Cinquième Chapitre

2 0 0
                                    

La soirée était particulièrement douce. Les cigales chantaient encore contre les musiques qui se jouaient sur le vieux disque de Marylou. Le cendrier se remplissait et les discussions fusaient entre les prochaines sorties à venir et le dernier album de The Sukis. On servait de l'alcool mal dilué qui, dans ce genre de moment, avait le goût d'un Veuve Clicquot. Soudain, Marylou se rapprocha de Sasha, lui prit les mains et l'emporta vers elle au milieu du grand salon, entre les quelques bouteilles presque vides. Sous les premières notes de Take on Me du fameux groupe a-ha, sa jupe flottait à travers la pièce, suivit de près par les jambes du brun. Les deux amis dansaient en rythme, ou presque, se tenant la main comme s'ils s'étaient fait la promesse de ne jamais se lâcher. Noah fumait en les regardant tournoyer à en perdre haleine, et Adrien s'était servi du rosé, riant à gorge déployé devant les deux danseurs. La musique terminée, ils se rassîrent tout deux hors d'haleine après avoir bougé comme si leur vie en dépendait.
-Je ne vous savais pas si bon danseur, ricana Marylou en attachant ses longs cheveux roux.
-Je suis un homme plein de secrets vous savez, retorqua Sasha, puis-je vous montrer de quoi d'autre je suis capable?
-Est-ce que nos DJ peuvent nous mettre de la musique adéquate ? demanda la rousse en se tournant vers les deux autres garçons.
-Indochine c'est bon?, demanda Adrien, une cigarette à la bouche, le vinyle déjà en main.
Les deux danseurs se relevèrent et trottinèrent jusqu'à leur nouvelle piste de danse en guise de réponse. Le vinyle commença à tourner et le titre 3e sexe du groupe français commença résonner dans la pièce.

Adrien

Je n'aime pas trop faire la fête, mais ce genre de soirée je dois dire que j'aurais du mal à m'en passer. On avait la grande maison des parents de Marylou rien que pour nous, et ça faisait longtemps qu'on attendait cette soirée. Noah fumait en regardant nos danseurs, le sourire aux lèvres. Indochine retentissait sur les vieilles enceinte et quand je les regardais danser sur ce tube, j'avais l'impression d'échapper au temps quelques instants. Marylou tournait dans sa robe comme si elle était libre de tout mouvement. Elle ressemblait encore plus à Marylou dans ces moments là : elle transpirait la liberté. Les cheveux bouclés de Sasha étaient lâchés et bougeait parfaitement. Je le trouvais particulièrement charmant. La lumière artificielle du salon mettait en avant sa peau matte et son grand sourire. Du canapé où j'étais assis, il était près de moi, pourtant il me paraissait inatteignable. J'avais peur de le regarder trop longtemps, comme si le risque de croiser ses yeux me serait fatal. Je suivais chacun de ses pas, chacun de ses mouvements de bras, m'inspirant de plus en plus. Il dégageait ce charme enivrant qui ferait plongé n'importe qui dans l'ivresse et son rire appelait à danser avec lui. Plus je le regardai, plus j'avais envie d'écrire sur sa manière de danser.

Il était presque une heure du matin et les danseurs s'étaient reposés suite à leur démence depuis déjà quelques heures. Tout les quatre, on trinquaient à l'été et au beau temps sous des musiques plus douces qu'avant. La maison de Marylou était particulièrement grande, il y avait de nombreux tableaux accrochés aux immenses murs blancs. Elle avait une décoration assez vieillotte et tout les meubles étaient anciens. Il y avait des objets nichés en brocantes partout, ce qui faisait aussi le charme de la demeure. Un vieux piano à queue brun était exposé près des caisses à vinyles et du lecteur de musique.
-Il est à toi ce piano Marylou ?, demanda le pianiste les yeux rivés sur l'instrument.
-Non je ne joue que du violon, c'est le piano de ma maman. Tu veux l'essayer Adrien?
-Non non ça me gêne, balbutia le blond.
-Oh s'il te plaît Adrien!, déclara Sasha avec un ton sérieux et enjoué. Je ne t'ai jamais entendu en jouer, j'en rêve!
Le blond souffla un peu gêné et avec le sourire encourageant de Noah, il se leva et prît place devant l'instrument. Le piano était en bois marron, quoique presque orangé, et Adrien eut une pensée pour les cheveux de Sasha.
-Tu veux une partition ?, demanda l'hôtesse.
-Non pas nécessairement, merci Marylou.
Après quelques secondes d'hésitation, les longs doigts du garçon commencèrent à caresser les touches du piano qui résonnèrent dans ce grand salon. Ses gestes étaient harmonieux, ses bras s'étendaient puis revenaient et ses doigts escaladaient le clavier.
-Nocturne en C Mineur de Chopin, déclara la rousse fière d'elle.
Le pianiste se donnait corps et âme à l'instrument, et Sasha le ressentait tellement qu'il sentit sa gorge se nouée. Comme s'il pouvait gâcher ce moment en respirant ne serait-ce qu'un peu trop fort. Les touches plus aiguës secouaient son ventre à chaque fois. La mélodie était douce et ensorcelante. Il alluma sa première cigarette de la soirée avec son nouveau briquet et regarda le dos et les bras fins d'Adrien se mouvoir sous le son des touches bicolores. Le pianiste finît par se détacher de l'instrument et se rassît sous les applaudissements de son petit public.

Sasha

Une bonne heure après le concerto, Marylou et Noah finirent par tout deux aller se coucher, croulants sous la fatigue. Il ne restait plus qu'Adrien et moi. On s'était tout les deux calés sur le transat de la terrasse et mon ami mangeait un morceau de pizza tiède, et fixa la vue qui se présentait devant lui. D'ici, on pouvait voir le grand jardin de Marylou, avec de nombreux oliviers, tous morts sous la chaleur du soleil d'août.
-Comment tu aimerais mourir Adrien? J'avais posé cette question sans vraiment réfléchir, en fixant les feuilles de ces arbres toutes cramées. Comme si aucune d'elle n'avait pu échapper à ce triste génocide. Il ne prit pas beaucoup de temps pour répondre.
-J'aimerais mourir doucement. Mon regard se tourna vers lui. En me rendant compte que je suis entrain de mourir... Ça serait le seul moment où je pourrais faire l'expérience de la mort et m'en rendre vraiment compte. Après quand je serais mort ça sera trop tard.
Il avait dit ces mots en mangeant sa pizza tiède sans quitter les oliviers des yeux.
-Et toi, tu aimerais mourir comment Sasha?"
Je me mît à regarder le ciel. J'adorais regarder le ciel en été. Les étoiles brillaient intensément et je ne parvenais jamais à trouver celle qui étincelait le plus.
-Moi j'aimerais mourir pendant que tu joues du piano.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jun 13, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Le soleil narguait nos peinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant