Chapitre 4

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- C'est le début de la procession royale! s'écria Petro. La reine et sa famille font un tour de la ville avec magnificence pour marquer le début du festival des Perles.

Le groupe d'amis se hâta de sortir du parc, et de descendre quelques rues pour arriver à l'avenue principale qui descendait du palais. Ils avaient proposé à Alba de les accompagner, ce qu'elle s'était empressée de faire.

Une foule assez nombreuse occupait déjà les deux trottoirs de la rue. Une atmosphère de fête était présente partout, une excitation peu contenue se propageait par vagues à travers la multitude. La reine Camilla était très populaire, son règne, qui approchait de ses sept ans, avait, jusqu'ici, été riche, pacifique et agréable pour la population entière d'Évéria. Un des grands projets qu'elle avait menés avait été de désenclaver les petites villes du Sud et de l'Ouest en faisant construire une nouvelle route dotée d'auberges et de stations de repos. Le peuple tout entier, des artisans aux magistrats, en passant par les paysans et les marchands, n'avait manqué de rien pendant les dernières années.

- Tous les sept mois ont lieu les fêtes des Perles, raconta Petro à Alba. Le premier jour des festivités, la reine et la famille royale procèdent en grande pompe avant d'aller ouvrir la fête dans le Grand Parc. Du temps de Mirian Sul'Beni, le père de la reine Camilla, les corporations des artisans et des marchands ont proposé cette procession, pour pouvoir présenter, avec le reste de la population, leur hommage à la famille royale. Cela vient de la richesse économique venue sous le règne de ces souverains. La fête des Perles rappelle l'abondance de perles et de pierres précieuses dans notre pays. L'essai a été fait une année, et est devenue une des traditions les plus appréciées de la capitale.

- Combien de temps vont-ils prendre pour descendre et arriver au parc ?

- D'habitude, le parcours dure une heure. Ah, voici l'avant-garde qui arrive !

Une fanfare résonnait à intervalles réguliers, se rapprochant petit à petit d'eux. Bientôt, la tête du cortège apparut : les soldats de cérémonie portant les insignes de la famille royale, habillés richement et arborant avec fierté les magnifiques roses rouges qui ornaient leur costume. Suivaient ensuite les Gardes Royaux, dont l'uniforme sobre et utilitaire contrastait avec les précédents. Leurs armes brillaient dans le soleil, montrant clairement que ce n'étaient pas des armes d'apparat, mais des lances et des épées prêtes au combat. Des cavaliers venaient après, resplendissants dans leurs habits couleur or.

- Ce sont des élèves de l'Ecole Royale, expliqua Petro. Ils ont été désignés spécialement parmi les meilleurs étudiants pour participer au défilé. C'est un grand honneur pour eux.

Le cortège suivant était composé des différentes corporations de métiers. On reconnaissait facilement les artisans, qui portaient leurs outils respectifs. Les marchands étaient habillés avec de la laine de la plus haute qualité. La corporation des sylvins et des sylvines attira l'œil d'Alba. C'était le métier qu'elle voulait exercer plus tard, et elle admirait l'assurance et la grâce avec lesquelles ces gardiens de la forêt marchaient. D'autres corporations se suivaient encore, mais ce que la foule attendait vraiment, c'était le cortège royal. Ce dernier ne prit pas longtemps à venir. Au bout de la rue, derrière une rangée de Gardes Royaux, parut la calèche de la reine. La reine Camilla était grande, brune, royale, elle souriait d'une joie gracieuse et profonde à ce peuple qu'elle chérissait et qui l'aimait en retour. Lentement, le cortège descendit l'avenue. Et encore plus, juste quand la calèche passa devant Alba, le temps sembla se ralentir. 

Un sifflement strident retentit dans la foule, et une demi-douzaine d'hommes en vert foncé surgirent de partout, des poignards à la main, sautant des fenêtres, écartant la foule, se dirigeant tous vers la reine, une intention mortelle en tête. Les Gardes Royaux n'eurent le temps de ne rien faire. La foule hurlait, terrorisée face au drame qui se déroulait devant elle.

Soudainement, d'autres hommes et femmes s'élancèrent, comme apparus de nulle part. Ils firent barrage aux assassins, protégeant la reine en formant un cercle autour de son carrosse. Le peuple s'éparpillait en hurlant, fuyant les combats qui se déroulaient devant lui. Désorientée, Alba fut entraînée par un mouvement de foule. Elle ne retrouvait plus Petro et son groupe d'amis. Poussée vers une allée, elle réussit à s'agripper à un mur et à résister à la masse. Le temps commença à se gâter. Le soleil disparut derrière une couche d'épais nuages noirs et grondants, un vent froid siffla dans les allées. La ville entière s'obscurcit.

Bientôt, les rues furent vides, il ne restait plus que deux groupes qui combattaient. Toute la famille royale avait été évacuée, les Gardes Royaux semblaient s'être évaporés. L'attentat avait été évité de justesse. Mais la lutte était loin d'être finie. Les assassins résistaient férocement contre les miraculeux sauveurs de la reine. Alba observait la scène de loin, comme envoûtée par la souplesse, la force et la dextérité des combattants.

Brusquement, les assassins rompirent le combat et s'éparpillèrent dans toutes les directions. L'un d'entre eux se dirigea en fuyant vers la ruelle dans laquelle Alba était accroupie. Elle n'eut que le temps de se mettre en garde, qu'il arrivait déjà sur elle. À la dernière seconde, un jeune homme de son âge se précipita entre eux, et, d'un coup de poing, étendit l'homme par terre.

- Suis-moi, dit-il à Alba. Ces meurtriers vont être partout dans la cité, nous risquons de faire une mauvaise rencontre.

Il commença à partir dans une autre direction, mais lorsque Alba ne le suivit pas, il se retourna.

- Excuse-moi, j'ai été un peu brusque. Je m'appelle Lio, je fais partie de cette troupe d'hommes et de femmes qui viennent de sauver la reine, et je te propose de me suivre pour se réfugier dans un endroit sûr.

Lio était un grand brun, à la peau hâlée, aux yeux verts et au visage honnête et sincère.

- Enchantée Lio, je m'appelle Alba. Pourquoi faut-il fuir ?

- C'est long à expliquer, et nous n'avons pas beaucoup de temps, mais pour faire court, les hommes qui ont tenté d'assassiner la reine font partie d'un complot visant à renverser le royaume, et, venant d'échouer, ils viennent de s'éparpiller dans la ville pour prendre leur revanche en égorgeant toute personne qu'ils rencontreront. Convaincue ?

 - Cela me semble une bonne raison de se mettre en sûreté.

- Alors suis-moi !

Les deux adolescents s'engagèrent dans une rue à proximité, et Lio indiqua le chemin à suivre. Ils traversaient des avenues désertes, des boulevards vides. Les nuages d'orage ne laissaient passer que quelques rayons de soleil. Plusieurs fois, Alba crut voir des silhouettes se faufiler dans l'ombre entre les maisons, mais personne ne semblait les suivre. Lio la guidait à travers un dédale de rues étroites, sans hésiter sur le chemin à prendre. Cinq minutes plus tard, il s'arrêta devant une maison, près d'une trappe à charbon située au niveau du sol.

Il tapa du pied quatre fois sur la trappe, et attendit. Elle s'ouvrit soudainement, laissant apparaître un trou noir qui s'enfonçait on ne sait où. Lio vérifia qu'il n'y avait personne dans la rue, puis, disant à Alba de le suivre, sauta dedans. Elle fit de même, et glissa le long d'un tunnel étroit avant d'atterrir dans une salle sombre, éclairée seulement par une bougie. Ses yeux s'étant habitués à la pénombre, elle vit que la salle était occupée par trois êtres humains, assis sur des chaises autour d'une table. Lio était en train de leur parler en chuchotant.

Elle s'avança vers eux.

Les Gardiens du trôneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant