chapitre 20

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Lundi 19 décembre - 17 heures 21

Noël.

Selon Stella, cette période n'est pas la meilleure de l'année. D'abord parce que les entraînements sont toujours suspendus pendant les vacances de Noël, et ensuite parce-que même si elle allait à la patinoire de son plein gré, elle serait embêtée par toutes les familles qui ne sont pas très douées et sont là pour s'amuser.

Donc elle n'y va pas en dehors des entraînements, ou alors, très rarement.

C'est pourquoi elle se retrouve là, son premier jour de vacances, debout sur ses pointes de pieds face à se fenêtre depuis laquelle elle peut voir les lumières festives de la ville.

Si ses abdominaux sont bien son meilleur atout, elle ne peut pas passer son temps à les développer. Il faut qu'elle se muscle les jambes si elle veut réussir ce foutu triple axel avant février.
Et malgré la douleur qui vient de commencer à parcourir tout l'arrière de ses jambes, elle ne flanche pas. C'est avec la douleur qu'on apprend, si elle a mal c'est que ça fonctionne. Ses muscles travaillent et feront bientôt exactement ce qu'elle veut.

Et ce qu'elle veut, c'est se surpasser. Aller loin. Avoir mal mais pouvoir se dire plus tard que ça en valait la peine, et qu'elle n'aura pas fait tout ça pour rien.

Après une longue et douloureuse minute sur la pointe des pieds, une goutte de sueur coule le long de sa tempe et elle relâche la pression, soufflant longuement avant de boire quelques gorgées d'eau en regardant sa chambre.
Avec son lit à cet endroit, il ne lui sera jamais possible de faire ne serait-ce qu'un seul axel alors trois... Vaut mieux ne pas y penser.

Alors après avoir hausser un petit peu le son de son enceinte, elle pousse son lit jusqu'à ce qu'il atteigne son placard, et elle sourit en voyant l'espace que cela lui laisse.

Elle tourne une ou deux fois avant de se lancer dans un axel simple, qu'elle réussit facilement. Puis un double à l'atterrissage bancal. Elle fronce les sourcils. Elle ne peut pas rater un double axel et espérer réussir un triple même avec beaucoup de travail.
Donc elle recommence.

Encore et encore, elle saute et tourne sur le parquet de sa chambre, enchaînant les doubles axel mais aucun ne la convainc. Elle atterri sans équilibre, elle a l'impression d'être un faon nouveau-né qui vient de se lever sur ses pattes.
Rapidement, c'est la frustration qui prend possession de Stella et elle s'arrête, essoufflée, les mains sur les hanches en regardant le sol.

Elle réfléchit, les yeux vides, et se dit que même s'il est pas parfait, elle sait le faire. Alors il est peut-être temps pour elle de sauter le pas et surtout d'utiliser les muscles de ses jambes pour sauter plus haut.

Stella hésite quelques instants après avoir fait quelques pas, puis elle ose.
Elle est déçue lorsqu'elle se rend compte qu'elle n'a tourné que deux fois, mais elle ne se laissera pas abattre si facilemenr. Il en faut beaucoup plus pour attrister une telle athlète.

Alors elle reprend, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle arrive à tourner trois fois.

Et elle le fait.

Elle atterrit sur deux pieds, et ses bras sont ballants, mais elle le fait, et ça la fait sourire parce qu'il est maintenant 18 heures 25, et elle l'a enfin fait.

Une fois de plus, Stella a la preuve qur le travail paie et elle recule à nouveau pour essayer de faire mieux.

...Et ça se passe tellement rapidement qu'elle est confuse quand elle se retrouve au sol.
Elle regarde autour d'elle, se demandant ce qui lui est arrivé, puis la douleur arrive. Une douleur comme elle n'a jamais ressenti de sa vie, dans toute sa cheville, et elle se rend compte que le bruit de sa chute a camouflé le craquement de celle-ci qui est déjà rouge.

Stella retient ses larmes. Ça ne peut pas arriver, elle ne peut pas se blesser. Pas aujourd'hui, pas à ce moment. C'est impossible.

Elle essuie les quelques larmes et se relève, mais elle se retrouve sur un pied. Ses jambes tremblent.
C'est une tragédie pour elle.

La jeune fille atteint son lit et s'assied dessus. Comment va-t-elle faire ?
Elle se retourne les méninges en essayant de trouver une solution, et la plus logique à ses yeux lui vient rapidement.

Elle ne va rien dire. Elle va faire comme si de rien n'était, comme si tout allait bien. Après tout, si elle en croit sa petite expérience de fille de médecins, sa cheville n'a pas l'air cassée.

Elle a l'air... En sale état, certes, mais pas cassée.

Quand l'adrénaline redescend et que son coeur se calme, Stella est bien heureuse que ses parents ne soient pas là. C'est ses voisins, un adorable couple à la retraite, qui doivent garder un oeil sur la jeune fille lorsque Carina et Maya ne sont pas là.
Il est rare que Stella se retrouve seule, ses parents pensent qu'elle est encore trop jeune, mais ce n'est que pour l'après-midi.

Carina et Maya ne laisseraient jamais leur fille devoir se débrouiller pour se faire à manger. Elle est bien trop jeune à leurs yeux, et trop insouciante.
Même si Stella n'est pas d'accord, c'est pourtant la vérité.

C'est une enfant. Elle n'est même pas encore entrée dans la puberté, elle n'est pas assez mature pour prendre les devants plus d'une après-midi.

Elle se relève, doucement, et boîte fortement jusqu'aux escaliers qu'elle descend assise sur les fesses avant de continuer son chemin jusqu'à la cuisine.
Elle se munit d'un verre un d'un torchon et elle prend des glaçons depuis le frigo qu'elle transvase dans le torchon, et elle le referme avant de s'asseoir par terre et de poser la glace sur sa cheville.

En regardant sa cheville, elle se dit que ce sera probablement assez pour la guérir, et qu'elle ira mieux demain.

Malheureusement en étant assise sur les toilettes le lendemain, Stella peut voir que son état a empiré.
Elle passe ses doigts lentement sur sa cheville, et l'inquiétude fuse dans sa tête.

Elle est toujours décidée, elle ne peut rien dire. Rien qu'aux couleurs de sa cheville elle sait que si quelqu'un l'apprenait, elle ne pourrait pas retourner aux entrainements après les vacances.
Et c'est hors de question que ça arrive car ces entraînements seront les plus importants pour les compétitions qui vont vite arriver.

Elle se décide alors, après s'être lavé les mains, d'enfiler des grosses chaussettes chaudes et de faire quelques tours de sa chambre pour s'entraîner à marcher sans boiter en ignorant la douleur.

Puis elle descend les escaliers et remarque que Maya est dans la cuisine, alors elle la rejoint et se sert un bol de céréales. Elle s'assied autour du plan de travail et mange silencieusement alors que Maya se fait couler un café, réfléchissant à tout ce qu'elle pourrait faire pour arranger ça.

Stella se demande si quelqu'un l'écouterai si elle disait à quel point il est important pour elle de ne pas être arrêtée, ou du moins pas longtemps et d'assez longue durée pour pouvoir faire les compétitions.

Elle est presque sûre que c'est une question de vie ou de mort.

when there was me and you (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant