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LORELEI

18H

La fin des cours sonne enfin. Je suis enfin libérée.

Après une demi heure de trajet, je descends du car scolaire et marche rapidement en direction de ma précieuse maison. De mon précieux cocon. Je claque la porte et le silence glacial m'indique que je suis seule ce soir. Je gravis les marches et entre dans mon repère. Une douce odeur de lavande emplit mes narines et je me sens enfin moi. Je suis dans ma bulle, sans personne pour me déranger ou troubler ma tranquillité. Je me débarrasse de mon sac à dos, le jetant sur mon bureau. Des feuilles s'envolent et tombent lentement sur le sol. Je m'assieds en tailleur sur mon lit, posant mon téléphone, l'écran sur ma couverture grise. Je ne veux recevoir aucune notifications, aucune distraction dans mon moment rien qu'à moi. Mon moment où je me détends en écoutant de la musique ou en lisant un bon roman. Quoi que, depuis quelques jours j'ai une assez imposante panne de lecture. Le monde me semble vide sans les milliers d'histoires que je vis, sans les milliers de contrés que j'explore. Au moment de fermer les yeux et de me détendre en respirant comme ma psychologue me l'a conseillé, je remarque un petit bout de papier à l'arrière de ma coque de portable. L'écriture n'est pas la mienne, en tout cas, je ne reconnaît pas à qui elle peut bien appartenir. Et puis, je me souviens de ma conversation avec Mr Petherson, de son fameux service. Je saisis délicatement mon téléphone et retire le bout de papier de ma coque salit par les années.

J'écris, j'efface, je recommence à écrire puis je ré-efface aussitôt. Je tourne en rond ma petite chambre, faisant des aller-retours devant mon lit sans jamais m'asseoir dessus. Je ne tiens pas en place.

« Écrit lui pour faire connaissance » m'a dit Mr Petherson. Merci pour ce cadeau empoisonné !

Qu'est ce que je pourrais bien lui dire, surtout après avoir assistée à sa crise d'angoisse de cet après-midi.

« Hey salut ! Je suis la fille bizarre qui s'est assise à côté de toi pendant que tu mourrais de panique. Mais rassure toi, je suis tout aussi débraillée que toi ! »

N'IMPORTE QUOI.

Je râle dans ma barbe et jette mon téléphone sur mon lit parfaitement fait. Il rebondit et vient s'écraser par terre, l'écran face sur le sol. Honnêtement, j'espère qu'il est cassé et que je n'aurais pas à envoyer ce stupide message à un garçon que je ne connaît même pas. Malheureusement pour moi, l'écran est intact lorsque je le reprends en main. Je me remet a faire les cents pas, priant en même temps pour qu'une enclume me tombe sur la tête, mettant fin à mon supplice.

Soudain, mon portable se met à vibrer. Le numéro me figure pas dans mes contacts.

« Merci. »

Seulement merci.

Est ce lui ? Mr Petherson a du lui donné mon numéro, en a t-il le droit ? Je ne pense pas mais, les conditions sont différentes.

Je réponds

« De rien, qui que tu soit et quoi que j'ai pu faire pour t'aider ». Intérieurement, j'ai le pressentiment que c'est lui mais je préfère en être sûre. Discuter avec un vieux qui vit dans le sous sol de sa maman n'est pas mon péché mignon, je reste méfiante.

Mon portable vibre de nouveau

« Disons que, les actes valent parfois mieux que les mots »

C'est bien lui. Je m'empresse de répondre.

« Si tu veux connaître quelqu'un, n'écoute pas ce qu'il dit mais regarde ce qu'il fait »*

*citation du Dalaï lama.

« Dalaï lama ? »

Je souris, intérieurement heureuse qu'il est un minimum de culture, pas comme mes autres camarades de classe.

« Le seul et l'unique ! Merci de relever le niveau intellectuel de la classe.»

« J'ai cru comprend que les sujets de discussion sont tout autres en effet »

« Manucure, pédicure et série a la mode ».

Je me dirige vers ma bibliothèque, mon trésor le plus précieux. Une centaine d'aventures y trône, toute plus sublimes les unes que les autres. J'aime lire, me plonger dans ses pages m'aide à m'échapper, a devenir qui je veux être, aller où bon me semble. M'échappée de la réalité, de ma réalité qui s'effondre sur moi. Ranger entre des livres, se trouve mon tourne-disque. Vintage n'est ce pas ? J'aime le bruit de l'aiguille qui tourne sur le vinyle, le son y est tellement plus beau, tellement plus doux que sur les téléphones portables. Je parcours du bout des doigts les vinyles de ma collection : Lomepal, Lewis Capaldi, Maneskin... Des chanteurs aux styles variés mais qui me procure toujours la même sensation en les entendant. Je jette mon dévolu sur JEANNINE de LOMEPAL, un rappeur aux paroles profondes, touchantes. Je m'identifie beaucoup à ses textes. Des frissons me parcourent l'échine lorsque j'enclenche la première chanson, mes oreilles hument cette douce mélodie et je fredonne les paroles tout en m'installant en tailleur sur mon lit. Mon short noir a l'effigie des films Marvel remonte en haut de mes cuisses, laissant apparaître quelques traces blanches. Quelques traces qui expriment sans paroles mes pensées les plus secrètes. Personne ne les as jamais vu. Je garde cela pour moi. Mais il m'arrive parfois, sous la douche, lorsque la lame entre en contact avec ma peau pour me raser, d'avoir envie d'appuyer fort. Tellement fort que la lame puisse déchirer ma peau, faisant couler le sang et me délivrant du trop plein de peine que j'accumule chaque secondes. Mon portable se met à vibrer après quelques minutes d'attentes.

« Et bien, chère compatriote cultivé, nous allons devoir affronter un terrain miné semer de paillettes et de ragots. Je ne suis pas sûre que nous allons nous en sortir vivant, ils sont tellement nombreux ».

Je me surprends moi-même à émettre un léger gloussement. Derrière son armure de gros dur ce cache... NON NON NON, pas de phrase à l'eau de rose. Nous sommes juste deux camarades qui discutent. Pas de raison de s'emballer.

« Je seras néanmoins un plaisir de me battre a vos côtés, sergent Intellect !»

« Je peux te poser une question »

Je me redresse aussitôt, mon ostéopathe ferais un malaise en voyant ma position, avachie en avant, les épaules basses. Mon cœur bat soudainement plus vite.

« Je t'écoute. »

Les trois petits points qui s'agitent en bas de mon écran semble aller d'une lenteur interminable. Mais après tout, pourquoi stresser ?

« Pourquoi tu es rester auprès de moi tout à l'heure ? Tu aurais pu faire demi tour et me laisser dans ma crise. Pourquoi tu ne l'a pas fait ? »

Sans réfléchir une seule seconde, je pianote rapidement ma réponse.

« Parce que j'aurais aimée que quelqu'un se tienne près de moi quand je suis dans le même état que tu l'était. »

« Je vois, merci de ta sincérité. »Réponds t-il.

« Je t'en prie. Je vais t'abandonner pour la nuit.»

Mes yeux me piquent et mes bâillements pourraient décrocher ma mâchoire, mon horloge annonce 3h11 du matin. Demain nous avons une excursion à l'aquarium de la ville, il faut que je dorme.

«En effet, il est assez tard. Bonne nuit Lorelei. »

Il s'est souvenu de mon prénom, je souris.

«Bonne nuit Eden.»

Je me lève de mon lit, coupe mon tourne disque et part me plongée dans les bras de Morphée.

For all the lost soulWhere stories live. Discover now