai ce qu'il faut sans qu'on ait à me coller au train...

L'envers de la confianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant