Chapitre 9

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Lénora et Valentin marchèrent, sourire en coin dans les rues de Montmartre. Elle le suivait à l'aveugle, à la fois effrayée et impatiente. Il lui réservait une surprise mais elle s'en méfiait. Elle ne savait pas cacher sa déception lorsqu'elle le sentait et Valentin n'était pas quelqu'un qu'elle voulait blesser. Elle ne le connaissais pas vraiment mais elle ressentait un je-ne-sais quoi. Elle priait silencieusement pour que les dieux l'écoute.

— Tu ne veux toujours pas me dire où l'on va ? demanda la petite brune.

— Non, répondit-il simplement, un sourire narquois sur le visage.

Il s'amusait d'elle. Il aimait ça. Il ne jouait jamais avec le cœur des filles mais plutôt avec leur irritabilité. Toutes les filles qu'il avaient connues étaient fougueuses et explosives. Il aimait s'amuser de cela mais sans moquerie. Elles avaient tendance à aimer cela d'ailleurs. Cependant, Valentin n'était le genre à donner son cœur à la première venue. Il le conservait, habillé d'une cape d'invisibilité, en sécurité. Il détestait s'exposer et il n'appréciait pas particulièrement s'amuser. Il était plutôt du genre sérieux.

Il s'arrêta tout d'un coup. Lénora faillit lui rentrer dedans, ne suivant pas sa cadence. Elle ne comprit pas. Elle regarda partout autour d'elle, les yeux grands ouverts avant de venir les reposer sur le grand brun. Elle entrouvrit la bouche mais aucun son ne parvint à sortir. Elle rassembla alors son courage à deux mains et s'adressa à lui.

— Valentin, pourquoi on s'arrête ?

— On est arrivé.

— Où exactement ?

Il se retourna et la dévisagea, de nouveau un sourire au coin de la bouche puis écarta le bras gauche et dit :

— Ici.

Lénora suivit du regard son bras et vit qu'une façade de brique rouges leur faisait face. Elle était imposante mais majestueuse tout de même. De grandes fenêtres au teint délavait était la seule source de lumière. Cependant, elle avait beau la scruter du regard, elle ne voyait pas vraiment ce qui avait avoir avec eux mis à part une porte en fer noire.

— Je suppose que l'on va entrer dedans, dit-elle.

— Tu supposes bien. Prête à entrer ?

— Euh pas vraiment.

Valentin émit un rire cristallin avant de sortir des clefs et d'en insérer une dans la serrure. La porte s'ouvrit et Valentin lui tint la porte en lui faisant signe d'entrer.

— Vous savez que ça ne me rassure pas du tout ? Suis-je sur le point d'être kidnappée ?

De nouveau, Valentin rit mais cette fois cela sonna plus profond. C'était un rire différent. Franc, heureux.

— Arrête de t'inquiéter pour tout Lénora et fais-moi confiance.

Lénora ne posa pas d'autres questions et s'engouffra à l'intérieur de la bâtisse de briques. Elle eut le souffle coupé en voyant l'intérieur. Un grand espace d'une plusieurs centaines de mètres carrés l'entourait. Du ciment couvrait le sol et les murs étaient eux aussi de la même brique rouge que la façade extérieure. Le monstrueux espace était vide. On pouvait néanmoins se douter que le lieu était créé spécialement pour accueillir des tableaux et d'autres objets d'arts. Plusieurs socles et assises étaient dispersées dans la grande pièce en attente de la prochaine mise en œuvre. 

Lénora parcourut la pièce, le regard ébahi. Les yeux allant partout, elle se retrouva impressionnée par tant d'espace mais aussi tant de vide. Elle sentait qu'il manquait une âme dans la pièce. Toutefois, elle ne pouvait s'empêcher de rester au même endroit plus de cinq secondes. Elle avait l'impression de découvrir le monde de Valentin et elle en redemandait que toujours plus. Elle finit par s'arrêter au milieu de la pièce à la beauté singulière et elle ne put s'empêcher sourire. Elle fit un tour sur elle-même et se retrouva nez-à-nez avec l'homme au regard de gemmes.

Elle resta un instant, suspendue à son regard pénétrant et ne sut quoi dire. La bouche entrouverte et le regard alerté, elle avait du mal à calmer son cœur. Lui ressentait exactement la même chose mais il était impossible de le voir avec son attitude imperturbable. Il la fixa avec qu'une seule envie : l'embrasser. Mais il ne la connaissais pas. Et pourtant il était tombé sous son charme le jour où il l'avait rencontré à La Chouette de Minerve. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant mais il savait parfaitement ce que cela signifiait. Il l'avait déjà ressenti une fois. Il fit donc tout l'opposé de son fantasme.

— C'est très vide je sais.

— Vous plaisantez ? Je sens qu'il a de la magie dans cet endroit mais il manque le déclencheur.

— Pourquoi tu parles toujours en énigme ?

— Je... 

Valentin comprit qu'il la bloquait. Elle n'avait jamais été habituée à ce genre de réponse. Elle n'avait jamais été habitué à un homme comme Valentin mais sa question la décontenançait quelque peu.

— Oublie ce que j'ai dit. J'en ai une autre en revanche.

Lénora, soulagée, l'encouragea d'un signe de menton.

— Pourquoi tu vouvoie tout le monde ?

Elle haussa les épaules avant de répondre.

— Je l'ai toujours fait. Que ce soit avec mes parents, mon meilleur ami ou Bernard.

— C'est qui Bernard ?

— Mon patron. Celui qui m'a envoyée ici.

— Et je ne m'en suis jamais départie. Les gens trouvent cela étrange que je les vouvoies. Je n'ai pas vraiment d'amis mis à part Simon.

— Le meilleur ami ? il demanda pour montrer qu'il suivait.

— C'est ça.

— Si cela peut te rassurer je trouve cela étrange c'est vrai mais je m'y fais très vite.

— Tu es comme Tasha.

— Tasha ?

— Ma nouvelle voisine. Elle est actrice débutante et super sympa. Elle est légère alors ça ne la dérange pas. 

— Mais je ne suis pas tout à fait comme Tasha, déclara-t-il.

— Non pas vraiment, rit Lénora. Vous avez juste la couleur des yeux en commun.

— AH ! il s'exclama soudainement. Je vois.

Les deux connaissances se regardèrent, le regard malicieux avant de se faire conquérir par un rire recouvrant tout l'espace d'exposition. Lénora avait vraiment l'impression que Valentin la respectait et la comprenait, ce qui n'était pas faux. Elle sentait qu'il connaissait ce qu'elle traversait constamment.

— C'est là où vous exposez les œuvres ? demanda Lénora en brisant le contact intime qu'ils avaient créé.

— Bien joué Sherlock.

— Pourquoi il n'y a rien ?

— C'est un peu compliqué. Mais ce n'est pas pour cela que je t'ai amené sur mon lieu de travail ?

— Ah bon et pourquoi alors ? J'espère que c'est pour une très bonne raison parce que sinon je ne lâche pas mon artiste de rue pour ça !

— Eh tu insultes ma maison là !

— Ah, ah, dit-elle ironiquement.

 De nouveau, ils se regardèrent comme les étoiles regardent la lune. Mais cela ne dura que quelques secondes. Cette fois c'est Valentin qui les fit revenir à la réalité.

— Suis-moi.

 Cette fois, la petite libraire ne posa pas la moindre question ni la moindre opposition. Elle le suivit jusqu'au fond de la pièce. Une porte, la même que celle qu'ils avaient emprunté pour entrer, se dessina à l'horizon. Valentin ressortit son trousseau de clefs et en prit une qu'il inséra dans la serrure. Puis il disparut derrière. Lénora le suivit et vit un escalier lui faire face. Valentin était déjà à la dernière marche quand elle commença à monter. Ils se retrouvèrent devant une grande porte coulissante.

— T'es prête ?

— Toujours.

Valentin posa sa main sur la poignée et ouvrit la porte en métal. 

La Ficelle de VénusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant